La Maison des Soleils, de Alastair Reynolds

Alastair Reynolds fait partie des grands auteurs de SF contemporaine, plutôt typé « hard-SF ». Auteur réputé depuis de nombreuses années, avec une base scientifique incontestable (il a notamment travaillé pour l’ESA), il est revenu en 2022 en France en haut de l’affiche avec l’excellente novella « La Millième Nuit » puis en 2023 avec le formidable roman « Eversion ». Porté par les éditions du Bélial’ (desquelles on espère bien fort une réédition à la hauteur de son grand cycle des « Inhibiteurs »), le voilà qui revient dans l’univers de « La Millième Nuit » avec un roman de space-opera où tous les curseurs sont poussé à donf !

 

Quatrième de couverture :

Ils sont la Lignée Gentiane, la Maison des Fleurs. Ils sont mille. Mille clones âgés de six millions d’années, tous issus d’Abigail Gentian et d’une époque où l’humanité n’était encore qu’à l’orée de l’ère stellaire. Depuis tout ce temps, ces fragments éparpillés parcourent la galaxie, spectateurs de l’aventure humaine à travers l’espace, là où empires et conquêtes fabuleuses se fracassent sur la noria du temps.
Tous les deux cent mille ans, après un tour complet de la galaxie, les membres de la Lignée se réunissent pour échanger souvenirs et expériences. C’est la Millième Nuit, une fête sans pareille. Or, pour cette trente-deuxième réunion, Campion et Purslane sont en retard. Un détail ? Pas vraiment. Car dudit retard pourrait bien dépendre le devenir de l’ensemble de la Voie lactée, et peut-être même bien au-delà.

 

Mindblowing !

La novella « La Millième Nuit », parue en 2005 en VO (2022 en France), avait déjà posé les bases de l’univers imaginé par Alastair Reynolds, qui y revient ici en version longue (parue en 2008 en VO). On y trouvait déjà des échelles de temps et d’espace considérables, des ingénieries démesurées, bref, du sense of wonder à l’état pur sans que cela ne soit, comme c’est parfois le cas dans ce type de hard-SF, trop désincarné puisque l’auteur s’est astreint à rester aux côtés de ses personnages bien humains malgré leurs possibilités quasi illimitées (remodeler des planètes, déplacer des étoiles, etc…). C’est à nouveau le cas avec ce roman, « La Maison des Soleils » (qui ne nécessite pas d’avoir lu « La Millième Nuit » auparavant mais c’est malgré tout un excellent hors d’oeuvre que je conseille fortement), dans lequel les curseurs sont à nouveau poussés au max, sans se « limiter » (bien que cela ne soit pas en réalité une limitation à partir du moment où le récit est prévu pour) au format de la novella.

Donc accrochez vos ceintures, Alastair Reynolds va vous faire voir du pays ! Pas du tout en mode Jack Vance avec des planètes chatoyantes (quoique…), plutôt en mode… euh… ben Alastair Reynolds quoi, avec des vaisseaux gigantesques, des batailles spatiales relativistes, des complots s’étalant sur des centaines de milliers d’années, des lois physiques respectées, ce dernier point accentuant d’ailleurs le sense of wonder du récit.

On retrouve les personnage de Purslane et Campion, déjà à l’affiche de « La Millième Nuit » donc, personnages clones de Abigail Gentian (à l’origine de la lignée du même nom, composée de mille clones) âgés de six millions d’années et qui, après quelques rendez-vous dont on s’apercevra qu’ils ne doivent rien au hasard, vont se rendre à la traditionnelle Millième Nuit durant laquelle ils partageront leur expérience des 200 000 années précédentes auprès de leurs semblables, un laps de temps qui leur permet d’observer de nombreuses civilisations apparaître, croître puis décliner. Sauf que cette fois, ils risquent d’arriver en retard, ce qui n’est pas très bien vu, eux qui déjà sont un peu marginaux au sein de la lignée, pour diverses raisons que je laisse le soin au lecteur de découvrir. Oui mais… Cela pourrait bien leur sauver la vie. Et pas qu’à eux d’ailleurs, puisque derrière tout ça se cache une affaire aux retentissements galactiques.

Difficile d’en dire plus tant l’intérêt du texte réside dans sa découverte, avec ses proportions titanesques, ses enjeux colossaux et l’émerveillement qu’il suscite au fil des pages. Génocide, lignée occulte, trahison, IA, intelligence distribuée, causalité, disparition d’une galaxie, trans et post-humanité sont quelques uns des thèmes et des concepts au coeur du récit. Rien que ça laisse déjà imaginer des trucs assez dingues et croyez-moi Alastair Reynolds ne s’en prive pas et va même encore plus loin que ce que vous auriez pu imaginer. 😉 L’auteur gallois signe là un page-turner ébouriffant, partagé entre thriller, space-opera et hard-SF à échelle cosmique dans un cadre physique tout ce qu’il y a de réaliste (avec une vitesse de la lumière indépassable) pour un résultat absolument renversant.

Roman parfaitement représentatif de tout ce que j’aime en SF, c’est évidemment un coup de coeur qui, en plus de retourner le cerveau avec son sense of wonder à nul autre pareil, retourne aussi le coeur avec ses personnages consistants. Cette humanité très éloignée de nous reste en effet profondément… humaine (!!) et les meilleurs côtés de l’être humain se trouvent aussi, parfois, là où on l’attend le moins. Gros point fort du récit, qui participe grandement à sa réussite, les personnages du roman se débattent dans un cadre physique réaliste, corset qui ne fait qu’ajouter à la tension narrative.

Bref, vous l’avez compris, c’est brillant de bout en bout, aussi bien par son aspect hard-SF sidérant, par ses personnages émouvants (chose relativement rare dans un roman de ce type), que par sa forme plutôt habile, chacune des huit parties du texte débutant par un chapitre dédié à Abigail Gentian, six millions d’années avant la création des clones de la lignée, un élément qui prendra évidemment en fin de récit une signification particulière. Incontournable, on ressort de ce roman (traduit par Pierre-Paul Durastanti avec une illustration de couverture réalisée par Amir Zand, tous deux déjà à l’oeuvre sur « Eversion » du même auteur) avec des étoiles plein les yeux, convaincu d’avoir vécu un voyage cosmique et temporel absolument extraordinaire. Splendide !

 

Lire aussi les avis de Gromovar, L’épaule d’Orion, Stéphanie Chaptal, Anudar, Yogo, Célindanaé, Constellations, 20C, Sam Therapy, Weirdaholic, Les blablas de Tachan, Feygirl

Chronique réalisée dans le cadre du challenge « Summer Star Wars – Ahsoka » de Lhisbei.

 

  
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