First man, le premier homme sur la Lune, de James R. Hansen
Quatrième de couverture :
« C’est un petit pas pour l’homme, mais un bond de géant pour l’humanité »
Le 21 juillet 1969, 600 millions de personnes à travers le monde entendent Neil Armstrong prononcer ces mots désormais inoubliables. Les images floues en noir et blanc de l’astronaute sautillant sur la surface lunaire et piquant sur le sol le drapeau américain viennent d’entrer dans l’Histoire.
Comment, alors même que les États-Unis sont en pleine course spatiale contre l’URSS, cet ingénieur comme les autres se retrouve-t-il dans le programme Apollo 11 ? Comment se préparer à une mission peut-être sans retour, pour la gloire d’un pays ? Quelle vie possible après, quand on a touché les étoiles ?
Près de 50 ans plus tard, ce véritable héros international, toujours adulé, reste entouré d’un voile de mystère. Pour enfin le lever, l’historien James R. Hansen a consacré plusieurs années de sa carrière à l’élaboration de ce récit, recueillant plus de 50 heures d’interviews exclusives de l’astronaute.
Professeur émérite d’histoire à l’université d’Auburn, en Alabama, et ancien historien de la NASA, James R. Hansen est l’auteur d’ouvrages dédiés à l’histoire de l’aérospatiale. Il et également coproducteur du film sur Neil Armstrong, « First Man – Le premier homme sur la Lune ».
Complet, passionnant, malheureusement altéré par des soucis de traduction…
Tout le monde connait Neil Armstrong. Pour avoir réalisé l’exploit d’être le premier à avoir posé le pied sur la Lune, il est passé à la postérité depuis ce fameux jour du 21 juillet 1969. Un exploit oui, le mot n’est sans doute pas trop fort, surtout quand on voit à notre époque à quel point nous avons du mal à y retourner (comparaison n’est pas raison bien sûr, mais tout de même…). Mais il fallait bien une biographie pour mieux comprendre cet homme discret, effacé même, qui n’a jamais aimé les projecteurs mais qui a toujours eu l’envie de voler. Une passion pour les avions née très tôt, dès l’enfance, et qui guidera tout sa vie. Depuis ses premiers vols à l’adolescence, son premier brevet de pilote à l’âge de 16 ans avant même son permis de conduire (et il semble que dans le cas d’Armstrong, un bon pilote ne fasse pas forcément un bon conducteur…), son engagement au sein de la Navy (il participera la Guerre de Corée), ses études en ingénierie aéronautique, sa carrière de pilote d’essai au NACA (l’ancêtre aéronautique de la NASA), puis ce qui l’a rendu célèbre à travers le monde, tout ou presque passe par l’aéronautique/aérospatiale.
Cette biographie signée James R. Hansen s’attarde en profondeur sur tous ces aspects de la vie de l’astronaute, décrivant les spécificités de cet homme hors du commun à plus d’un titre. Car oui, s’il était sans doute l’homme idéal pour le premier alunissage, de par sa carrière exemplaire de pilote d’essai à une époque où décoller avec un avion expérimental est déjà une énorme prise de risque qui a bien failli lui coûter la vie à plusieurs reprises (Hansen l’indique bien en montrant que les pertes chez les pilotes d’essai étaient de fait bien plus élevées que chez les astronautes), il l’était aussi sans doute de par son pragmatisme, son détachement sans doute un peu « lunaire » (haha) par moment. Des caractéristiques que, sur le plan personnel, on pourrait même qualifier de froideur, lui qui intériorisait beaucoup, ne laissant rien paraître à l’extérieur. Le décès de sa fille Karen avant l’âge de trois ans est un bon exemple de ça, tragique et emblématique. On pourrait aussi parler de son divorce, qui doit sans doute autant à Armstrong lui-même qu’à sa vie qui s’est trouvée chamboulée après son retour sur Terre.
James R. Hansen détaille donc la vie de l’astronaute, de manière complète. C’est peut-être un peu long au début (mais il faut bien commencer par le commencement), mais les choses deviennent vite passionnantes, à partir de son engagement en tant que pilote d’essai. La biographie d’un homme ingénieur/pilote/astronaute ne peut se faire sans aborder l’aspect technique de ce qui a mené la vie du sujet, et celle-ci ne fait pas exception, Hansen détaillant largement l’engagement d’Armstrong dans la guerre de Corée puis sa vie de pilote d’essai. C’est un aspect qui pourrait paraître rébarbatif pour certains, mais personnellement j’étais embarqué, entre autres choses, dans les vols hypersoniques de l’avion-fusée X-15 dans les années 60 (appareil qui détient toujours le record de vitesse pour un avion avec pilote)…
Puis vient le programme spatial en lui-même, avec la candidature d’Armstrong (arrivée après la date de clôture…), les premiers préparatifs, la nomination des équipages (puis, pour celui d’Apollo 11 en particulier, la question de savoir qui de Armstrong ou Aldrin posera le premier le pied sur le sol lunaire, une décision lourde de conséquences que personne n’a véritablement assumée, en cherchant des justifications techniques là où c’est sans doute la politique qui a tout dicté), l’entente entre ses membres (on ne peut que constater que la paire Armstrong–Aldrin, aussi atypique qu’elle puisse être de par les caractères de chacun, ne pouvait fonctionner que grâce à ces caractères justement, pourtant assez radicalement opposés entre le stoïcisme de l’un et le côté plus « rentre dedans » de l’autre), etc… Cette biographie fait donc aussi office d’historique des programmes Gemini et Apollo, centrée sur Armstrong bien sûr.
Nous avons évidemment à droit la mission Apollo 11, dans le détail. Il y a donc un peu de redite quand on déjà lu certains ouvrages, mais sur ce sujet c’est sans doute un peu inévitable. L’essentiel de la mission est décrite, avec certains éléments particuliers mis en lumière, par exemple une chose à laquelle je n’avais pas vraiment fait attention jusqu’ici, pas de manière consciente en tout cas : les photos d’Armstrong sur la Lune, qui sont quasiment inexistantes. La plupart des photos emblématiques de la mission mettent en scène Aldrin (l’astronaute en lui-même, la fameuse trace de pas, etc…), prises par Armstrong, mais quasiment jamais l’inverse. Les seules images exploitables (mais « basse définition ») d’Armstrong sur la Lune viennent de la caméra extérieure du module lunaire (seule exception indirecte : le reflet d’Armstrong dans la visière d’Aldrin)… Un loupé que Gene Kranz, le charismatique directeur de vol, qualifie de « inacceptable ».
La dernière partie du livre laisse place à « l’après », avec la gloire et la notoriété (que l’astronaute n’a jamais souhaité, ni décider d’en profiter sur le plan financier), aussi bien sur le plan professionnel que personnel (avec quelques déboires de ce côté-là), jusqu’à la mort d’Armstrong. Le tout fait de cette biographie une oeuvre complète, largement passionnante (d’autant plus si on a des affinités avec le personnage ou l’histoire du programme spatial évidemment), ne laissant guère d’autres zones d’ombres que ce que l’astronaute a lui-même voulu dissimulé.
Une ombre au tableau tout de même, et de taille malheureusement : la qualité de la traduction. Je fais habituellement peu attention aux coquilles que l’on peut trouver dans les livres, et elles existent ici aussi (Lowell au lieu de Lovell p.175, spectophotographie au lieu de spectrophotographie p.176, Collin au lieu de Collins p.236, Jane au lieu de June p.509).
Ce qui a plus de mal à passer en revanche, ce sont d’une part des erreurs de français (« son premier orbite » p.177), d’autres parts les coquilles « invisibles » comme sur les erreurs de date. Page 113, on nous dit que le premier lancement du X-15 eu lieu en juin 1969, alors qu’à la ligne suivante il est indiqué qu’en 1961 l’avion avait déjà atteint ses premiers objectifs… Il fallait donc lire juin 1959 (correct en VO) ! De même, page 129, on nous parle de la tournée européenne de l’équipage d’Apollo 11 en octobre 1960, une date à laquelle le programme Apollo n’existait même pas ! Il fallait donc lire octobre 1969 (correct en VO). Des erreurs invisibles si on n’y prête pas attention, qui deviennent factuellement des erreurs chronologiques…
Pire encore, de grossières erreurs de traduction, comme le « silicon » en anglais qui devient « silicone » dans le texte, pages 10 et 11. Un redoutable faux-ami certes, mais personne n’a déposé de disque en silicone sur la Lune, en revanche un disque en silicium oui. « Silicon » aurait donc dû être traduit par « silicium », le « silicone » français s’écrivant également « silicone » en anglais. Mais ça c’est censé être le boulot de la traductrice (que je ne nommerai pas, ce ne serait pas lui rendre service). Autre exemple, le nitrogène, p.220. Vous connaissez le nitrogène ? Non ? Normal, ça n’existe pas, ou plutôt ça n’existe plus depuis de très nombreuses années, le « nitrogen » anglais se traduisant par « azote » en français depuis bien longtemps…
Autre exemple d’erreur factuelle qui aurait pu être corrigée avec un minimum de vérifications (je l’ai fait moi-même en deux ou trois clics), le vol n°51 d’Armstrong à bord d’un X-15 le 20 avril 1962, qui aurait pu virer au drame et dont on nous dit qu’il a duré 12 heures 28 minutes 7 secondes (page 139). Qui peut croire qu’un minuscule avion-fusée de 15 mètres de longueur pourrait rester en vol pendant plusieurs heures ?… La véritable durée du vol est plutôt de 12 minutes et 28,7 secondes (là encore, correct en VO)… Rien à voir donc !
Une autre coquille sur un aspect technique ? La poussée de la fusée Saturn V, qui envoyait les astronautes sur la Lune, donnée à 38 millions de kilos (page 280). Sauf que la poussée réelle est plutôt de 3,45 millions de kilos (encore une fois correct en VO, qui indique 7,6 millions de livres). La conversion en kilos, en plus d’oublier la virgule, est donc très hasardeuse dans la VF (une livre pesant environ 453 grammes, pourquoi avoir choisi d’arrondir « à la louche » en divisant par deux ? Quel intérêt ? Ça fait quand même une erreur de 10% !). Une « petite » erreur de virgule (qu’on ne retrouve pas trois pages plus loin quand Armstrong parle de 3,7 millions de kilos, là où la VO indique 7,5 millions de livres, la conversion en kilos restant encore très approximative) et d’arrondi qui, sur une donnée technique dans une biographie forcément très technique puisqu’on parle d’un ingénieur/astronaute, pose problème. Imaginez s’il y avait eu de genre d’erreur de virgule et d’approximation dans les docs de la NASA…
Et enfin, parachevons le tout avec une autre erreur de traduction, sans le prétexte du faux ami cette fois. Page 182 : « Glissant à une allure d’escargot de 5 pieds par seconde, le Gemini 8 toucha l’Agena ». Problème : il s’agissait d’une manoeuvre d’approche, le Gemini 8 une fois immobilisé restant à une distance de 150 pieds de l’Agena… Je vous la donne en VO : « Edging ahead at the glacial pace of five feet per second, a pace by which it would have taken a track athlete twenty-four seconds to run forty yards, Gemini VIII bore down on the Agena. » Problème de traduction évident, « to bear down on something » c’est plutôt « s’approcher », voire « foncer », ce dernier terme correspondant bien à l’antithèse qu’a voulu faire passer l’auteur, ce qui aurait pu et dû donner quelque chose comme ça (traduction rapide par moi-même) : « le Gemini 8 fonça sur l’Agena à la ridicule vitesse d’escargot de 5 pieds par seconde ». Mais pas question de toucher quoi que ce soit…
Bref, je ne sais ni ne cherche à savoir de qui vient la (les…) faute(s), peut-être la traductrice est-elle en cause (avec ce qui semble être un manque de connaissance du sujet et/ou de recherches sur le sujet), peut-être y a-t-il eu absence de relecture, peut-être est-ce l’éditeur qui a mis une pression de fou sur la traductrice pour que le livre paraisse à la date prévue (et indécalable puisqu’il est sorti tout juste une semaine avant son adaptation cinématographique, d’où la couverture issue de l’affiche du film, un choix marketing évident que j’aurais aimé voir remplacé par une vraie photo d’Armstrong plutôt que l’acteur qui joue son rôle…) et que le travail n’a pas bénéficié du soin nécessaire… Peu importe, mais le résultat est assez inadmissible sur bien des points. Vous noterez quand même que la plupart des exemples que je donne se situent dans la première moitié de cette volumineuse biographie de plus de 500 pages, la seconde partie passant beaucoup mieux (ou alors j’ai été moins attentif…).
Quoiqu’il en soit, aussi dommageable que puisse être la qualité de la traduction (et des erreurs factuelles qu’elle fait passer auprès du lecteur), cette biographie reste un must absolu sur Armstrong, que l’on s’intéresse spécifiquement à l’astronaute ou, de manière plus générale, au programme spatial. Mais il est peut-être souhaitable de la lire en VO pour ceux qui le peuvent…
Du coup, j’ai regardé qui était la traductrice et quels étaient ses travaux précédents. C’est une erreur de casting, et pour moi une faute de la part de l’éditeur qui clairement ne prend pas son sujet au sérieux. Impardonnable.
Elle travaille très régulièrement avec Michel Lafon, parfois sur des biographies d’ailleurs, mais son travail habituel est pour le moins assez éloigné (hum… c’est peu de le dire) de ce que demande la bio de Neil Armstrong. Donc oui, c’est un élément de réponse. Il reste quand même des erreurs grossières qui ne dépendent pas de l’aspect purement technique du livre : l’exemple de Gemini VIII et l’Agena est édifiant ! C’est une erreur de traduction pure et simple, voire de compréhension de ce que l’auteur écrit…
Mais elle ne peut être la seule en cause, au delà du choix contestable de l’éditeur : il y a un paquet de coquilles qui n’auraient pas dû passer. Donc la relecture a failli également. C’est, de ce point de vue, un naufrage collectif.
« la plupart des exemples que je donne se situent dans la première moitié » : c’est bizarre ça aussi, on aurait tendance à penser qu’on soigne le début et qu’on se déconcentre par la suite.
J’allais demander si le film en est une bonne adaptation, mais concernant une biographie la question n’est peut-être pas très pertinente. ^^
Je ne sais pas comment la traduction a été menée… J’ai peut-être raté quelques boulettes aussi, je ne suis pas forcément méga attentif, surtout qu’il y a pas mal d’erreurs « discrètes » qui, pour être relevées, nécessitent d’être bien concentré.
Sur l’adaptation, de mémoire (mais ça commence à dater…) l’essentiel y est, avec des choix chronologiques différents pour donner un peu de rythme à un récit qui aurait sinon été trop linéaire. J’avais beaucoup aimé en tout cas (et le relatif monolithisme de Ryan Gosling convenait très bien au personnage d’Armstrong), il faudrait que je le vois à nouveau.
Huhuhu, c’est ma terreur, que je me trompe et que quelqu’un le remarque! 😀 Bon, moi je me dis que c’est peut-être venu après son travail. Après tout, j’ai un roman qui se balade avec une faute de conjugaison honteuse dans le verbe avoir au présent (le truc qu’on apprend en CP, oui oui) et ce n’est pas moi qui l’ai mise là. [Insérer ici l’émoji yeux qui zyeutent. ^^]
Bon, tout ceci a l’air fort passionnant en effet, c’est un destin littéralement extraordinaire.
Ah le coup de l’erreur de conjugaison c’est pas de bol… Si en plus l’éditeur rajoute des erreurs là où il n’y en a pas… 😀
Pour « First man », je veux bien croire qu’il y ait eu des erreurs faites après coup, mais il y en a trop pour ne les imputer qu’à ça. Surtout que dès qu’il s’agit de contresens ou d’erreurs manifestes de traduction, je ne vois pas d’où cela peut venir à part de la traductrice, et que ces erreurs sont passées à travers la relecture (si cette dernière a bien eu lieu, ce qui reste à prouver…). Je n’accuse pas que la traductrice, à l’évidence c’est un ratage global…
Passionnant oui, c’est le mot. 😉
Je remonte dans mes mails de suivi des commentaires et redécouvre ce billet –> J’avais oublié de te dire que j’ai failli tomber dans cette histoire de nitrogen/nitrogène/azote il y a quelques années. J’avais la vague impression que quelque chose n’allait pas, mais quoi? Ouf, j’ai vérifié et vite modifié toutes les occurrences de « nitrogène ».
C’est piégeux c’est vrai. C’est bien pour ça que traduire c’est un métier, et tu l’as bien exercé. 😉