Fondation, de Isaac Asimov

Posted on 28 octobre 2021
Une nouvelle série télé débarque, et les romans desquels elle est tirée trouvent un regain d’intérêt auprès du lectorat. « Fondation » de Isaac Asimov ne déroge pas à la règle (en tout cas auprès de moi…) puisque suite à la mise en ligne par Apple de la série télé adaptée de cette saga considérée comme inadaptable, je me suis mis à lire (oui, il était temps) ce roman, premier tome d’une des séries de SF les plus connues et les plus importantes de l’histoire. Rien que ça. Mais bon, les textes (4 sur 5) contenus dans le roman « Fondation » ont autour de 80 ans quand même… Alors, ça passe toujours bien ?

 

Quatrième de couverture (tirée de l’édition intégrale en deux volumes chez Folio SF) :

Grâce à la psychohistoire qu’il a inventée, Hari Seldon prévoit l’effondrement de l’Empire galactique, suivi d’une ère de ténèbres de trente mille ans.
Seule solution pour réduire cette période à mille ans : la Fondation. Mais celle-ci a de nombreux et puissants ennemis…

 

Un roman fondateur. Ouais, c’est facile…

Plutôt qu’un roman, parlons plutôt de « fix-up », une expression pas très jolie pour indiquer que l’on parle d’un agrégat de nouvelles formant un tout narrativement lié. Et puisque le concept de la saga « Fondation » est de former une vaste histoire du futur, à travers le temps et l’espace, les nouvelles qui forment ce premier roman sont donc une première approche de ce vaste avenir, sur une période de temps restreinte (toutes proportions gardées) puisque le span temporel se situe aux alentours de 150 ans.

Le premier texte, « Les psychohistoriens », écrit en 1942, définit l’année 1 de l’ère de la Fondation (dans un très lointain futur), avec l’arrestation et le procès de Hari Seldon, brillant scientifique à l’origine de la psychohistoire, science sociale, à même de déterminer, via des analyses statistiques de différents éléments sociaux, politiques, technologiques, etc… le comportement et donc, plus ou moins, l’avenir d’une vaste société (Asimov aurait donc prédit le traitement des Big Data à l’échelle galactique ?). Car Seldon prédit que dans trois siècles, l’Empire s’effondrera et, si rien n’est fait, ne se relèvera qu’après 30 millénaires de barbarie. Mais si un groupe de scientifiques, d’après ce que « prédit » la psychohistoire, s’attèle à la tâche colossale de rédiger une Encyclopédie regroupant l’ensemble du savoir de l’humanité, l’Empire aura une base, une « Fondation », sur laquelle il pourra renaître après un hiatus de seulement mille ans. « Les psychohistoriens », intéressant texte qui se lit tout seul, est donc en quelque sorte la genèse de la Fondation.

Le deuxième texte, « Les encyclopédistes », se déroule 50 ans après le précédent, sur la planète Terminus (isolée à l’extrémité d’un bras galactique, là où s’est installée la Fondation après le procès de Seldon), et voit l’arrivé d’une première « crise Seldon« , c’est à dire une crise prévue par le psychohistorien (décédé peu de temps après son procès), n’offrant qu’une seule solution pour en sortir, au prix d’un radical changement. Un texte là encore efficace, qui offre un joli retournement de situation et d’intéressantes perspectives sur l’avenir, d’autant qu’on comprend un peu mieux maintenant le but de la Fondation et le « fonctionnement » du roman (des textes étalés sur une longue période de temps, aux moments charnières de la Fondation).

Les trois autres textes suivent le même principe et le roman « Fondation » n’est donc que le début d’une vaste fresque, couvrant ici les prémisses de la chute d’un Empire Galactique qui commence déjà à montrer des signes de faiblesse, son influence sur les parties les plus éloignées de la galaxie commençant déjà à s’étioler, tandis que, isolée, la Fondation, à partir de peu, parvient à prendre de l’importance dans son secteur, en traversant diverses crises l’amenant à devoir adapter son fonctionnement (politique, économique, social).

On y voit comment la mainmise sur certaines technologies, la façon dont elle est gérée (jusqu’à une utilisation religieuse sur des planètes moins avancées technologiquement, un phénomène que n’aurait pas renié un Arthur C. Clarke en disant que « Toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie ») permettent de garder le contrôle de sa destinée, ou d’accroître son pouvoir. Îlot scientifique, théocratie, ploutocratie, la Fondation évolue au gré des évènements, et tout cela se lit avec intérêt, même si le concept même du roman fait qu’il est difficile de s’attacher à des personnages qui disparaissent rapidement, alors que le style d’écriture d’Asimov, relativement quelconque, ne permet pas d’accentuer le lien entre ceux-ci et le lecteur.

Signalons par ailleurs que les textes, aussi addictifs soient-ils (certains plus que d’autres, inévitablement), offrent quand même leur lot de facilités, surtout au vu des enjeux politiques et sociaux à l’échelle de peuples entiers, et laissent les femmes totalement au second voire troisième plan (je n’en ai vu qu’une seule, ne servant que pour une séance d’essayage…). Mais bon, Asimov et les femmes, on commence à connaître

En tout cas, cette découverte (il n’est jamais trop tard), bien qu’elle ait un peu vieilli (un aspect peut-être légèrement atténué par la révision par Philippe Gindre de la traduction d’origine de Jean Rosenthal, révision qui a permis de retrouver le vrai texte intégral d’Asimov) ne manque pas d’intérêt aujourd’hui encore, et j’avoue que je suis bien curieux de lire la suite.

Et même si les illustrations de Johann Goutard (sur les deux intégrales Folio SF) semblent plutôt quelconques, ou en tout cas ne correspondent guère avec ce que propose cette vaste série de romans, on saluera les éditions Denoël Lunes d’Encre et Folio SF de proposer une belle (presque) intégrale en deux volumes. Oui presque, puisque qu’il existe deux autres romans, en forme de préquelles, « Prélude à Fondation » et « L’aube de Fondation », qui eux, sont chez Pocket. Mais il existe aussi, en occasion, chez Omnibus et France Loisirs, deux gros volumes qui reprennent la vraie intégralité de la série. Problème : ils ne bénéficient pas de la révision de la traduction de Philippe Gindre (et donc du texte intégral). En revanche, ils offrent un paratexte intéressant (de Jacques Goimard, entre autres). J’ai fait mon choix : j’ai tout ! 😀

 

  
FacebooktwitterpinterestmailFacebooktwitterpinterestmail