Le monde de Julia, de Jean Baret et Ugo Bellagamba
Quatrième de couverture :
… ou la recherche d’une justice parfaite
C’est le chaos. Partout. Depuis des années, l’humanité exsangue, à la suite de bouleversements climatiques et sociaux, est réduite à une population congrue. Réunie en tribus aux règles tirées de romans, de séries ou de films, elle tente de refaire société au prix de conflits sanglants entre les clans. Protégée des affres du monde, Julia vit loin, perdue dans la montagne. Sa vie n’est faite que de dessins et d’enseignements prodigués par Roland-17, son tuteur. Quand ce dernier, au bout de ses réserves énergétiques, s’éteint, Julia se retrouve seule et décide de partir à la recherche de ses parents. Commence alors un voyage philosophique pour Julia et un faucon mystérieux qui l’accompagnera et l’initiera à l’esprit des lois pendant qu’un groupe de chercheurs tente des expériences pour comprendre et dessiner ce qui constituera la première pierre d’une société parfaite.
Ugo Bellagamba et Jean Baret nous content le récit initiatique d’une jeune fille et la vie de sociétés tribales et violentes dans un incroyable hommage aux cultures geek et pop. Le Monde de Julia nous embarque dans des lieux étonnants, des règles de société folles, et dans la recherche légitime d’une justice enfin parfaite.
De l’esprit des lois
« Le monde de Julia » est donc, sans surprise au vu du domaine dans lequel officie ses deux auteurs, un conte philosophico-juridique, dont le principal protagoniste est une jeune fille nommée Julia. Au terme d’une introduction qui m’a fait très fortement penser à « La nuit du faune » de Romain Lucazeau (une jeune fille adolescente isolée en haut d’une montagne, accompagnée d’un robot-instructeur, et qui va devoir sortir de ce « cocon »), on suit le parcours de la dite Julia, instruite par son robot Roland-17, avant qu’une défaillance de ce dernier ne l’oblige à quitter sa montagne (que l’on pourra éventuellement situer grâce à quelques indices quand on sait où officie Ugo Bellagamba), vers ce qui s’annonce clairement comme un voyage initiatique assez typique d’un conte philosophique à la Voltaire.
En parallèle, Darius, à la poursuite d’un projet dont on sait bien peu de choses (mais dont le lecteur comprendra tout à l’issue du roman), va devoir traverser les différents clans composant la société (ou ce qui en fait office) post-apocalyptique du récit, clans essentiellement basés sur des préceptes issus d’oeuvres de pop-culture de notre époque. Ainsi, les clans du Fight Club, du THX 1138 (qui ont fusionné avec les Brazil pour donner les Brazil 1138), des Terra Ignota ou des Servantes Écarlates. C’est transparent évidemment, c’est archétypal et c’est bien le but puisqu’il s’agit d’illustrer certains préceptes du droit en constatant que l’homme a besoin de se regrouper en société, encadrée par des règles, des lois. Chaque clan devenant, de fait, l’exemple de l’application de la principale règle qui le régit.
Les deux trames narratives finiront évidemment par se rejoindre dans un « climax » judiciaire qui éclairera le chemin suivit par Darius et Julia tout qu’il sera éclairé par ceux-ci. Un cheminement qui permettra de faire réfléchir le lecteur sur différents aspects du droit, des lois et de leur esprit. Et si je parle des lois et de leur esprit, on se doute que Montesquieu n’est pas loin, et Jean Baret et Ugo Bellagamba se sont faits un plaisir de le faire intervenir d’une manière bien particulière, tout en amenant également d’autres références comme Jean Bodin, Cyrano de Bergerac, Robespierre et bien d’autres. Et on aborde donc au fil du récit différents concepts du droit, instruisant le lecteur tout autant que les personnages sur un sujet finalement assez précis et pas forcément très sexy de prime abord (de mon point de vue en tout cas), mais d’une façon relativement légère, entre humour et références culturelles, sans parvenir à systématiquement éviter certains « tunnels didactiques » sans doute nécessaires sur un tel sujet. Mais le but est atteint : il y a une vraie transmission de connaissances et si jamais, au sein d’une discussion familiale ou entre amis par exemple, on en arrive à discuter du droit, je ne manquerai pas de penser à ce roman pour aborder certains aspects un peu arides de manière douce et même amusante.
L’intrigue est simple et passe certainement au second plan devant ce que les auteurs souhaitent aborder, mais elle parvient à suffisamment tenir le lecteur (avec quelques twists efficaces) pour illustrer le fond du roman. C’est certes parfois un peu artificiel, mais si on prend « Le monde de Julia » comme ce qu’il est, c’est à dire un conte philosophico-juridique plutôt qu’un pur roman post-apocalyptique décrivant une société futuriste, c’est un défaut qu’on peut ne pas relever.
C’était sans doute un peu une gageure que d’écrire un roman de SF dont le but avoué est de réfléchir à la notion de droit, les lois, leur esprit et le sens civique qui les motive. Ugo Bellagamba et Jean Baret s’en sortent pourtant très bien, en relançant régulièrement un récit dont le final démontre la maîtrise et la cohérence. Certes pas sans défaut, peut-être un peu trop didactique par moment mais allégé par le contexte très orienté pop culture permettant de faire passer plus facilement un fond qui aurait pu paraître un peu aride sans pour autant le simplifier plus que nécessaire, « Le monde de Julia » reste sans doute une saine lecture studieuse pour cet été.
Lire aussi l’avis de Gromovar, Célindanaé, Le nocher des livres, TmbM, FeyGirl, Sia…
Je n’arrive toujours pas à savoir si ça me plairait, mais indéniablement ça sort de l’ordinaire.
Tu n’as plus qu’à trouver de discrets moyens d’introduire des discussions sur le droit pendant tes prochains repas pour ne pas oublier tout ce que tu as appris. ^^
C’est en effet peu commun. Et c’est aussi ce qui le rend intéressant, même si son public potentiel reste sans doute assez mince. Mais pour les curieux, ça vaut le coup d’oeil. 😉
J’ai appris des choses oui, mais de là à les replacer… 😀 Je vais plutôt jeter le bouquin à la figure de ceux qui se posent des questions sur le droit. 😀 Ou alors il faudrait faire un best-of, pour retrouver facilement les pages explicatives… 😉
Deux auteurs de talent mais j’ai peur que ce soit trop didactique.
On voit que même les robots peuvent s’oxyder .Un traitement plus poétique aurait été plus charmant.
Mais ce n’est pas le sujet .
C’est un peu didactique oui. Mais peut-être est-il difficile de ne pas l’être, sur un tel sujet… Quant à mêler poésie et droit, c’est un bel objectif, délicat à atteindre là encore. Mais je ne suis pas auteur, alors qui sait ? 😀
C’est un peu « Le Monde de Sophie » du droit, c’est ça? 🙂 Ça a l’air intéressant et fort bien fait. Je ne le lirai pas pour autant, mais je trouve ça cool que ça existe.
…
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Mais…
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Mais oui ! Oh bon sang, merci pour ce parallèle qui m’avait totalement échappé ! Tu as totalement raison, c’est tout à fait ça ! 😀
Sans doute pour un public assez restreint mais ça permet d’ouvrir les yeux sur des concepts auxquels on ne pense pas forcément alors que finalement ils coulent de source (encore que, à notre époque on se demande parfois…).
Ah bah de rien, j’ai lu récemment un article sur Le Monde de Sophie et ça me l’a remis en tête (et ça m’a donné envie de le relire évidemment, mais comment faire pour tout RElire, toussa toussa… ^^)
Un futur best-seller parmi les aspirants à une inscription en licence de droit!
[…] Critique sur Lorhkan et les mauvais genres […]
[…] Autres avis : Un loupé ennuyeux et trop didactique pour Touchez mon blog; balade plaisante pour Gromovar; un conte érudit qui mérite le détour avec un Wow level de 7/10 pour JackBarronreads; roman intéressant et intelligent malgré des défauts pour Feygirl; fable dystopique amusante, érudite, peut-être un peu trop pointue pour Celinedanaë; et enfin, un texte maîtrisé, cohérent malgré un côté didactique peut-être un peu trop prononcé pour Lorkhan. […]