Zapping VOD, épisode 75, spécial Godzilla (et un autre invité…)

Posted on 25 janvier 2024
Maintenant que les versions modernes de « Godzilla » ont été revues, pourquoi ne pas enchaîner avec la proposition américaine du « MonsterVerse » qui est de placer tout un tas de gros monstres, dont Godzilla bien sûr, dans un univers relativement cohérent. Ouais, comme les Japonais en fait. Bref, allons voir ça. Et accrochez-vous, c’est un peu long. 😀

 

Kong : Skull Island, de Jordan Vogt-Roberts

Digne hériter du « King Kong » de Peter Jackson tout en lorgnant très ouvertement sur « Apocalypse Now » (ou « Au cœur des ténèbres » côté littéraire), « Kong : Skull Island » est une sorte de descente aux enfers pour un petit groupe de militaires chargés d’escorter quelques scientifiques censés faire quelques recherches sur une île qui se dérobe à tous les regards, Skull Island. Un prétexte pour certains de ces scientifiques qui ont un autre but et surtout une autre idée de ce qui se trame sur cette île.

Alors oui, « Apocalypse Now » bien sûr : un groupe de militaires perdus dans la jungle durant la guerre du Vietnam (le film se déroule en 1973), du napalm, des scènes de nuit avec des flammes, des morts au fil de l’eau, etc… Le parallèle est évident (mais pas question de tomber dans le piège de la comparaison, ce sont deux films bien différents), mais si le Colonel Kurtz est absent, il y a pourtant bien une créature qui règne en maître dans ce film, il s’agit de Kong bien sûr.

Film permettant d’intégrer Kong au MonsterVerse, dans le but de le voir affronter Godzilla dans un autre film (voir plus bas), « Kong : Skull Island », sous la houlette de Jordan Vogt-Roberts, met en place certaines des bases de cet univers de gros monstres, à peine voire pas du tout effleurées dans le premier film du MonsterVerse, le « Godzilla » de Gareth Edwards. On y parle de Monarch, cette organisation chargée d’étudier les gigantesques et dangereuses créatures, mais aussi de Terre creuse comme possible lieu d’origine de celles-ci.

Et avec tout ça, il y a donc Kong. Puissant, redoutable, menaçant mais pas méchant (symbole de la nature qui se défend contre les destructions orchestrée par l’humanité), il en impose. C’est un Kong jeune, qui a perdu ses parents il y a relativement peu de temps, tués par un gigantesque rampant, une créature issue de cette fameuse Terre creuse par qui suinte les bébêtes maléfiques. Le film culmine bien évidemment dans leur affrontement, spectaculaire. Mais auparavant il y aura eu son lot de bestioles pas très ragoutantes, de l’araignée empaleuse à la pieuvre étrangleuse en passant par le buffle géant et bien sûr les rampants, hybrides mi-serpents mi-lézards pas très sympathiques.

Et ce sont bien évidemment les humains (avec un casting étincelant : Brie Larson, Tom Hiddleston, Samuel L. Jackson et son perso ultra-cliché de militaire prêt à tout pour se venger, John Goodman, John C. Reilly…) qui vont principalement en faire les frais. Et très honnêtement ce n’est pas bien grave car, et c’est une constante malheureuse dans ce type de film, ils ne sont guère intéressants une fois qu’on a passé leur deux minutes d’exposition (je vous avais bien dit qu’il ne fallait pas comparer ce film à « Apocalypse Now » et ses personnages fascinants et charismatiques…) et n’ont finalement qu’une simple utilité fonctionnelle.

« Kong : Skull Island » n’est donc pas un film de grande classe, loin s’en faut, mais il assure le spectacle de manière honnête, avec une petite pointe d’horreur gentiment gore plutôt inattendue ici, une très belle photographie, des effets spéciaux réussis, une BO très orientée rock des 70’s (donc forcément très cool) et se suit avec plaisir, en respectant le mythe (en lui ôtant tout de même sa partie américaine puisque l’intégralité du film se passe sur Skull Island) et l’intégrant dans quelque chose de plus grand. Ça donne donc envie de voir la suite.

 

Godzilla : King of the Monsters, de Michael Dougherty

On prend les mêmes et… Euh non en fait. Enfin un peu quand même, puisqu’on retrouve Godzilla, mais un des points intéressants du MonsterVerse c’est que, pour le moment, aucun film ne se ressemble vraiment, dans le contexte ou l’époque choisie. Et même si on revient ici, après les années 70 de « Kong : Skull Island », à une époque contemporaine quelques années après les évènements du « Godzilla » de Gareth Edwards, le ton du film est bien différent. Car si Edwards ménageait ses effets, ne montrant Godzilla qu’avec une certaine parcimonie pour en accentuer l’impact, Michael Dougherty, aux commandes de ce film, compte bien en mettre plein la vue, avec moult monstres et affrontement titanesques.

Ce qui ressort avant tout de ce film, c’est le respect qu’il porte à ses ancêtres, c’est-à-dire à la franchise « Godzilla » dans son ensemble. On y retrouve en effet de très nombreux clins d’œil et références plus ou moins appuyées et surtout une vraie connaissance de son sujet. Car si Godzilla n’est désormais plus seul puisqu’on voit apparaître quelques-uns des monstres les plus connus dans l’univers godzillesque, à savoir Rodan, Mothra (souvenez-vous) et surtout Ghidorah, le dragon à trois têtes némésis du monstre japonais, les origines de ses acolytes ou ennemis sont respectées (Mothra, sa première forme et ses armes, souvenez-vous là encore, Ghidorah et son origine bien particulière même si c’est à peine effleuré…) et ça fait bien plaisir. Et d’ailleurs, le plaisir est décuplé quand on voit ces gigantesques titans à l’écran, magnifiés par une superbe photographie qui permet au réalisateur de multiplier les plans iconiques (Mothra sous la cascade, Ghidorah sur le volcan, et j’en passe), et s’affronter pour de bon.

Parce que là, ce n’est plus seulement Godzilla, c’est toute une population de titans qui se révèle aux yeux du spectateur, même si le focus est essentiellement placé sur les créatures sus-citées. Mais il y a une vraie volonté d’épater la galerie et avec un budget confortable et des effets spéciaux très au point, Michael Dougherty a pu se faire plaisir et faire plaisir au public. Il y a là une vraie générosité qui fait plaisir à voir. Oui, trois fois le mot plaisir (quatre maintenant…), c’est un signe.

Dommage qu’une nouvelle fois, les personnages humains ne soient pas très intéressants, très clichés (famille éclatée par un drame survenu lors du premier « Godzilla » de 2014, blablabla… Ça a au moins le mérite de faire un lien entre les films, mais ce trauma aurait pourtant pu avoir beaucoup plus de poids sur les décisions des personnages) alors qu’il y avait vraiment mieux à faire, surtout avec un tel casting (Kyle Chandler, Vera Farmiga, Millie Bobby Brown, Ken Watanabe, Zhang Ziyi, Charles Dance…). Le grand méchant ne sert à rien, certaines réactions sont totalement improbables, alors que certaines intuitions (avec les yeux froncés pour faire croire que…) font rire tellement elles sortent de nulle part…

Même le fond du film manque singulièrement de finesse, avec ces écolos jusqu’au-boutistes qui veulent faire tabula rasa, face aux gentils qui préfèrent tenter la cohabitation, du moins tant que ça puisse se faire. On détruit tout ou on tente de s’accorder avec la nature symbolisée par les titans. La menace nucléaire, qui a pourtant donné naissance à la saga, semble être du même coup un peu oubliée… Sans parler du scénario un brin WTF basé sur un MacGuffin (l’Orca) qui sert surtout à faire courir beaucoup de monde entre des points rouges signalés sur une carte du monde, comme autant de scènes de destruction massive (au demeurant parfaitement réalisées)…

Mais bref, les humains on s’en fout, ça a toujours été le défaut de la plupart ces films (et pas que chez les Américains… même si le fond du film, très light, fait peine à voir par rapport à ce qu’ont par exemple fait les Japonais avec « Shin Godzilla »), c’est d’ailleurs un sujet connu puisque j’avais lu une interview d’une personne bien placée dans la production qui disait qu’un film uniquement basé sur les monstres, sans personnages humains, était envisageable. Comme quoi…

En tout cas, on en a pour notre argent, les gros streums se castagnent pour notre plus grand plaisir, on en prend plein les mirettes et l’univers se densifie encore un peu plus, prenant racine dans les mythes et légendes de nombreuses civilisations (Scylla chez les Grecs, Leviathan au Loch Ness, Quetzalcoatl au Machu Picchu, etc…). Sans prétendre faire un film révolutionnaire, Michael Dougherty offre un bon gros spectacle, généreux, divertissant, à défaut d’être très futé. Ça fonctionne bien, la mission est remplie. On peut tout de même difficilement nier le fait que les Américains ont tendance à faire dévier la saga vers l’action pure là où les Japonais trouvaient toujours le moyen d’évoquer divers traumas, que cela soit la guerre, le nucléaire, ou bien tout cela ensemble…

 

Godzilla vs Kong, de Adam Wingard

Ah, le combat des titans ! Godzilla ou Kong, choisit ton camp ? Eh bien non, ce serait trop risqué pour les producteurs que de faire émerger un vainqueur dans un tel duel, c’est donc une voie médiane qui sera prise, d’ailleurs le film suivant (prévu pour une sortie en avril 2024) s’intitule « Godzilla x Kong ». Je ne spoile donc rien mais bon… Bref, voie médiane donc mais parfois un peu bancale. Certes, le film reprend à son compte tout ce qui a été tissé dans les longs métrages précédents pour aller encore un peu plus loin. Parfois plus loin dans le WTF aussi, il faut bien le dire.

Nous voici donc cinq ans après les évènements de « Godzilla : King of the Monsters ». Le réveil des titans semblait avoir produit des effets bénéfiques pour la planète, mais voilà que Godzilla réapparait en furie et détruit une partie de la ville de Pensacola, là où se situe le cœur d’une méga-entreprise de cybernétique, Apex. Dans le même temps, Kong vit dans son « Truman Show », c’est-à-dire dans une bulle protégée de l’extérieur (à moins que ce ne soit le contraire…) sous la surveillance de l’organisation Monarch.

Je vous passe tout le gloubiboulga scénaristique à base de source d’énergie nouvelle, d’inversion gravitationnelle (qui n’a strictement aucun intérêt ni surtout aucun impact), de visite de la Terre creuse, de civilisations de titans, pour éviter de vous donner mal à la tête (non à cause de la difficulté de la chose mais plutôt à cause du grand n’importe quoi). Il y a pourtant des choses intéressantes, comme par exemple la descente vers cette fameuse Terre creuse dont on nous parle depuis plusieurs films maintenant, qui rappelle forcément à l’amateur de SF littéraire quelques belles et anciennes œuvres du genre (Verne, Burroughs, Léon Groc et bien d’autres), mais le fait est qu’en ajoutant cette surcouche très SF, le film semble ne pas trop savoir sur quel pied danser et je n’y ai pas vraiment trouvé ce que j’attendais, même si à l’évidence il y a là pas mal de pistes lancées pour les films qui suivront (la hache ? Le trône ? D’où viennent-ils ? Y a-t-il ou y avait-il une civilisation de titans dans cette Terre creuse ? Qui en étaient les chefs ?). Et vous voulez qu’on parle des personnages ? Non vous ne voulez pas, et vous avez raison. Ça n’en vaut pas vraiment (ou vraiment pas…) la peine…

Bref, les deux monstres font leur truc chacun de leur côté, se croisent en pleine mer et se foutent sur la tronche parce que ce sont deux mâles alphas vous voyez ? Et donc deux mâles alphas ne peuvent pas s’entendre. Logique. Premier round pour Godzilla. Et puis un peu plus tard (alors que pendant ce temps, les autres (et nombreux) kaijus qu’on avait entraperçus dans « Godzilla : King of the Monsters » semblent avoir disparu de la circulation, bonjour la cohérence…), après une petite virée en Terre creuse et la découverte de la source d’énergie miraculeuse tant convoitée, Kong recroise Godzilla à Hong Kong (ce dernier a senti une entourloupe avec les manigances d’Apex, il a du flair ce lézard !), et c’est reparti pour un tour. Deuxième round pour Kong. Puis troisième pour Godzilla avant qu’un retournement fasse emprunter au film cette voie médiane dont je parlais plus haut. Ça se voit venir à des kilomètres à la ronde mais c’est pas grave.

Après tout, avec d’un côté Kong qui sait parler la langue des signes et dont le regard et certaines expressions faciales sont très humanisés et de l’autre côté un Godzilla qui n’a cessé dans le MonsterVerse d’être plus ou moins (malgré un paquet de victimes collatérales comme on l’a vu avec les personnages du film précédent) le sauveur providentiel de l’humanité, quoi de mieux que de les… Non, j’arrête là, même si ça n’est pas bien compliqué d’imaginer la suite.

Mais bon, il faut bien avouer que c’est toujours joliment réalisé, c’est même parfois très impressionnant, mais au bout d’un moment (il faut dire que je les enchaîne ces films, ceci explique peut-être cela) ça tourne un peu en rond… Et même si les films ont le bon goût de varier leur approche, on se demande comment les producteurs vont parvenir à capter l’attention des spectateurs autrement que par des combats de monstres qui finiront fatalement par être redondants…

Orientation plus SF pour ce film donc, qui ouvre de nouvelles perspectives pour la suite au prix d’un scénario dont la vacuité et le WTF finissent par fatiguer le spectateur. Quant aux persos humains, je me demande s’il ne leur faudrait pas une série plutôt qu’un film pour les voir être développés un peu (tiens, justement, Apple a sorti une série intitulée « Monarch » tout récemment… 😉 ). Bon, ça se laisse donc regarder à nouveau, mais on a l’impression d’une saga déjà pas loin de s’essouffler, alors que le long-métrage précédent avait montré un sacré potentiel. Le prochain film sera certainement capital quant à son avenir.

 

  
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