Piranèse, de Susanna Clarke
Quatrième de couverture :
La maison où vit Piranèse n’est pas un bâtiment ordinaire : ses pièces sont infinies, ses couloirs interminables et ses salles ornées de milliers de statues. Au coeur de cette architecture monumentale est emprisonné un océan, mais Piranèse n’a pas peur, il vit pour explorer ce labyrinthe. Dans son journal, il dresse de rigoureux rapports de ses errances.
L’Autre vit aussi dans cette cité enfouie. Piranèse lui rend visite deux fois par semaine et l’aide dans sa recherche du Grand Savoir. Mais, au cours de ses expéditions, Piranèse découvre un jour des preuves de l’existence d’un troisième habitant. Une terrible vérité commence à se dévoiler, révélant un monde totalement différent de celui qu’il connaît.
Envoûtant, Piranèse nous plonge dans un monde parallèle onirique, à la beauté irréelle, rempli d’images surprenantes, tourmenté par les flots et les nuages.
Piranèse en son Palais
Comment résumer « Piranèse » ? Délicat exercice tant tout repose sur le mystère, je n’irai donc guère au-delà de ce que présente la quatrième de couverture. L’univers dans lequel évolue Piranèse, le personnage qui donne son nom au roman, est donc un labyrinthe de centaines, de milliers de salles reliées entre elles par des portes, des vestibules, des escaliers (et donc, avec un tel environnement, on voit bien que le nom du protagoniste ne doit rien au hasard, l’artiste italien Giovanni Battista Piranesi étant notamment connu pour ses « Prisons imaginaires »)… Ornées de très nombreuses statues, aux poses et aux thèmes variés, on y trouve aussi un ciel et des étoiles dans les salles supérieures, et la mer (avec ses marées, parfois ravageuses) dans les salles inférieures. Piranèse est parfaitement adapté à cet environnement, subvenant à ses besoins, il y est chez lui, c’est son Palais. Il y vit quasiment seul, ne rencontrant l’Autre que deux fois par semaine, pour quelques discussions diverses, et surtout pour tenter de parvenir à découvrir le Grand Savoir Secret, quête à laquelle tient particulièrement l’Autre. Piranèse, dans sa grande bonté, ne manque pas de l’aider par tous les moyens, notamment en explorant et cartographiant des pièces éloignées.
Et puis le doute s’immisce dans l’esprit de Piranèse. Ne sont-ils que deux dans ce Palais ? Après tout, il y a quelques squelettes, il y a eu du passage… Et puis ces carnets, qu’il ne cesse de remplir pour y noter toutes ses occupations et trouvailles, minutieusement indexés, sont-ils vraiment fiables ?… Des doutes qui, évidemment, finiront par être bien plus que des doutes. Dès lors… chut, il vous faudra découvrir le reste par vous même. Sachez seulement que Susanna Clarke parvient à maintenir le suspense très efficacement, ne distillant les informations qu’à petites doses (au lecteur comme au narrateur), mais suffisamment pour que le lecteur, une fois ferré, ne puisse faire autre chose que tourner les pages pour découvrir le fin mot de l’histoire.
Un fin mot qu’on aurait pu imaginer bouleversant/vertigineux/sense of wonderesque, mais qui ne l’est pas tant que ça, toutes proportions gardées. Suffisamment satisfaisant malgré tout pour contenter un lecteur avide de comprendre, tout en laissant place aux interprétations dans les interstices laissées inexplorés. Mais vous connaissez l’adage : le voyage, la destination, etc… Et ici, si c’est bien. la destination qui porte le lecteur, le voyage a au moins autant d’importance. Surtout quand au bout du compte, la fin du voyage en amène un nouveau en quelque sorte.
Piranèse est un personnage très touchant, profondément bon. On pourrait presque aller jusqu’à la naïveté, mais sa candeur à quelque chose de profondément émouvant, qui tranche avec quelques unes des révélations amenées au lecteur. Sans dévoiler quoi que ce soit, on y parle emprise, manipulation, mémoire, environnement, et quelques autres choses pas toujours très reluisantes… Quant au décor du roman, s’il demande un petit travail d’imagination pour se le représenter, il a quelque chose de vraiment étrange, imposant, merveilleux et mystérieux, c’est une autre des forces du roman. Un roman qui, par ailleurs, sait se « contenir » et ne pas s’étaler sur des centaines de pages inutiles. Susanna Clarke a su être brève (300 pages), et c’est pour le mieux ainsi.
Bien écrit, bien narré, il y a peu de choses à redire à ce roman qui demande un petit temps d’adaptation au début pour bien s’immerger, mais qui au final se révèle être particulièrement prenant grâce à son intrigue… intrigante (haha) et ses thématiques pertinentes. Une belle réussite, à conseiller à ceux qui aiment le mystère, rêver un peu et ne cherchent pas les explications rationnelles à tout prix. Merci Cédric pour la découverte ! 😉
Lire aussi les avis de Lhisbei, Cédric, Lune, Fourbis et têtologie, Alias, Sometimes a book.
« Un roman qui, par ailleurs, sait se « contenir » et ne pas s’étaler sur des centaines de pages » : tu as un message à passer sur « Jonathan Strange et Mr Norrell » peut-être ?
En tout cas tu es dans le ton du mystère avec ta chronique, c’est raccord. Il faut vraiment que je profite de ce roman pour découvrir l’autrice.
Je t’avoue que « Jonathan Strange et Mr Norell » ne m’attire pas vraiment…
Mais en revanche « Piranèse » se lit très bien, avec son lot de mystères que j’ai tenté de ne pas éventer ici. 😉
Intrigant. Votre chronique donne envie de découvrir cet univers mystérieux.
C’est noté.
Si vous tentez le coup, je vous souhaite une belle découverte. 😉
Ps
Ce thème du labyrinthe m’a fait penser aux bandes dessinées de François Schuiten et son originale architecture de La Tour(Les cités obscures)
Je note avec intérêt l’ouvrage de Susanna Clarke.
Bonne remarque, c’est vrai que dans le genre labyrinthique et kafkaien, Schuiten est plutôt bien placé.
Rien de kafkaien pourtant dans « Piranèse », même si peut le sembler au premier abord. 😉
Ahah, j’ai détesté Jonathan Strange, donc l’autrice ne me tente plus du tout… (Je crois même que j’ai donné le bouquin, c’est dire…) Contente de voir que tu en dis du bien. Ça me semble moins inenvisageable de la relire un jour, du coup.
Comme je n’ai pas lu « Jonathan Strange et Mr Norell », je ne pourrai pas faire de comparaison et dire si c’est mieux ou moins bien… Ce que je peux dire c’est que « Piranèse » est très sympa à lire et court. Ce sont déjà deux qualités. 😀
Pas pour moi (je déteste les labyrinthes), mais ça semble être un roman qualitatif !
Oui, même pour celles et ceux qui n’aiment pas les labyrinthes. 😀