Dans la forêt, de Jean Hegland

Un peu de nature writing (mais pas seulement…), un peu de Gallmeister avec un roman daté de 1996 en VO mais qui n’est paru en France qu’en 2017. Un post-apo nous décrivant la vie de deux soeurs isolées dans une maison en pleine forêt, voilà le programme du jour.

 

Quatrième de couverture :

Rien n’est plus comme avant : le monde tel qu’on le connaît semble avoir vacillé, plus d’électricité ni d’essence, les trains et les avions ne circulent plus. Des rumeurs courent, les gens fuient. Nell et Eva, dix-sept et dix-huit ans, vivent depuis toujours dans leur maison familiale, au cœur de la forêt. Quand la civilisation s’effondre et que leurs parents disparaissent, elles demeurent seules, bien décidées à survivre. Il leur reste, toujours vivantes, leurs passions de la danse et de la lecture, mais face à l’inconnu, il va falloir apprendre à grandir autrement, à se battre et à faire confiance à la forêt qui les entoure, emplie d’inépuisables richesses.

Considéré comme un véritable choc littéraire aux États-Unis, ce roman sensuel et puissant met en scène deux jeunes femmes qui entraînent le lecteur vers une vie nouvelle.

 

La petite maison dans la forêt

Eva et Nell sont soeurs. La première est une jeune danseuse rêvant d’intégrer le ballet de San Francisco, la deuxième a pour objectif d’entrer à Harvard. Bénéficiant d’une instruction à la maison, par un père enseignant et une mère ancienne danseuse qui s’est réorientée dans l’artisanat, les deux soeurs ont toujours vécu dans la maison familiale, isolée en plein coeur de la forêt californienne. Les évènements du monde les touchent donc peu, jusqu’à ce que leurs objectifs personnels les obligent à se confronter à l’extérieur. Mais c’est alors, peu après le décès de leur mère des suites d’un cancer, que la civilisation s’est effondrée.

Pour qui, pour quoi ? On n’en saura rien, ou bien peu de chose, les informations arrivant au compte-goutte et étant fortement sujettes à caution. Pandémies, guerres, révoltes, un peu de tout ça sans doute. Une apocalypse lente : de coupures (électricité et téléphone) brèves au départ mais de plus en plus nombreuses,  jusqu’à l’arrêt total. Il faut faire des provisions, en attendant un retour à la normale prochainement, inévitablement. Il ne peut pas en être autrement n’est-ce pas ? Pourtant, les choses ne s’améliorent pas. Le courant ne revient pas, les habitations sont désertées, la ville la plus proche est quasiment à l’abandon.

Eva, Nell et leur père font donc le nécessaire pour survivre, dans une certaine illusion auto-entretenue. Stock de nourriture, de médicaments, d’essence, utilisation de l’eau du ruisseau, mise en place d’un potager pour être aussi indépendant que possible. Pendant ce temps, Eva continue à s’entraîner à la danse tandis que Nell étudie une encyclopédie et décrit leur quotidien sur un cahier. C’est elle la narratrice de « Dans la forêt ».

Le roman de Jean Hegland est donc un pur post-apo, mais qui tient plus du nature writing que d’un récit d’action violent à la « Mad Max » (même si la violence y est présente aussi). Ici, il s’agit de (sur)vivre dans la nature, de faire corps avec elle, de profiter de ce qu’elle a offrir. C’est aussi un récit d’apprentissage, le passage à l’âge adulte et la fin de l’innocence se faisant en plusieurs étapes, souvent difficiles : la sidération, la prise de conscience, le deuil, etc… Les scènes que décrit l’autrice à travers sa narratrice sont belles, tragiques parfois (certaines d’entre elles sont d’ailleurs très marquantes et restent en tête un long moment…), avec un côté contemplatif que j’apprécie beaucoup.

Evidemment, tout le roman tourne autour des deux soeurs, des difficultés qu’elles rencontrent, intérieurement et extérieurement, mais aussi dans leur relation. Fusionnelle certes (jusqu’au bout…), mais aussi ombrageuse quand surgissent des évènements propres à modifier leur quotidien (je n’en dis pas plus pour ne pas spoiler), qu’ils soient tragiques, heureux, ou les deux à la fois. C’est cet amour sororal qui les poussera à faire passer leur couple avant tout, avant même leur bienêtre individuel, dans une remarquable communion (spirituelle autant que matérielle) avec la nature.

« Dans la forêt » est donc un beau roman, très bien écrit, plein de jolies descriptions, qui ne ménage pas ses personnages mais qui reste au fond toujours bienveillant et optimiste par delà les difficultés, jusqu’à un final en adéquation avec ce que le récit développe. Un texte remarquable, pas sans défaut certes (quelques menues longueurs ici ou là, mais c’est à peu près tout), mais plein d’espérance et traversé de fulgurances dramatiques qui ne prennent jamais le pas sur sur son optimisme intrinsèque. Tout à tour poétique, tendre, dur, « Dans la forêt » mérite bien d’avoir enfin été traduit, plus de vingt ans après sa parution originale.

 

Lire aussi l’avis de Gromovar, Lune.

 

  
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