Zapping cinéma et VOD, épisode 70
Il y a toujours quelque chose à explorer dans le cinéma films de Jordan Peele, qui revient sur grand écran après « Get out » et « Us », puis une incursion en tant que producteur et maître de cérémonie de la dernière itération en date de la série « The twilight zone ». Le réalisateur ne fait jamais rien de gratuit, tout a un sens, même s’il faut parfois réfléchir (hé oui…) pour le découvrir.
C’est à nouveau le cas ici avec « Nope » qui, sous couvert d’une mystérieuse apparition au-dessus d’un ranch américain, s’intéresse à la société du spectacle et à l’addiction qu’elle crée. Il faudra, comme pour « Us », accepter de suspendre son incrédulité pour adhérer à ce qu’on voit à l’écran, mais on ne pourra en revanche critiquer quoi que ce soit sur l’aspect visuel du film qui, sans en faire des tonnes, parvient à impressionner, inquiéter, époustoufler, et plein d’autres verbes du premier groupe. C’est beau, parfois poétique même, et « la chose » est vraiment remarquable.
La thématique du film me paraît toutefois moins accrocheuse que celle de « Us », « Nope » en devenant peut-être, pour moi, moins prenant. Ça n’en fait pas pour autant un film mineur, d’autant que les acteurs (pour la plupart issus des minorités) sont au top (superbes Daniel Kaluuya et Keke Palmer) et que le long-métrage est thématiquement très riche. Jordan Peele reste donc toujours aussi pertinent, le fond et la forme venant se compléter. Rendez-vous au prochain film.
Prey, de Dan Trachtenberg
Je dois l’avouer, je n’ai jamais rien vu de la franchise « Predator », jusqu’à ce « Prey » sorti cette année et qui en est une préquelle. Ça n’est pas un problème, le film ne demande aucune connaissance préalable de cet univers. Dan Trachtenberg (déjà vu en réalisateur sur un épisode de « Black mirror » et de « The boys », et surtout sur le film « 10 Cloverfield Lane ») se réapproprie cette licence pour la relancer au XVIIIe siècle, sur le territoire des Comanches.
Le pitch est simple : un Predator débarque et, conformément à la culture de son peuple, se met à chasser, jusqu’à trouver une proie digne de lui. De fil en aiguille, c’est la jeune Naru, dont le vœu est de devenir une guerrière plutôt qu’une cueilleuse pour la tribu, qui va lui procurer ce challenge.
Un pitch simplissime donc, mais efficace, et cette épure scénaristique joue pleinement pour lui. On y trouve quelques écarts thématiques (sur la culture améridienne, proche de la nature, comparée aux vils envahisseurs Européens sans foi ni loi) un peu présentés à la truelle mais ça ne vient pas perturber le déroulé du film, parfaitement maîtrisé.
C’est donc haletant, prenant, et on saluera au passage la prestation de Amber Midthunder, elle-même issue de la nation Sioux. Seul bémol, alors que tout s’était bien déroulé et qu’on s’approchait du sans faute, la fin nous montre un Predator devenu complètement idiot, pour une résolution scénaristique qui tombe dans la facilité. Vraiment dommage… Hormis cela, « Prey » est une belle réussite inattendue, qui m’incite à aller faire un tour du côté des premiers films de la franchise.
Les Anneaux de Pouvoir, saison 1, de J.D. Payne et Patrick McKay
Alors alors… Attendu depuis longtemps, auréolé (ou pas…) de son budget colossal, la série d’Amazon basée sur quelques lignes des appendices du « Seigneur des Anneaux » de J.R.R. Tolkien était attendue au tournant, c’est le moins que l’on puisse dire. La question se posait de savoir ce qu’elle allait raconter puisque l’entreprise de Jeff Bezos n’a pas les droits du « Silmarillion ». Et pourtant, les producteurs nous avaient (r)assurés en affirmant qu’il y avait suffisamment de matière pour aborder le retour de Sauron, la fabrication des Anneaux (c’est la moindre des choses quand on s’appelle « Les anneaux de pouvoir »…), la submersion de Númenor, la dernière alliance des Elfes et des Hommes… Ca en fait des choses, tout ça en, a priori, cinq saisons…
Et quand on voit cette première saison, on se demande bien comment vont être abordés tous ces éléments. En effet, on dit souvent que pour adapter une oeuvre littéraire à l’écran, il faut faire des concessions puisque les médias sont différents. Certes c’est le cas ici, sauf que les différences scénaristiques (inévitables) semblent pour la plupart être des circonvolutions pour éviter d’attaquer de front le récit du « Silmarillion » puisqu’Amazon n’a pas le droit de s’en approcher… Dès lors, tout s’explique, mais le problème de la série c’est que, en tout cas pour le moment, elle n’a pas grand chose à raconter. Pire, elle ne cesse malgré tout de faire de l’exposition. Il faut certes que tout le monde puisse visionner la série sans problème de compréhension, pas uniquement les connaisseurs de cet univers, mais quand on continue d’exposer de nouvelles choses au sixième épisode sur les huit que compte cette saison (sans jamais prononcer le mot « anneau », un triste exploit, rappelez-moi le titre de la série déjà ?…), ça commence à faire beaucoup, et le spectateur finit forcément par trouver le temps long… Rendez-vous compte : cette saison est presque aussi longue que la première trilogie de Peter Jackson (11h22 pour la trilogie, 9h17 pour la série, j’ai compté ! 😀 ), sauf qu’il s’y passe cent fois moins de choses…
Alors Amazon transforme des choses (innombrables), en invente d’autres (plus ou moins réussies, comme Halbrand, la bonne surprise), justifie certains trucs bizarrement (cette histoire du mithril, sérieusement, quelle horreur !…), bref ça louvoie pas mal pour faire du Tolkien avec les éléments que le géant du e-commerce a en sa possession. Bien sûr, il ne s’agit que de la première saison, le plus important reste à venir, mais bon sang ça manque quand même sérieusement d’enjeux forts. On parle pourtant du retour de Sauron mais tout ce que la série propose jusqu’ici c’est le départ de trois bateaux (oui, trois…) de Númenor pour aller sauver un obscur village de paysans dans les Terres du Sud. Mouais, on a vu plus passionnant, et plus épique. Rappelons que le « Silmarillion » est le récit, pour moi, le plus épique et le plus poignant de Tolkien. Ha mais oui, Amazon n’en possède pas les droits… Ok, donc de ce côté là, on peut dire que la non-adaptation du récit phare de l’auteur anglais est réussie… 😀
Donc voilà, ça n’est pas franchement passionnant jusqu’ici, et les personnages ont bien du mal à relever le niveau, certains perdent même au passage toute prestance (Isildur, qu’ont-ils fait ?… Je sais toute l’ambiguïté du personnage mais ici il n’a absolument aucune stature…), alors que d’autres correspondent bien peu à ce qu’ils sont censés être (j’aime bien la Galadriel de la série, mais honnêtement, son comportement de jeune femme impulsive ne semble pas être très cohérent avec celui d’une Elfe âgée de plus de 1000 ans…). Mais ça manque quand même un peu de charisme tout ça, et ce n’est pas le brushing des Elfes qui va relever le niveau (Elrond et Celebrimbor, franchement ? 😀 ). Seul Durin parvient à relever le niveau, et le duo qu’il forme avec Elrond est un vrai plaisir, de même qu’avec son épouse Disa.
Bref, on pourrait aussi discuter longtemps des aménagement faits avec la chronologie du monde de Tolkien mais tout cela serait finalement assez vain, puisque c’est à la fois nécessaire pour l’adaptation à l’écran tout autant que guidé par l’obligation de se défaire du texte du « Silmarillion ». Reste qu’en l’état c’est long, poussif, parfois ennuyeux. Mais évidemment, le dernier épisode relève le niveau et donne envie de voir la suite… et d’avoir une explication du comportement totalement stupide d’Elrond et Galadriel à la toute fin. Honnêtement, pour une Elfe qui poursuit un but depuis plusieurs centaines d’années, à un point tel que son propre peuple la juge bornée, (attention spoilers !!) la voir nez à nez devant ce qu’elle cherche depuis si longtemps et le laisser filer sans rien dire à personne, je ne comprends pas… Mais bon, wait & see et on verra bien ce que nous réservera la deuxième saison… en 2024 !
Ça fait beaucoup de négatif pour « Les Anneaux de pouvoir »… mais ça n’a étonnament pas l’air d’avoir amoindri ton envie de voir la suite.
Beaucoup de négatif oui, mais l’univers de Tolkien, même un peu malmené comme ici, c’est comme un aimant pour moi. 😀
Mon avis rejoindra un peu le tien concernant « Les Anneaux de Pouvoir » : c’est très long par rapport au contenu offert. Très long, très très long. Et certaines des solutions scénaristiques adoptées sont très discutables.
Paradoxalement, comme toi, je pense pourtant bien m’intéresser à la suite (mais cinq saisons au total, comment vont-ils faire ?)…
Nous sommes en effet sur la même ligne. 😉
Tolkien for ever sans doute.
Cinq saisons oui, mais si c’est pour perdre du temps comme dans cette première saison, on se demande comment faire entrer tout ce que la production souhaite aborder dans les quatre saisons qui restent à tourner… Ou alors, elle auront l’effet inverse : ça ira vraiment trop vite, comme dans les deux dernières saisons de « Game of thrones ». Jamais contents les spectateurs ! 😀
Mais bon, wait & see… 😉
C’est marrant, je ne m’attendais pas à voir Nope ici! 🙂
Disney+ fait du Predador?!?
Arf, je n’ai aucune envie de voir les Anneaux de Pouvoir. Rien ne m’a donné envie dans la bande-annonce. RIEN. J’ai trouvé Galadriel exaspérante rien qu’en trente secondes, les perruques intolérables… Et j’ai eu l’impression d’une fanfiction des films de Peter Jackson plutôt qu’une adaptation de Tolkien. Quand c’est sorti, un article de l’Irish Times a fini de me désoler (je peux te le retrouver si ça t’intéresse, mais le gars disait, en gros, que plus tu es noble et elfique, plus tu as l’accent british, mais plus tu descends dans la hiérarchie, plus tu as l’accent écossais – l’accent irlandais étant, lui, réservé aux pouilleux parmi les pouilleux, les pré-hobbits qui se roulent dans la paille… * soupir*) Enfin bon, il n’est pas impossible que j’y vienne un jour, par principe, parce que c’est Tolkien, et parce qu’un ami m’en a quand même dit du bien. ^^
« Nope » par ici ? Et pourquoi pas, il y a bien eu « Us »… Jordan Peele est un réalisateur que je suis de près. 😉
« Prey » est sur la « collection » Star de Dinsey+, qui propose du contenu adulte, et je dois dire qu’il y a pas mal de choses fort intéressantes, aussi bien en films qu’en séries. 😉
Ah tiens, intéressante cette approche des « Anneaux de pouvoir » avec les accents. Inquiétante aussi… Je veux bien l’article si tu peux le retrouver.
On peut fort bien se passer de cette série, elle n’a (pour le moment en tout cas) rien d’indispensable. C’est juste que moi, quand on me dit que c’est Tolkien sur écran, c’est un aimant auquel je ne peux pas résister. Le résultat écaille sérieusement la magie de Tolkien d’ailleurs, il faut être honnête, mais il faut dire aussi qu’elle est visuellement somptueuse (et la musique n’est pas en reste, joli travail de Bear McCreary, déjà auteur de la splendide musique de « Battlestar Galactica », entre autre). Ok, sauf le brushing des Elfes, honteux. 😀
Bref, je ne peux pas m’empêcher de regarder, je suis faible. 😀
Oh, tu sais, depuis le temps, je n’avais aucun souvenir du fait que tu avais vu Us, ni même de ce qu’était Us – j’ai suivi ton lien pour relire ton article de l’époque ^^
J’ai retrouvé l’article. Il est assez drôle (le titre vaut déjà son pesant de cacahuètes). Je suis dubitative sur le côté « Tolkien méprisait les Celtes », tout de même. Mais c’est drôle. On sent une certaine indignation blasée. Et cette histoire d’accent me semble très plausible. 😀 https://www.irishtimes.com/culture/tv-radio/2022/08/31/rings-of-power-the-new-hobbits-are-filthy-hungry-simpletons-with-stage-irish-accents-thats-1bn-well-spent/
(Purée, il faudrait que je regarde cette série juste pour écouter les gens parler et évaluer leurs accents :D)
Alors c’est vrai que vu comme l’article expose les faits, on pourrait trouver ça suspicieux… Ca me donne envie de me renseigner sur les liens entre Tolkien et la culture celte. Mais concernant la série, le choix de donner des accents irlandais aux hobbits, écossais aux nains et anglais aux elfes relève de symboles de classes…
Merci de l’avoir retrouvé ! 😉
Comme au-dessus, surprise que tu continues Les anneaux de pouvoir vu tout le négatif que tu en retires 😉 Pour ma part le comportement de Galadriel m’a insupportée un moment, avant de finir par accepter qu’en termes elfiques, elle est encore bien jeune.
On peut dire qu’elle est jeune, pourquoi pas (mais où s’arrête la jeunesse quand on est immortel ? 😉 ), mais quand même, ça a parfois aussi eu du mal à passer pour moi.
Après, comme dit plus haut, c’est l’univers de Tolkien (même si un peu maltraité…), c’est plus fort que moi, il FAUT que je regarde. 😀
Je serais curieuse de savoir si comme moi tu as quand même hâte de voir la saison 2 malgré tout le mal que tu dis de la saison 1 (ça me fait un peu cet effet-là ). La musique est très chouette en tout cas.
En l’état je ne dirais pas que j’ai hâte, mais je serai sûrement fidèle au rendez-vous de la deuxième saison oui, malgré tous les reproches faits à la première… 😉 Tolkien un jour, Tolkien toujours… 😀
Et oui, tu as raison, j’ai oublié de le mentionner, la musique de Bear McCreary est excellente (et dispo en intégralité sur les services de streaming, avec quasiment une heure de musique pour chaque épisode !). Le compositeur qui restera toujours dans mon coeur pour avoir composé ce chef d’oeuvre qu’est la BO de Battlestar Galactica ! 🙂