Robur le conquérant, de Jules Verne
Quatrième de couverture (tirée de l’édition du Livre de Poche) :
Quel émoi dans Philadelphie ! Dès les premières heures, on savait ce qui s’était passé la veille à la séance du Weldon Institute : l’apparition d’un mystérieux personnage, un certain ingénieur nommé Robur – Robur-le-Conquérant ! -, la lutte qu’il semblait vouloir engager contre les ballonistes, puis sa disparition inexplicable. Mais ce fut une autre affaire lorsque toute la ville apprit que le président et le secrétaire du club avaient, eux aussi, disparu !
C’est à bord de L’Albatros, une prodigieuse machine volante, que nous retrouverons Uncle Prudent et Phil Evans. Enlevés par Robur, ils vont, bien malgré eux, survoler le monde et vivre des aventures inouïes… Mais nos deux farouches ennemis des appareils « plus lourds que l’air » ne s’avouent pas vaincus et feront tout pour s’échapper…
« Robur le conquérant » est un roman prémonitoire où Jules Verne envisage avec une précision et une intelligence remarquables toutes les possibilités futures de l’aviation.
Ballons vs avions
Le Weldon Institute, club très select de Philadelphie réunissant de nombreux notables et autres ingénieurs promouvant les dirigeables comme nouveau moyen de transport par les airs, est dans une situation difficile. Son président, Uncle Prudent, et son secrétaire, Phil Evans, ont en effet disparu alors que le même jour ils ont été provoqués puis insultés par un soit disant ingénieur inconnu, ce dernier arguant que l’avenir n’est pas aux dirigeables « plus légers que l’air » mais aux aéronefs « plus lourds que l’air ». Scandale ! Cet homme ne serait-il pas derrière cette disparition, alors que ces dernières semaines de mystérieuses apparitions inexpliquées ont eu lieu en différents points du monde ?
« Robur le conquérant » peut faire penser à « 20 000 lieues sous les mers », à plus d’un titre. On retrouve en effet des personnages confrontés à un inventeur de génie du genre plutôt taciturne, conscient de la supériorité de son invention, mais dont le but et surtout les moyens pour y parvenir posent problème. Robur, inventeur d’une machine « plus lourde que l’air » mais capable de voler d’une manière bien plus satisfaisante que les dirigeables de l’époque, peut donc être vu comme l’alter ego aérien du Capitaine Nemo. Ses prisonniers, Uncle Prudent et son vallet Frycollin, et Phil Evans, vont donc être forcés, puisque Robur ne semble pas disposé à les libérer, à faire un tour du monde qui les laissera peut-être convaincus de la supériorité des aéronefs sur les dirigeables. A moins que, aveuglés par la colère et le ressentiment, ils ne préfèrent mettre un terme abrupt à cette « aventure »…
On a donc avec ce roman une invention en avance sur son temps (le roman a été publié en 1886, alors que le premier « vol » de l’Eole de Clément Ader a eu lieu en 1890) que Jules Verne va pousser au-delà de ce qui était alors imaginable et encore moins faisable, en prenant ouvertement parti pour cette technologie à l’évidence supérieure à celle des aérostats. Et avec cette invention, l’auteur va emmener le lecteur faire un tour du monde en passant à plus ou moins haute altitude au-dessus de nombreuses régions du monde.
Jules Verne oblige, on a donc droit à de nombreuses, belles et parfois exotiques descriptions de régions alors fort peu connues (l’Asie, l’Afrique, l’Australie, l’Antarctique, etc…), en plus de quelques descriptions techniques de l’Albatros (qui peuvent aujourd’hui prêter à sourire, d’autant que Verne ne décrit pas ou peu ce qui ne l’arrange pas, comme l’énergie permettant à l’Albatros d’avoir une si grande autonomie) et d’un historique de l’aviation. C’est parfois un peu rébarbatif, très descriptif, et même si le voyage est beau et émaillé de quelques incidents ou spectacles inattendus (tempête, aurore boréale, pêche à la baleine, etc…), il faut bien avouer que le roman manque d’envergure et même, chose étonnante chez Verne, d’aventures, si tant est qu’on ne considère pas le voyage lui-même comme une aventure, chose qu’un lecteur à la parution du roman devait forcément voir d’un autre oeil… Et tant qu’à replacer l’oeuvre dans son contexte, signalons également que le traitement réservé aux peuples africains et aux personnes de couleur fait peine à voir. Verne était contre l’esclavage, mais certaines de ses descriptions sont assez choquantes aujourd’hui…
« Robur le conquérant » n’est donc pas un grand roman de Jules Verne, mais il reste une lecture rapide et sympathique, marquée par un côté assez visionnaire de l’auteur quant aux possibilités offertes par une aviation à l’époque plus que balbutiante. Robur fait nettement penser à Nemo, sans en avoir l’envergure, la faute à une histoire personnelle inexistante là où celle de Nemo obligeait le lecteur à réviser son avis sur ce personnage complexe. Robur à donc les habits de Nemo, sans en avoir les épaules et cela joue en défaveur de « Robur le conquérant ». Pour autant, Jules Verne avait du talent, ce n’est pas une découverte, et le roman, avec ses défauts, est bien mené, bien narré, et permet au lecteur de vivre une belle balade aérienne.
Le premier Jules Verne que j’ai lu dans mon enfance. C’est toujours un peu rébarbatif et il ne faut pas hésiter à sauter les paragraphes trop descriptifs/ennuyeux.
C’est vrai qu’il y a quelques passages descriptifs qu’on peut sauter. Mais pas contre, si on ne garde que le côté « aventures », il ne reste plus grand chose. 😀
Et puis il y a aussi un intérêt à voir toutes ces descriptions d’époque : d’une certaine manière, ça nous décrit un monde et ses connaissances d’alors.
Ça dépend en effet des descriptions. Les purement géographiques peuvent être d’un ennui total alors que celles « technologiques » font partie du charme steampunk.
Tout à fait. Heureusement que Jules Verne avait un certain sens de la poésie, ça fait passer la pilule. 😉
Génial! Je ne connaissais pas ce roman-ci. Je lui donnerai une chance si je croise son chemin un jour, même si ce n’est pas son meilleur. Je viens de lire Michel Strogoff, j’ai adoré!
« le traitement réservé aux peuples africains et aux personnes de couleur fait peine à voir » –> Il y a ça aussi dans les Enfants du capitaine Grant, tout ce qui concerne les peuples de Nouvelle-Zélande pique fortement les yeux. Il était visionnaire sur certains points mais pas d’autres…
C’est facile de croiser son chemin : il est disponible dans le domaine public. 😉
Ah oui, « Michel Strogoff » c’est sûrement un bon niveau au-dessus ! Ravi de voir qu’il t’a plu, je le note du coup, même s’il n’est pas loin d’être deux fois plus gros ! 😀
Sa vision des « autres peuples » apparaît malheureusement dans pas mal de romans. Ça pique les yeux, c’est certain…
Bon chez Jules Vernes, je pense que les indispensables ce sont Strogoff, Le Tour du Monde, L’île mystérieuse. Ça doit être le haut du chapeau.
J’avais enthousiasmé étant jeune par « De la Terre à la Lune », « Autour de la Lune » et « Voyage au centre de la Terre ». Mais je ne sais pas quelle part joue la nostalgie dans le souvenir que j’en garde… Et puis aussi, quand même, « 20 000 lieues sous les mers ». Qu’on doit d’ailleurs pouvoir classer dans ses chefs d’oeuvre, non ? Le personnage de Nemo, le Nautilus, les profondeurs marines, l’aventure, etc… 😉
Je l’ai lu à l’époque où j’avalais des Jules Verne par dizaines ! Il est peut-être temps d’y revenir, d’ailleurs…
C’est une bonne idée. 😉
En tout cas, pour une première lecture (car je n’avais pas lu ce roman), je ne le regrette pas même si on n’est pas dans la catégorie des chefs d’oeuvre ici. 😉
J’ai lu il y a peu « L’Histoire de la SF en BD » et j’y ai justement découvert ce roman. Ta chronique tombe à point, ça me permet d’en apprendre plus et de comprendre pourquoi il n’est pas nécessairement dans les plus connus. ^^
Ah, merci de me rappeler que je n’ai toujours pas acheté « L’histoire de la SF en BD », à ma grande honte… Étonnant que ce roman soit cité, ce n’est ni le plus connu ni le meilleur de Jules Verne. Mais en même temps, ça change un peu des romans systématiquement cités. 😉