Star Trek : Strange New Worlds, saison 1
Le charismatique Christopher Pike, prédécesseur du fameux James T. Kirk à la tête de l’USS Enterprise, avait fait une apparition largement remarquée lors de la deuxième saison de « Star Trek Discovery », à tel point qu’il a rapidement été décidé de lui offrir une série à lui, du moins à l’Enterprise sous son commandement, quelques années avant Kirk donc, et donc chronologiquement située avant la série originale « Star Trek » des années 60. Le défi était malgré tout complexe : parvenir à insuffler suffisamment d’intérêt et de vie à une série proche d’une autre bien connue, et à un personnage dont le destin est connu depuis longtemps. Mais les producteurs ont intelligemment relevé ce défi, en revenant à l’essence même de Star Trek : l’exploration, et en développant cela sur un schéma épisodique, chaque épisode narrant une histoire différente à chaque fois (tout en développant les relations entre les personnages au fil de la série). Une manière de faire que la saga n’avait plus approché depuis « Voyager » à la fin des années 90 (si on met de côté « Lower Decks », qui vise une cible décalée et différente de la base des fans) alors qu’elle représente quand même l’ADN de la saga à une époque certes révolue qui voyait les séries se développer en saisons de 25 épisodes.
Seulement dix épisodes sont au programme ici, sur ce schéma épisodique donc, qui évite d’être confronté à la pénurie narrative de certains épisodes de remplissage des anciennes séries. D’autant que, en s’attachant à reproduire l’époque de la série originale tout en la modernisant, en s’appuyant sur son héritage tout en l’élevant aux standards d’aujourd’hui (techniques, artistiques, narratifs), « Strange New Worlds » rend hommage tout autant qu’elle renouvelle la franchise avec fraicheur et panache. Oui, le contrat est largement rempli : l’héritage est assumé, assimilé, et régurgité sous une forme moderne et attractive.
Mais la série n’élude jamais ses origines, puisque Pike n’aurait jamais été à la une si « Discovery » n’avait pas permis de remettre la saga Star Trek en selle. Les liens sont tissés dès le premier épisode, avec un Pike un peu dépressif (et on le comprend), lui qui a vu, comme les spectateurs, son funeste destin dans cette fameuse deuxième saison de « Discovery », à l’image de ce que l’on découvre dans la série originale (l’épisode « La ménagerie »). De même, Spock fait allusion à sa soeur auprès de Pike, et ce premier épisode de « Strange New Worlds » tourne autour des conséquences du final de la deuxième saison de « Discovery » et des retombées que cela a pu provoquer auprès de peuples moins avancés technologiquement, tout cela menant à la transformation du General Order One, règlementant les premiers contacts avec des civilisations moins évoluées, en la fameuse Prime Directive qui sera le moteur de tant d’épisodes de la saga. Bref, côté héritage, ça se pose là, et ça plonge directement dans le lore de Star Trek.
La suite de la série est largement à la hauteur, et s’il n’est plus fait allusion à « Discovery » par la suite (logique puisque tout ce qui est lié à ces évènements est maintenant classifié), c’est pour s’en éloigner autant sur la forme que sur le fond. Retour à l’épisodique donc, à l’exploration, aux missions scientifiques et/ou d’assistance, tout ce qui fait le quotidien de l’équipage de l’Enterprise. On s’éloigne de « Discovery » pour mieux se tourner vers la série originale des années 60. Les références sont innombrables : décors, accessoires, bruitages, costumes (les uniformes ne sont plus des pyjamas mais restent les héritiers directs de ceux de la série originale), tout y est, c’est presque la série originale remasterisée qui nous est donnée là. Fini le carton-pâte donc, place à un design résolument moderne capitalisant sur les acquis de la série originale.
Il suffit de voir la passerelle de l’Enterprise (vaisseau par ailleurs magnifique, à l’image de ce qu’on avait déjà pu voir dans « Discovery » : superbe recréation de la version originale tout en rappelant ici ou là d’autres vaisseaux plus ancien, comme le NX-01 de la série « Enterprise ») : la disposition est la même (les sièges !), aves des écrans parfois assez rétros, de gros boutons lumineux, mais aussi des écrans tactiles autant que des viseurs à l’ancienne comme ce fameux « scope » quasiment identique à celui qu’utilisait le Spock des années 60. C’est fidèle et moderne à la fois, et il faut souligner là l’excellent travail sur les décors qui ont permis de retrouver une Enterprise absolument magnifique : la passerelle donc, mais aussi l’infirmerie, les téléporteurs ou bien la superbe salle d’ingénierie, version +++ de celle des années 60 avec son long tunnel donnant sur le coeur du vaisseau. Superbe.
Côté design, c’est du tout bon donc, et côté scénarios, ça tient aussi très bien la route. Ça fait parfois du neuf avec du vieux, mais ça le fait bien. Entre une comète qu’il faut dévier pour ne pas qu’elle s’écrase sur une planète habitée mais qui se trouve être bien plus qu’une simple comète, des manipulations génétiques qui ont mal tourné, un piège tendu par une race belliqueuse et qui demandera pour s’en sortir de faire joujou avec un trou noir, un échange de corps physiques plutôt malvenu, le terrible secret sur lequel repose une civilisation (ne serait-ce pas là la quasi exacte adaptation de la nouvelle « Ceux qui partent d’Omelas » de Ursula Le Guin ?), la prise de l’Enterprise par des pirates, l’étonnante mais excellente transformation du vaisseau en scène d’une histoire de fantasy merveilleuse, ou bien carrément une histoire à la « Alien » particulièrement réussie (faisant enfin des Gorn, race rendue ridicule par un fameux épisode de la série originale, des êtres terrifiants), il y a vraiment de quoi se faire plaisir. C’est varié, excellemment mis en scène, et le petit nombre d’épisodes permet de rester qualitativement constant.
Et puis il me faut évidemment parler du dernier épisode, qu’il faut mettre en parallèle avec un des meilleurs épisodes de la série originale, « Balance of terror », épisode qu’à mon avis il faut avoir vu pour profiter pleinement de ce final de « Strange New Worlds ». D’ailleurs il faut l’avoir vu tout court. 😉 Certaines scènes sont rejouées quasiment à l’identique, les clins d’oeil (ou levée de sourcil de Spock ! 😉 ) sont nombreux, et pour cause. Ici Pike tente de changer le cours de l’histoire pour éviter la mort promise à quelques personnes. Mais cela ne se fera pas sans quelques conséquences, petites causes et grands effets. The needs of the many outweigh the needs of the few, une ligne de conduite reprise à plusieurs reprises tout au long de la saga, et qui trouve ici une nouvelle, brillante et terrible illustration. Excellent.
Côté casting, c’est efficace, tout le monde est à place et joue son rôle comme on l’attend. Anson Mount incarne à merveille un Christopher Pike sage, à l’écoute, charismatique. Un Pike qui marche sur les traces (ou bien qui le devance si on suit la chronologie intradiégétique ?) d’un certain Picard, en moins strict puisqu’il n’hésite pas, tablier noué, à inviter son personnel (et pas seulement les plus gradés) à diner dans ses quartiers. Un capitaine très attachant, malgré son agaçante coiffure de hipster. Et Anson Mount, comme la plupart des autres acteurs de la série, s’amusera à contre-emploi dans cet épisode 8 d’anthologie qui met une scène une histoire de fantasy avec méchante reine, sorciers rivaux et courtisans nobles ou pleutres.
Mais au-delà de Pike, il y a les autres membres d’équipage. Je l’ai déjà dit à plusieurs reprises, j’ai toujours trouvé que l’équipage de « Discovery », hormis quelques éléments, avait du mal à exister au-delà des personnages principaux (je veux en savoir plus sur Rhys, Detmer ou Owosekun !). Ce n’est pas le cas ici, tous ont droit à leur développement, voire leur heure de gloire. L’équilibre est finement trouvé, mais cela participe à un vrai osmose partagé avec les spectateurs. Ainsi donc, parmi les personnages déjà connus (car déjà à l’affiche de la série originale), on retrouve Spock bien sûr (Ethan Peck) avec son moi humain toujours en lutte avec son mii vulcain (à moins que ce ne soit l’inverse…), Nyota Uhura (excellente Celia Rose Gooding), encore enseigne et qui s’est engagée envers Starfleet un peu par défaut, le docteur Joseph M’Benga (Babs Olousanmokun), l’infirmière Christine Chapel (Jess Bush, sans doute le personnage qui a le plus bénéficié d’une « remise à niveau »), et le Number One de Pike, Una Chin-Riley (Rebecca Romijn), la seule qui reste pour l’instant un peu en retrait, mais la saison 2 y remédiera très certainement. S’y ajoutent Erica Ortegas (Melissa Navia) la pilote du vaisseau, la chef de la sécurité La’an Noonien-Singh (Christina Chong), un nom qui fait d’elle une descendante du célèbre Khan Noonien-Singh, celui qui deviendra le plus grand ennemi de Kirk, et l’ingénieur Hemmer (Bruce Horak), aveugle et télépathe.
Tous les signaux sont donc au vert, et le résultat ne déçoit pas. On retrouve clairement l’âme de Star Trek ici, avec pour conséquence un équipage qui finit par devenir rapidement attachant, sans doute même plus que pour celui de « Discovery » après pourtant plusieurs saisons (je mets celui de « Picard » de côté, pour d’évidentes raisons… 😉 ). Les histoires sont bien menées et l’aspect épisodique ne dessert pas la série, bien au contraire car le fait d’avoir une histoire avec un début et une fin donne un peu un air de nouvelle à chaque épisode, là où une série dont la trame narrative s’étend sur une saison complète fait plus figure de roman. C’est rafraichissant, ça convient parfaitement à ce vaste univers qu’est celui de Star Trek et ça permet d’explorer des choses nouvelles sans retomber dans les marronniers de Star Trek qu’on aime retrouver mais qui réapparaissent parfois un peu trop régulièrement. Pas de Borgs ici (logique puisqu’ils n’étaient pas connus à cette époque), pas de Klingons (pas encore en tout cas…), et seulement quelques Romulans pour l’excellente réécriture dans le dernier épisode du « Balance of terror » de la série originale. Le reste s’inscrit parfaitement dans la mythologie globale de la saga, entre références et nouvelles explorations.
Mission accomplie donc, et haut la main, avec ce retour en grâce de la « méthode » Star Trek, à cheval entre style épisodique et rétro de la grande époque et une remise à niveau technique, artistique et narrative bien de nos jours. Le meilleur des deux mondes, pour reprendre le titre d’un double épisode bien connu. Une première saison en forme de départ fulgurant que l’on espère se voir confirmer dans une deuxième saison dont la diffusion a déjà commencé. Pas question d’attendre donc, on replonge illico en reprenant la catchphrase du capitaine Pike : « Hit it ! ».
Chronique réalisée dans le cadre du challenge « Summer Star Wars – Andor » de Lhisbei.
Je… je… je pers connaissance. Je pleure. Je m’arrache les cheveux. Je réduis mes vêtemens en lambeaux. J’hurle à la lune. TOUT ce que tu dis me donne envie!!! Et Pike était tellement génial dans Discovery!!! Mais commmmment faire pour regarder tout ça???? Je suis tristesse immense et désespoir.
Arf, désolé… Ou pas. 😀
Mais en tout cas, compte tenu de ce que tu m’as dis dans les derniers commentaires et des qualités intrinsèques de chaque série, s’il y a bien une série Star Trek que tu devrais regarder parmi toutes celles diffusées actuellement, c’est bien celle-là. À bon entendeur… 😉
C’est bien noté!!
[…] : Star Trek : Strange New Worlds, saison 1 de Akiva Goldsman, Star Trek : Prodigy, saison 1, deuxième partie des showrunners Kevin et Dan […]
[…] : Star Trek : Strange New Worlds, saison 1 de Akiva Goldsman, Star Trek : Prodigy, saison 1, deuxième partie des showrunners Kevin et Dan […]
[…] : Star Trek : Strange New Worlds, saison 1 de Akiva Goldsman, Star Trek : Prodigy, saison 1, deuxième partie des showrunners Kevin et Dan […]
[…] : Star Trek : Strange New Worlds, saison 1 de Akiva Goldsman, Star Trek : Prodigy, saison 1, deuxième partie des showrunners Kevin et Dan […]