La quête onirique de Vellitt Boe, de Kij Johnson
Quatrième de couverture :
« Kij Johnson a un don sans pareil pour rendre l’irréel réel et le réel irréel. » Ursula K. Le Guin
Clarie Jurat a disparu. Nul ne sait où, mais il semblerait qu’elle se soit enfuie en compagnie d’un homme… un homme venu du monde de l’éveil. Au sein du Collège de femmes d’Ulthar, c’est la consternation : pareille fugue pourrait remettre en cause l’existence même de l’institution. Pour Vellitt Boe, le temps est venu d’abandonner ses atours confortables de professeure vieillissante au profit de sa défroque oubliée de voyageuse émérite ; retrouver son élève est impératif. Une quête qui la conduira loin, bien plus loin qu’elle ne l’imagine, d’Ulthar à Celephaïs, au-delà même de la mer Cérénarienne, jusqu’au trône d’une ancienne connaissance, un certain Randolph Carter…
Née à Harlan dans l’Iowa, en 1960, Kij Johnson est l’auteure de deux romans et d’une cinquantaine de nouvelles et novellas. Si elle partage aujourd’hui son temps entre ses activités de romancière et les cours qu’elle dispense à l’Université du Texas, elle fut longtemps responsable éditoriale (chez Tor Books, Dark Horse Comics ou TSR), après avoir été libraire indépendante, éditrice de mots croisés cryptiques, publicitaire pour une radio locale ou encore serveuse dans un strip bar…
Un pont sur la brume, son premier titre publié en France, a cumulé les distinctions des deux côtés de l’Atlantique : Hugo et Nebula Awards 2012, Grand Prix de l’Imaginaire 2017. Avec La Quête onirique de Vellitt Boe, lauréat du prestigieux World Fantasy Award 2017, Kij Johnson signe un stupéfiant prolongement à l’un des grands classiques de H. P. Lovecraft, sans oublier d’en explorer sa faille la plus patente : la place qu’il y réserve aux femmes.
Retour en Contrées du Rêve
Clarie Jurat a disparu, mais plutôt qu’une disparition il semblerait qu’il s’agisse d’une fugue, en bravant qui plus est un interdit : elle se serait enfuie avec un Rêveur pour rejoindre le Monde de l’Eveil ! Les choses se compliquent quand on sait que le père de Clarie siège au conseil d’administration de l’Université d’Ulthar, de laquelle dépend le Collège des Femmes où elle étudie. Le danger est donc grand que le Collège ferme suite à ce scandale. La professeure Vellitt Boe est alors chargée par la Doyenne Gnesa Petso de retrouver Clarie, coûte que coûte. Un voyage qui non seulement (r)éveillera certains souvenirs et rencontres faits par Vellitt Boe dans sa jeunesse de voyageuse mais qui, en plus, pourrait bien déterminer l’avenir d’Ulthar tout entière, si ce n’est d’une bonne partie des Contrées du Rêve.
Quand on écrit un texte se passant dans les Contrées du Rêve de Lovecraft, avec un titre tel que celui-ci, il est bien évident que ce n’est pas anodin, sinon cela n’a guère d’intérêt. On connaît les qualités stylistiques de Lovecraft, on connaît aussi les défauts de l’homme qui, parfois, transparaissent dans ses oeuvres. Lovecraft était misogyne et cette misogynie transparait dans ses « Contrées du Rêve » desquelles les femmes sont totalement absentes. C’est donc en réaction autant qu’en hommage que Kij Johnson a écrit « La quête onirique de Vellitt Boe ».
Suivant une structure pas si éloignée de celle du plus fameux texte de Lovecraft de ce cycle (« La quête onirique de Kadath l’Inconnue »), Kij Johnson nous propose, à travers l’enquête de Vellitt Boe, un petit parcours « touristique » à travers les Contrées du Rêve. Faisant oeuvre d’hommage avec de multiples clins d’oeil à des lieux bien connus des lecteurs de Lovecraft, l’autrice (qui, incontestablement, connaît donc bien l’oeuvre de HPL) nous propose aussi quelques rencontres qui raviront l’amateur de l’écrivain de Providence. Comment en effet traverser les Contrées du Rêve sans faire un petit coucou à Randolph Carter ? Le bestiaire n’est pas non plus oublié, avec les zoogs, les gugs, les ghasts, les goules… et les chats bien sûr, Ulthar étant un haut-lieu de la civilisation féline.
Et donc, un texte en réaction à celui de Lovecraft. Féminisant très largement son récit, Kij Johnson y inclut des sujets très actuels, par petites touches discrètes (LGBT), qui auraient très certainement révulsé Lovecraft, mais qui rendent ses Contrées du Rêve plus modernes, moins sclérosées. S’interrogeant sur la place des femmes (autant dans les Contrées du Rêve que dans notre monde), sur leur droit à choisir leur vie, l’autrice fait de son texte une quête autant extérieure (la recherche de Clarie) qu’intérieure (d’une certaine manière Vellitt Boe va se (re)trouver).
Et en somme, même si la novella de Kij Johnson est peut-être un peu plus « sage » que l’exubérant (mais toujours un peu indigeste puisque sans dialogue aucun) texte de Lovecraft, il faut bien avouer que l’effet miroir du récit (sur de nombreux points : la narratrice qui fait le chemin inverse de celui de Randolph Carter, la place faite à celles qui n’en ont pas dans l’oeuvre originelle, etc…) fonctionne bien, de même qu’il est tout à fait distrayant même sans se confronter à ce deuxième niveau de lecture. Par ailleurs, s’il est bien évident que le fait d’avoir lu Lovecraft ajoute à l’expérience de lecture, les retours de nombreux lecteurs « Lovecrafto-novices » semblent indiquer que « La quête onirique de Vellitt Boe » fonctionne également très bien de manière indépendante. La preuve que ce texte est une réussite, quel que soit le rapport des lecteurs avec Howard Phillips Lovecraft, et c’est donc une nouvelle réussite à l’actif de Kij Johnson, après les déjà excellents « Un pont sur la brume », « Magie des Renards » et « Retour à n’dau ».
Lire aussi l’avis de Vert, Feyd-Rautha, l’Ours Inculte, Célindanaé, Lhisbei, Yossarian, Nebal, Nicolas, Joyeux Drille, Dionysos, le Chroniqueur, Anne-Laure, Audrey Pleynet, Stéphanie Chaptal…
J’ai bien aimé, mais je dois dire que ça ne m’a pas laissé un souvenir marquant. Je crois que j’ai trouvé ça charmant, ce qui est quand même paradoxal pour une lovecrafterie.
C’est un roman très sympa en lui-même, qui prend un sens certain si on a lu le texte de Lovecraft avant, mais sans qu’il fasse partie des trucs à lire impérativement. La faute peut-être à ce petit grain de folie qui habitait le texte de Lovecraft mais qu’on ne retrouve pas ici…
À vrai dire, je n’aime pas non plus Kaddath. Je l’ai relu exprès avant de lire celui-ci et je n’ai, comme la première fois, pas compris grand-chose. ^^
Je trouve le texte de Lovecraft assez vertigineux sur le plan de l’imagination, mais assez peu digeste sur le plan de l’écriture, non que le style de Lovecraft me pose problème, mais le texte est un « bloc » sans aucun dialogue, sans aucune respiration, c’est très touffu et « fatigant » en un sens… Donc je te comprends. 😉
Une excellente novella, comme toujours avec Kij Johnson :=)
J’ai lu quatre textes courts parus en France (il ne m’en manque que deux, parus dans la revue Angle Mort), et pas de déception jusqu’ici. 😉
J’avais bien aimé l’aventure (même sans connaître le texte d’origine). L’édition illustrée est superbe en plus !
Oui, ça marche même sans avoir lu Lovecraft.
Une belle édition illustrée, à la couverture au toucher soyeux, sans doute faite en peau de je ne sais quelle créature des Contrées du Rêve… 😉
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