Comics Tortues Ninja « classics », tomes 1 et 2
Un mot sur ces fameuses tortues avant de parler de mes deux (pour l’instant…) lectures. « Teenage Mutant Ninja Turtles » part d’un dessin réalisé par Kevin Eastman en 1983 représentant une tortue humanoïde masquée tenant des nunchakus. Avec son ami Peter Laird, la tortue est devenue un groupe de quatre (Leonardo, Donatello, Michelangelo et Raphael) guidées par un rat mutant (Splinter), et les deux potes décidèrent d’en faire un comics auto-édité paru en 1984 (à l’aide d’un prêt financier de l’oncle d’Eastman). Les 3000 premiers exemplaires se vendirent rapidement, une réimpression suivit et le premier numéro, censé être unique, fut finalement le début d’une longue série à succès. Le documentaire « Turtles Power : l’épopée Tortues Ninja » explique tout ça très bien, de même qu’un épisode des séries « The Toys that made us » et « The Toys that built America » en ce qui concerne les produits dérivés (jouets notamment, mais aussi le premier dessin animé des années 80 et le premier film).
Il ne faut donc pas confondre les tortues ninja originales de celles que nous connaissons tous par le biais du dessin animé qui débuta en 1987 (mais si, vous vous souvenez des paroles du générique : « Chevaliers d’écailles et de vinyl »… Ne me remerciez pour cet instant nostalgie qui va vous rester dans la tête toute la journée… 😀 ), très enfantin. Les tortues ninja de Eastman et Laird ne sont pas de la même trempe : c’est plutôt sombre, dans un New-York gangréné par la violence. L’humour reste à l’arrière-plan et les tortues n’hésitent guère à tuer, à consommer de la bière, voire à voler un malheureux un peu trop inattentif…
Eastman et Laird se sont appuyés sur de nombreuses influences (ils ne s’en cachent absolument pas : Jack Kirby, le comics Daredevil, Star Wars…) et ont clairement écrit ces comics en y mettant tout ce qui les passionnait, sans vraiment se fixer de limites (bon, en mettant en scène des héros qui sont des tortues pratiquant le ninjutsu, le contraire aurait été étonnant… 😀 ). Et passant d’une intrigue au départ urbaine, les auteurs qui écrivaient tous leurs comics à quatre mains au sens strict du terme (il n’y avait pas un scénariste et un dessinateur, tout était fait à deux), n’ont pas hésité à partir dans l’espace avec un aspect SF totalement assumé. Mais trêve de bavardages, passons aux deux premiers volumes, parus chez HiComics.
Teenage Mutant Ninja Turtles Classics, tome 1 : Les origines, de Kevin Eastman et Peter Laird
Composé des sept premiers numéros de la série originale et d’une micro-série consacré à Raphael, ce volume peut être divisé en quatre parties distinctes. La première est consacré au premier numéro de la série, dont je trace les origines en quelques mots juste au-dessus. Destiné à rester unique, c’est pourtant une très bonne introduction à ce qui deviendra une série et qui contient tout : les personnages sont présentés avec leurs origines (qui sont un peu délirantes, notamment en ce qui concerne Splinter (qui signifie « éclat » en français et qui est donc une référence directe au Maître Stick (bâton) de la série Daredevil) mais ça fait partie de la « blague » signée Eastman–Laird), on a un début, un ennemi très méchant (Shredder et le clan Foot, nouvelle référence à Daredevil et sa secte de « la Main »), des combats, et une fin. Tout y est, au propre comme au figuré, avec des cases devenues célèbres voire iconiques. C’est là que tout a commencé.
La deuxième partie est composée des numéros 2 et 3, qui forment un seul et même récit. Une menace emblématique (les Mousers, qui sera reprise dans de nombreuses autres itérations de la franchise), un nouveau personnage hyper important (April O’Neil) et un nouveau méchant, important lui aussi (Baxter Stockman). La mythologie des tortues ninja prend forme, notamment avec son épilogue qui se termine par un beau cliffhanger quant au sort de Splinter.
La micro-série sur Raphael introduit un nouveau personnage allié, Casey Jones. Là aussi c’est un récit important et fondateur, qui pose les bases de la complicité entre Casey et Raphael qu’on retrouvera également dans les versions ultérieures de la franchise, de même que le caractère de Raphael, parfois à la limite de l’agressivité dangereuse.
La quatrième partie est composée des numéros 4 à 7, qui font directement suite au cliffhanger du numéro 3. Mais plutôt que d’être juste une suite, on a là un quatuor de numéro qui laisse libre cours à une passion de Peter Laird : la SF. Le récit devient donc « cosmique » avec téléportation et exoplanètes, guerre galactique et civilisations étrangères. On est là en plein dans un récit « star-warsien » assumé, avec sa cantina et ses énormes structures spatiales. Ça peut surprendre mais cela nous montre surtout qu’avec les tortues ninja, on peut à peu près tout faire sans arrière-pensée. Eastman et Laird s’amusent et ça se voit ! Et on s’aperçoit aussi que le duo avait lancé quelques pistes dès le premier numéro (pourtant censé resté unique), réutilisées ici pour renforcer la cohérence de leur univers en formation.
Les tortues ninja version années 80 se lisent donc toujours très bien de nos jours, et même si le graphisme peut paraître daté on ne peut en revanche pas reprocher grand chose à la composition et au talent narratif des deux artistes, quand bien même les récits restent loin des standards actuels (et loin de ce que les auteurs écriront plus tard, à commencer par ce qu’on retrouvera dès le deuxième volume).
Teenage Mutant Ninja Turtles Classics, tome 2 : Travail d’équipe, de Kevin Eastman et Peter Laird
Plus inégal que le premier volume, celui-ci débute avec une sympathique micro-série centrée sur Michelangelo. Il s’agit ni plus ni moins que d’une belle histoire de Noël, ce qui tranche assez nettement avec l’atmosphère habituelle des récits des tortues, mais c’est l’occasion de voir Mikey jouer avec des enfants dans la neige, adopter un chat et essayer de nombreux jouets dans un magasin. Le dessin est en revanche un peu chargé en neige (trop de points blancs !!) ce qui le dessert quelque peu mais c’est une histoire très sympa à lire, avec une jolie conclusion. Un vrai conte de Noël.
L’histoire suivante, indépendante et numéro 8 de la série, est un crossover avec Cérébus, un oryctérope anthropomorphe créé par l’artiste Dave Sim. Manquant singulièrement de contexte pour avoir un réel intérêt, c’est tout de même l’occasion d’introduire le voyage dans le temps dans la franchise et de créer le personnage de Renet (qui reviendra dans d’autres aventures des tortues), une apprentie tisseuse temporelle un peu gaffeuse au service du Seigneur Simultané, un genre de seigneur du temps… Assez léger, avec un humour qui prend beaucoup de place, c’est au final plutôt bof…
Vient ensuite une nouvelle micro-série, cette fois dédiée à Donatello. Hommage à Jack Kirby avec le personnage dessinateur nommé… Kirby (!!), cette histoire du genre fantastique voire fantasy est une belle réussite avec son monde parallèle, ses dessins qui prennent vie et sa fin douce-amère (c’est très explicite sur la dernière case).
Une nouvelle histoire indépendante arrive avec le numéro 9, qui s’intéresse à la jeunesse des tortues, avant leurs rencontres avec Shredder, April, etc… Bandeaux différents, leurs armes pas encore tout à fait choisies, les tortues sont en pleine formation et on y voit les capacités « astrales » de Splinter utilisées pour accomplir les dernières volontés d’un vieil homme. Plutôt efficace, c’est un récit qui se lit sans déplaisir, sans fondamentalement marquer de son empreinte la mythologie des tortues.
Et c’est tout l’inverse avec les trois derniers récits (la micro-série sur Leonardo et les numéros 10 et 11 de la série originale). Là, on franchit clairement un cap. Avec tout d’abord la micro-série et sa mise ne page 3/4 – 1/4, les 3/4 du haut étant dédiés à Leonardo aux prises avec les ninjas du clan Foot tandis que le 1/4 du bas met en scène les autres tortues, Splinter et April qui préparent Noël tous ensemble. 3/4 avec un dessin sombre, sans aucun texte, et un Leonardo en grosse difficulté qui en prend plein la gueule (et un découpage ultra dynamique pour les combats), 1/4 avec un dessin plus léger, plus clair, pour mieux représenter une certaine insouciance. C’est rude, âpre, et la conclusion, formidablement bien amenée, est une merveille avec son… Non je ne dirai rien. Mais waouh !
Les numéros 10 et 11 sont dans la continuité et forment donc un triptyque. Là encore, composition, découpage et splash page d’anthologie, c’est du très très bon ! Les tortues sont ici à un tournant et ne sortent pas toujours vainqueurs de toutes leurs batailles, malgré l’aide d’un nouvel allié. Il faut donc fuir, et le numéro 11 inaugure un nouveau cycle, loin de New-York. Plus introspectif, c’est une remise en cause totale de la vie des tortues et de leur entourage proche. De la famille, au sens large (April en fait incontestablement partie). Basée sur le journal intime d’April écrit comme une sorte de thérapie post-traumatique, cette histoire qui se déroule sur plusieurs mois sonne comme une fin de cycle autant que comme un renouveau. Quand on sait que c’est aussi avec ce récit que se sont terminées les collaborations Eastman–Laird qui ne pouvaient plus se supporter et gérer la licence déjà devenue grosse machine, ce numéro prend une signification bien particulière…
Ce tome 2 débute donc doucement avec des histoires moins marquantes que d’autres, mais il finit en trombe avec un triptyque absolument incontournable qui mérite à lui tout seul l’achat de ce volume une nouvelle fois garnie de notes (parfois banales, parfois passionnantes) des auteurs. C’est old-school certes, c’est en noir et blanc certes, mais c’est quand même sacrément bon ! Et on n’a donc sans doute pas fini d’entendre parler des tortues ninja par ici… 😉
Je n’avais jamais réfléchi que c’est un comics à la base, le dessin animé est vraiment trop ancré dans mon esprit. C’est un peu chargé graphiquement mais ça a l’air d’avoir plutôt bien vieilli.
Il y a quelque chose de particulier qui t’a poussé à les lire ?
C’est parfois un peu chargé, parfois moins : quand les auteurs veulent que l’action (quelle qu’elle soit) prenne le pas sur le reste, le fond s’efface et reste blanc pour faire ressortir les protagonistes par exemple. Mais sinon oui il y a pas mal de détails. Et en effet ça reste lisible près de 40 ans plus tard.
Ça fait un moment que j’entends dire que les comics Tortues Ninja sont de très bonne qualité, je me suis donc enfin décidé dernièrement en commençant par les comics modernes, édités depuis le « reboot » de la franchise en 2011 par IDW aux US, et Soleil d’abord puis HiComics maintenant en France. Et en effet, c’est très prenant, très bien fichu, bien raconté, en un mot : passionnant. J’y reviendrai évidemment prochainement. Et en parallèle de cette lecture moderne, je me suis aussi tourné vers les comics originaux, qui sont donc eux aussi très bons et on peut jouer au petit jeu des comparaisons puisqu’il y a pas mal d’éléments qui ont été repris, modifiés, transformés, etc… Mais dans les deux cas j’adore ! Le dessin animé fait très très pâle figure en comparaison, les comics sont laaaaaaargement au-dessus ! 😉
Géniaaaaaaaaaaaaallleuh!!!! Moi aussiiiiiiii, un jour je lirai tout ça!!!!
Oui, un jour sans doute. Mais quand ? 😀
Toute la question est là!! Franchement, c’est ça, la question sur « la vie, l’univers et tout le reste »…!!
Alors la réponse est sans doute « 42 ». 😉
Mais 42 jours, 42 semaines, 42 mois… 42 ans ?? 😀