Robur le conquérant, de Jules Verne

Posted on 26 août 2021
Jules Verne est l’un des auteurs les plus traduits au monde, grâce notamment à son chef d’oeuvre « 20 000 lieues sous les mers ». Mais son oeuvre est loin de se limiter à ce roman, ni même à d’autres récits presque aussi célèbres (« Le tour du monde en 80 jours », « Voyage au centre de la terre », etc…). Ayant récemment obtenu une collection quasi complète de ses fameux « Voyages extraordinaires », j’ai décidé de relire Jules Verne (chose que je n’avais pas fait depuis l’adolescence) en commençant par des textes moins connus. Le choix est vaste (les « Voyages extraordinaires » sont composés de plus de 60 romans…) et j’ai donc opté, de manière quelque peu fortuite, pour « Robur le conquérant ».

 

Quatrième de couverture (tirée de l’édition du Livre de Poche) :

Quel émoi dans Philadelphie ! Dès les premières heures, on savait ce qui s’était passé la veille à la séance du Weldon Institute : l’apparition d’un mystérieux personnage, un certain ingénieur nommé RoburRobur-le-Conquérant ! -, la lutte qu’il semblait vouloir engager contre les ballonistes, puis sa disparition inexplicable. Mais ce fut une autre affaire lorsque toute la ville apprit que le président et le secrétaire du club avaient, eux aussi, disparu !

C’est à bord de L’Albatros, une prodigieuse machine volante, que nous retrouverons Uncle Prudent et Phil Evans. Enlevés par Robur, ils vont, bien malgré eux, survoler le monde et vivre des aventures inouïes… Mais nos deux farouches ennemis des appareils « plus lourds que l’air » ne s’avouent pas vaincus et feront tout pour s’échapper…

« Robur le conquérant » est un roman prémonitoire où Jules Verne envisage avec une précision et une intelligence remarquables toutes les possibilités futures de l’aviation.

 

Ballons vs avions

Le Weldon Institute, club très select de Philadelphie réunissant de nombreux notables et autres ingénieurs promouvant les dirigeables comme nouveau moyen de transport par les airs, est dans une situation difficile. Son président, Uncle Prudent, et son secrétaire, Phil Evans, ont en effet disparu alors que le même jour ils ont été provoqués puis insultés par un soit disant ingénieur inconnu, ce dernier arguant que l’avenir n’est pas aux dirigeables « plus légers que l’air » mais aux aéronefs « plus lourds que l’air ». Scandale ! Cet homme ne serait-il pas derrière cette disparition, alors que ces dernières semaines de mystérieuses apparitions inexpliquées ont eu lieu en différents points du monde ?

« Robur le conquérant » peut faire penser à « 20 000 lieues sous les mers », à plus d’un titre. On retrouve en effet des personnages confrontés à un inventeur de génie du genre plutôt taciturne, conscient de la supériorité de son invention, mais dont le but et surtout les moyens pour y parvenir posent problème. Robur, inventeur d’une machine « plus lourde que l’air » mais capable de voler d’une manière bien plus satisfaisante que les dirigeables de l’époque, peut donc être vu comme l’alter ego aérien du Capitaine Nemo. Ses prisonniers, Uncle Prudent et son vallet Frycollin, et Phil Evans, vont donc être forcés, puisque Robur ne semble pas disposé à les libérer, à faire un tour du monde qui les laissera peut-être convaincus de la supériorité des aéronefs sur les dirigeables. A moins que, aveuglés par la colère et le ressentiment, ils ne préfèrent mettre un terme abrupt à cette « aventure »…

On a donc avec ce roman une invention en avance sur son temps (le roman a été publié en 1886, alors que le premier « vol » de l’Eole de Clément Ader a eu lieu en 1890) que Jules Verne va pousser au-delà de ce qui était alors imaginable et encore moins faisable, en prenant ouvertement parti pour cette technologie à l’évidence supérieure à celle des aérostats. Et avec cette invention, l’auteur va emmener le lecteur faire un tour du monde en passant à plus ou moins haute altitude au-dessus de nombreuses régions du monde.

Jules Verne oblige, on a donc droit à de nombreuses, belles et parfois exotiques descriptions de régions alors fort peu connues (l’Asie, l’Afrique, l’Australie, l’Antarctique, etc…), en plus de quelques descriptions techniques de l’Albatros (qui peuvent aujourd’hui prêter à sourire, d’autant que Verne ne décrit pas ou peu ce qui ne l’arrange pas, comme l’énergie permettant à l’Albatros d’avoir une si grande autonomie) et d’un historique de l’aviation. C’est parfois un peu rébarbatif, très descriptif, et même si le voyage est beau et émaillé de quelques incidents ou spectacles inattendus (tempête, aurore boréale, pêche à la baleine, etc…), il faut bien avouer que le roman manque d’envergure et même, chose étonnante chez Verne, d’aventures, si tant est qu’on ne considère pas le voyage lui-même comme une aventure, chose qu’un lecteur à la parution du roman devait forcément voir d’un autre oeil… Et tant qu’à replacer l’oeuvre dans son contexte, signalons également que le traitement réservé aux peuples africains et aux personnes de couleur fait peine à voir. Verne était contre l’esclavage, mais certaines de ses descriptions sont assez choquantes aujourd’hui…

« Robur le conquérant » n’est donc pas un grand roman de Jules Verne, mais il reste une lecture rapide et sympathique, marquée par un côté assez visionnaire de l’auteur quant aux possibilités offertes par une aviation à l’époque plus que balbutiante. Robur fait nettement penser à Nemo, sans en avoir l’envergure, la faute à une histoire personnelle inexistante là où celle de Nemo obligeait le lecteur à réviser son avis sur ce personnage complexe. Robur à donc les habits de Nemo, sans en avoir les épaules et cela joue en défaveur de « Robur le conquérant ». Pour autant, Jules Verne avait du talent, ce n’est pas une découverte, et le roman, avec ses défauts, est bien mené, bien narré, et permet au lecteur de vivre une belle balade aérienne.

 

  
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