The Witcher, saison 2
On se souvient que la première saison de « The Witcher », adaptation très attendue des romans à succès de Andrzej Sapkowski, n’avait pas manqué d’attirer l’attention lors de sa sortie fin 2019, malgré à peu près autant de défauts que de qualités. En ce qui me concerne, elle avait réussi à beaucoup me plaire sans que ses défauts, parfois criants, ne puissent être éludés. La pandémie étant passée par là, il aura fallu attendre deux ans avant que la seconde saison n’arrive sur les écrans via Netflix.
Et que dire… Je vais être très franc d’office : j’ai une tendresse particulière pour cette série. Mais, très clairement, elle est aussi vraiment mal fichue. Certains des points « problématiques » de la première saison ont certes été corrigés, comme les effets spéciaux qui ont fait un bon qualitatif, mais d’autres, déjà flagrants il y a deux ans, sont toujours bien présents. Faisons le tour du propriétaire.
Les effets spéciaux donc. On se souviendra dans la première saison de cette horreur de dragon doré… Cette faute de goût semble pouvoir être oubliée car si les monstres, raison d’être du witcher, sont toujours présents et parfois massifs, ils font globalement plutôt forte impression. D’autant plus que certains d’entre eux sont limites flippants, donc de ce côté-là, sans que ce soit la huitième merveille du monde, c’est assez largement positif. Mais déjà il y a un mais.
Car qui trop embrasse mal étreint et la production, décidée à montrer qu’elle peut en mettre plein les yeux, en fait parfois trop. Si on pourra sourire de ce défilé de lentilles oculaires tout au long de la saison, on ne manquera en revanche pas de remarquer des décors et des éclairages qui oscillent régulièrement entre le joli et le totalement too much, entre le naturel agréable et l’artificiel complètement irréaliste. Ca sent le HDR à plein nez, vous savez ces photos qu’on voit souvent sur Instagram avec couleurs flashy, ombres débouchées pour une scène totalement artificielle. Ca fonctionne parfois pourtant (comme dans le premier épisode, pour lequel l’éclairage de « pleine lune » lui donne un cachet gothique qui fonctionne très bien), mais le plus souvent c’est tellement poussé que ça a du mal à passer.
Bon, ça reste de l’esthétique tout ça, ce n’est pas toujours très heureux mais on peut passer outre, avec un peu d’effort. Quoique, toujours côté esthétique, comment ne pas pouffer devant le maquillage du sorcier Rience, surement réalisé par un stagiaire qui n’aura pas son diplôme, ou bien devant la redingote en cuir d’un Jaskier qui tend à devenir une sorte de rockeur moyen-âgeux pas très drôle au détriment du vrai barde amusant de la première saison (heureusement, ses chansons restent sympas)…
Ha oui tiens, parlons de la musique justement. La compositrice de la première saison, Sonya Belousova, a cédé sa place à Joseph Trapanese, un remplacement évidemment problématique pour installer une continuité. Trapanese a certes repris le thème principal de Belousova ici ou là, mais de manière très discrète, et surtout, surtout, il ne parvient quasiment jamais à nous donner une mélodie marquante ! Son score est morne et pas franchement enthousiasmant, et la comparaison avec la superbe BO de Ramin Djawadi pour « Game of Thrones » (à qui il avait fallu deux ou trois saisons pour trouver le ton parfait, d’où le problème ici du changement de compositeur) fait très très mal à « The Witcher », qui ne dispose même pas d’un générique pour installer une identité musicale auprès du spectateur.
Musique insignifiante, direction artistique pas toujours très heureuse, ça commence mal hein ? Mais le pire est à venir ! Car nous allons parler de narration. Et là c’est le pompon ! 😀 La saison commence pourtant pas mal, avec un premier épisode en mode « chasseur de monstre », donc relativement détaché d’un fil rouge narratif qui s’installera par la suite (normal, il s’agit ici d’une adaptation de la nouvelle « Un grain de vérité », contenue dans le tome 1, « Le dernier voeu », de la saga littéraire, la suite de la saison adaptant le tome 3, c’est à dire le roman « Le sang des elfes »), qui manque un peu de rythme par moment mais qui offre surtout une belle histoire, sorte de tragédie shakespearienne qui fonctionne vraiment bien.
Mais alors ensuite… On avait quitté en fin de première saison Geralt et Ciri qui s’étaient enfin retrouvés, alors que Yennefer avait fait un véritable feu de la Saint Jean des soldats de Nilfgaard, sauvant à cette occasion les royaumes du Nord de la défaite. Geralt finit par se prendre d’affection pour Ciri, cette enfant-surprise, et cherche autant à la protéger qu’à tenter de comprendre pourquoi elle semble être recherchée par les puissants de ce monde, tandis que l’empire de Nilfgaard n’a pas baissé les bras après sa défaite sur le champ de bataille de Sodden et compte utiliser l’oppression subie par le peuple des elfes à son avantage… Les choses étaient censées devenir plus simple pour le spectateur après les trames narratives distinctes temporellement de la première saison. Tout est plus ramassé ici, tout se déroule en même temps… et on n’y comprend toujours rien !
A l’évidence, la production ne sait pas raconter une histoire : les tractations diplomatiques sont obscures, certains éléments deviennent importants sans qu’ils soient explicitement montrés (si ce n’est vaguement en saison 1 pour les monolithes par exemple, mais il faut avoir de la mémoire alors que la série ne fait aucun effort pour rappeler ces éléments aux spectateurs, ni n’en fait pour expliquer des aspects qui n’ont rien d’évident, comme la conjonction des sphères), les personnages (hormis les principaux bien sûr) manquent de caractérisation et on ne sait plus qui fait quoi, qui travaille pour qui, qui essaie de doubler qui, etc…
D’autant plus que géographiquement, si on visite du pays durant les huit épisodes, toutes les contrées sont à peu près interchangeables, et on finit pas ne plus savoir qui est où et pour faire quoi. Pour reprendre la comparaison avec la série « Game of Thrones », cette dernière avait un générique qui présentait, certes rapidement, les lieux de la série. Ca n’avait l’air de rien, mais ça donnait quelques éléments géographiques. Dans « The Witcher », rien n’est clairement exposé, il y a un vrai manque à ce niveau. En fait, on s’aperçoit vite qu’en dehors de Geralt–Ciri, et dans une moindre mesure Yennefer, le reste a du mal à passionner, alors que ça ne manque pourtant pas d’importance sur l’intrigue générale.
Heureusement, la série se reprend et les choses s’éclaircissent en fin de saison, avec les deux derniers épisodes qui remettent la narration sur le bon chemin. Tout devient enfin plus clair, plus concentré dans un final vraiment épique où les enjeux deviennent enfin évidents. Mais avant d’en arriver là, il aura fallu naviguer en plein brouillard…
C’est bien dommage évidemment, alors que la série a pourtant beaucoup à offrir, comme le duo Geralt–Ciri qui fonctionne très bien, grâce bien sûr à la prestation impeccable de Henry Cavill pour le premier et de Freya Allan pour la seconde, cette dernière bénéficiant enfin d’un rôle plus consistant que de simplement courir dans la forêt. On retrouve également avec joie une Triss Merigold (incarnée par Anna Shaffer) qui bénéfice d’un peu plus de temps de présence (et retrouve une chevelure plus rouge que dans la première saison…), tout comme on fait la connaissance de Vesemir (joué par Kim Bodnia), le mentor de Geralt et ancien parmi les sorceleurs. En revanche, mais on mettra ça sur le dos de son personnage qui se retrouve bien démuni, le charisme de Yennefer (Anya Chalotra) est tombé aux oubliettes… Côté qualités, la série ne fait pas non plus l’impasse sur le racisme, un élément important des écrits de Sapkowski, et qui était déjà présent lors de la saison 1. Ce qui n’a rien d’étonnant vu l’importance de cette thématique dans la trame globale de la série et qui, au vu de la nationalité de l’auteur (né en Pologne), ne surprend pas vraiment dans un pays qui a connu pogroms et ghettos juifs.
Bon, avec ces quelques hauts et ces nombreux bas, la logique devrait me faire fuir cette série. En pourtant non, je n’arrive pas à ne pas l’aimer. Il y a un effet magnétique qui se dégage de la série (ou de Geralt ?) qui fait que je n’arrive pas à m’en détacher. Une dissonance cognitive du plus bel effet ! 😀 Heureusement que la fin de cette deuxième saison annonce des choses intéressantes pour la suite (les regards de monde entier se portent vers Ciri), ça me donne quelques éléments de qualité auxquels me raccrocher, sinon je me demande bien de quoi j’aurais eu l’air… Toujours est-il que pour résumer, la saison 2 de « The Witcher » débute très bien, finit très bien et de manière très intense, et qu’entre les deux c’est mal fichu, on ne comprend pas trop ce qui se passe et ce qui y est raconté. Et que finalement c’est vachement bien. Ca vous va ? 😀
Sympa ton article. Du coup, je (ne) sais (pas] si j’ai (pas) envie de (pas) regarder cette saison 2, voire l’inverse. ^^
Merci ! 🙂
J’aurais du mal à choisir à ta place… Le mieux c’est que tu la regardes (ou pas), et que tu nous dises (ou pas) si tu as bien aimé (ou pas). 😀
J’ai beaucoup aimé cette saison pour ma part, je me suis laissée entraînée. Et j’ai kiffé la fin 🙂
Si tu as pleinement apprécié, c’est parfait ! 😉
Et cette fin, oui, très puissante, et pleine de promesses. 😉
Ah! Ah! Trop contente que tu aies regardé et que tu lui consacres un billet!
C’est marrant, moi je n’ai pas ressenti de difficultés particulières dans la narration. Dans la première saison, j’avais été complètement larguée, à tel point que je l’ai reregardée cet automne en prenant des notes pour déterminer qui était qui et qui s’était croisé quand. Cette fois, rien. Ma seule « déception », c’est que certaines intrigues vont s’étaler sur plusieurs saisons alors que j’attendais impatiemment une réponse (Vilgefortz!!!! Vilgefortz!!!!!! Ça me rend dingue, je veux savoir la vérité!). Mais une fin très bien, oui, j’étais tellement rivée à mon écran. Ohlàlàlàlàlà!!!
Ah, d’accord avec toi à propos de la conjonction des sphères. Ce n’est pas du tout expliqué. Geralt a une espèce de révélation en trois phrases, je n’ai pas bien suivi.
Et oui, sur le plan technique, c’est d’une nullité rare. C’est vraiment extraordinaire. Chaque semaine, je me suis marrée en regardant les lentilles. Mais il y a vraiment un truc qui marche sur moi dans l’ensemble, car même ça, en fait, j’adore. Je pense que si un jour il n’y a plus de lentilles ridicules, j’aurai le coeur brisé.
La veste de Jaskier: oui! Oui! Oui! Mais tellement!! Je pense que c’est assumé! Holàlà Jaskier!
Trop envie de les retrouver tous, gentils et méchants.
Un autre truc que j’apprécie dans cette série, c’est la diversité de couleur de peaux des acteurs sans que ce ne soit un sujet, alors que techniquement elle parle de racisme, donc en fait c’est carrément un sujet. Mais tu vois, personnages noirs et blancs font leur vie comme des vrais gens sans que leur vie ne dépende de leur peau. J’avais bien aimé Carnival Row sur ce point aussi. D’ailleurs, dans les deux cas, le destin des gens dépend de quelque chose de nettement plus important que la peau: être une fée, un humain ou un elfe. (Pas sûre que cette réflexion soit d’une pertinence galactique, mais je voulais la mettre par écrit.)
Comme quoi, il y a vraiment différentes approches et « acceptations » de la narration. Mais tant mieux pour toi si c’est passé nickel ! 😉
Techniquement, je ne dirais pas que c’est nul, juste que c’est « voyant ». 😀 Mais je suis comme toi, je rigole mais j’aime ça, c’est plus fort que moi. 😀
Pour le racisme, oui c’est intéressant de voir que la couleur de peau n’est pas un problème, qu’il y a des blancs et des noirs dans tous les peuples mais que le racisme est toujours présent, d’une manière plus « civilisationnelle » (la civilisation n’étant donc pas, ici, définit par la couleur de peau). C’est intéressant, et déprimant aussi en quelque sorte.