Quelques comics dans l’univers Batman, épisode 1
Joker, de Brian Azzarello et Lee Bermejo
Et du coup, je m’intéresse à Batman en commençant par sa némésis : le Joker bien sûr. Dans ce volume d’un peu plus de 120 pages, on apprend que le Joker a été libéré de l’asile d’Arkham. Johnny Frost, narrateur de l’histoire et petit malfrat de Gotham, se porte volontaire pour aller le récupérer à la sortie de l’asile. Johnny Frost n’est pas là pour rien : il a de l’ambition. Lassé des petits larcins, il veut devenir quelqu’un qui compte dans le milieu. Et pour ça, quoi de mieux que de s’associer avec le Joker ? Quoique s’associer soit un bien grand mot, il s’agit plutôt ici de devenir l’homme de main du Joker, en attendant de monter les étages du crime. Mais est-il vraiment possible de s’associer à ce personnage, dans une sorte de pacte faustien au possible ?
Car le Joker est incontrôlable, ingérable, en plus d’être, au sens strict du terme, un cinglé psychopathe. Oubliez le Joker un peu fantasque amateur de bonnes blagues, le personnage imaginé ici par Brian Azzarello est bel et bien un fou furieux sans aucun sens moral, un homme qui ne se fixe aucune limite et pour qui (je cite Harvey Dent/Double-Face) « la mort est la chute de la blague ». Dès lors, Johnny Frost s’apercevra, à mesure que le Joker tente de reconquérir ses anciennes parts dans le milieu du crime, dans quel puits sans fond il est tombé.
D’une terrible noirceur, « Joker » est un volume à l’hypnotisante beauté grâce aux dessins de Lee Bermejo, sur un mode « réaliste » qui ôte toute origine « extraordinaire » aux protagonistes (Killer Croc n’est qu’une grosse brute avec une maladie de peau, et pas le gros lézard que l’on connaît), alors que l’apparence du Joker est calquée sur celle de Heath Ledger dans le film « The dark knight » de Christopher Nolan (le comics et le film sont sortis tous les deux en 2008). C’est sombre, c’est violent, parfois jusqu’à l’extrême même si certains faits se passent hors champ (mais pas tous…), ce « Joker » offre une vision où tout ce qui pouvait rendre le personnage « tolérable » ou « amusant », voire « cartoonesque », est mis de côté pour le rendre ultra malsain. Avec une galerie de personnages connus (le Pingouin, Killer Croc, le Sphinx, Harley Quinn, Harvey Dent, et bien sûr Batman qui fait une apparition remarquée sur la fin), ce volume est une plongée terrible dans la psyché d’un monstre et l’histoire d’un homme qui croyait pouvoir s’élever en s’en rapprochant. Jusqu’à la chute…
The killing joke, de Alan Moore et Brian Bolland
Autre plongée dans l’esprit dérangé du Joker, « The killing joke » fait partie des chefs d’oeuvre incontournables des comics situés dans l’univers de Batman, et sans doute des comics tout court d’ailleurs. Nettement antérieur au « Joker » dont je parle juste au-dessus, ce court volume de 48 pages, sorti en 1988, est une sorte de démonstration, à travers les actes du Joker, de ce qu’est la folie et que tout le monde peut sombrer, même quelqu’un de tout à fait sain. Pour cette démonstration, le Joker a choisi le commissaire Gordon, en s’en prenant à lui directement, en l’humiliant, et surtout en s’attaquant à sa fille Barbara, à travers une scène devenue célèbre (et l’utilisation qu’en fait le Joker, en plus d’un certain doute qu’elle laisse s’installer, la rend maintenant difficile à laisser passer, chacun jugera…).
Inévitablement, alors que Batman a été floué et que le Joker s’est, une nouvelle fois, échappé de l’asile d’Arkham, le justicier finira par intervenir et retrouver le Joker pour une confrontation qui tournera… à la blague ! Hé oui, le titre de ce volume n’est pas là pour rien, Alan Moore n’est pas vraiment connu pour poser des choses au hasard… Une blague finale qui reste d’ailleurs soumise à interprétation, de même que l’ultime page laisse en suspens le devenir des deux personnages.
En parallèle de ce récit, on a l’origine du Joker qui nous est expliquée, avec le pourquoi du comment il est devenu ce qu’il est aujourd’hui. A moins que cela ne soit qu’un énième boutade du personnage, allez savoir… Ces flashbacks sont en noir et blanc, avec seulement quelques touches pâles de couleur qui se densifient pour arriver au rouge vif de la cape et du casque de la première identité du Joker. Les dessins de Brian Bolland sont à ce titre parfaits, sur un découpage relativement classique mais qui rythme parfaitement l’action.
Au final, « The killing joke » est une franche réussite, qui place le Joker au premier plan mais qui n’oublie pas de souligner que lui et Batman sont un peu comme le yin et le yang : l’un ne va pas sans l’autre. Avec en filigrane la question de savoir si Batman est aussi fou que le Joker, bien qu’il ne franchisse pas là ligne rouge. Là encore, la dernière page laisse le doute planer…
Batman : à la vie, à la mort, de Tom King, Lee Weeks et Michael Lark
Moins « viscéral » que le deux volumes ci-dessus, « A la vie, à la mort », avec Tom King au scénario et Lee Weeks et Michael Lark aux dessins, offre deux histoires de respectivement une quarantaine et une trentaine de pages.
La première, qui donne son titre au volume, raconte l’histoire d’amour entre Batman et Catwoman. Au début, alors que les deux héros sont jeunes et « se cherchent », notamment une Catwoman qui ne cesse de provoquer Batman pour qu’il s’endurcisse alors que sous la cape l’homme est resté le petit garçon qui souffre d’être seul. Mais Catwoman a aussi ses failles, pas si éloignées de celles de Batman. Quoi de plus normal que de voir les deux personnages se rapprocher ?
La deuxième partie de cette première histoire se déroule de nombreuses années plus tard, les deux personnages devenus âgés. Et, sans en dire plus, c’est là toute la force de cette histoire touchante, qui offre une fin de vie à Bruce Wayne rarement abordée (si tant est qu’elle l’ait déjà été, je ne suis pas spécialiste…). Une belle et simple histoire d’amour, poignante, digne et triste à la fois, avec de très belles scènes graphiques.
La deuxième histoire de ce volume, « Elmer un peu, beaucoup… » est un étonnant crossover entre Batman et… les Looney Tunes (physiquement réinventés dans un look réaliste mais tout à fait reconnaissables) ! Elmer Fudd, le chasseur qui cherche à capturer Bugs Bunny dans les dessins animés, parvient à retrouver le lapin dans un bar tenu par Porky Pig et, dans une narration déconstruite, va tenter de le tuer, lui comme Bruce Wayne. Récit amusant, sur un mode de roman noir des années 40, avec une femme fatale en la personne de Silver Saint Cloud (personnage né dans les comics des années 70), on tient là tous les ingrédients classiques du genre : tromperie, vengeance, gros flingues, et la femme fatale qui laisse tout le monde sur le carreau. Sympa, mais finalement relativement oubliable.
Un volume intéressant donc, qui vaut surtout pour la très belle histoire éponyme.
Et alors, tu as vu le Batman au cinéma? Suspense!
J’ai récemment lu les Hellblazer scénarisés par Azzarello. C’est vrai qu’il ne cache rien. Je n’ai pas aimé car je n’ai pas reconnu John Constantine – en elles-mêmes, les scénarios sont bons.
Oui je l’ai vu. J’en parlerai un de ces jours, dans un zapping. 😉
Clairement, Azzarello n’édulcore rien. C’est cash.