Le Chien du Forgeron, de Camille Leboulanger
Quatrième de couverture :
Approchez, approchez ! Alors que tombe la nuit froide, laissez-moi vous divertir avec l’histoire de Cuchulainn, celui que l’on nomme le Chien du Forgeron ; celui qui s’est rendu dans l’Autre Monde plus de fois qu’on ne peut le compter sur les doigts d’une main, celui qui a repoussé à lui seul l’armée du Connacht et accompli trop d’exploits pour qu’on les dénombre tous.
Certains pensent sans doute déjà tout connaître du Chien, mais l’histoire que je m’apprête à vous narrer n’est pas celle que chantent les bardes. Elle n’est pas celle que l’on se raconte l’hiver au coin du feu. J’en vois parmi vous qui chuchotent, qui hésitent, qui pensent que je cherche à écorner l’image d’un grand homme. Pourtant, vous entendrez ce soir la véritable histoire du Chien. L’histoire derrière la légende. L’homme derrière le mythe.
Approchez, approchez ! Venez écouter le dernier récit d’un homme qui parle trop…
« Il en est ainsi des bonnes histoires : peu importe si l’on connaît leur déroulement ou si l’on devine la fin. Cela ne gâte en rien le plaisir de les entendre ni même celui de les raconter. Une bonne histoire est comme une bonne chanson. C’est un air dont on ne se lasse jamais du refrain. »
Oyez, oyez ! Voici venir l’histoire de Cuchulainn !
Si Cuchulainn n’est pas un héros mythologique très connu en France, il en va tout autrement en Irlande puisqu’il est l’un des personnages les plus importants de la mythologie celtique irlandaise. Il est l’archétype du guerrier à la force surhumaine, qui n’a jamais peur, ne recule devant aucun danger, ne connaît pas la défaite, qui côtoie les plus grands, allant même jusqu’à rencontrer certaines divinités. Un héros mythologique dans toute sa démesure. C’est l’histoire de Cuchulainn que Camille Leboulanger se propose de nous conter dans ce roman, « Le Chien du Forgeron ».
Mais il ne va pas nous le conter de manière classique. Car même si le récit se déroule sans surprise en commençant par situer ses ascendants et le contexte de l’Irlande d’alors (arbitrairement placée durant le premier âge du fer, c’est à dire entre le VIIIe et le VIIe siècle avant J.-C.), avant de s’intéresser à sa naissance (forcément divine) puis sa jeunesse et de continuer avec certains de ses « exploits » pour se diriger ensuite vers son destin, Camille Leboulanger fait le choix d’une sorte de « réalisme », pas total, mais très largement accentué par rapport à la légende telle qu’on la connaît et dans laquelle la magie et les dieux apparaissent nettement plus souvent.
Un choix intéressant qui permet à l’auteur de commencer ainsi son travail de sape sur la démythification, la déconstruction d’un mythe qui a trop souvent tendance à éluder les mauvais côtés d’un héros que l’on voudrait placer sur un piédestal en cachant sous le tapis certains actes moins glorieux. Cela n’est d’ailleurs pas spécifique à Cuchulainn, on pourrait tout aussi bien s’atteler à ce même travail à propos d’autres héros mythologiques pas toujours exemplaires : ainsi, sans vouloir faire de mythologie comparée, Cuchulainn partage quelques points communs avec Achille, Hercule, Ulysse ou bien encore Sigurd/Siegfried, le premier étant qu’ils ont tous une ascendant divine plus ou moins directe, élément quasi indispensable à tout héros mythologique qui se respecte.
Pour entreprendre ce travail de déconstruction, Camille Leboulanger passe par un narrateur qui a côtoyé Cuchulainn et qui semble donc le plus à même de raconter son histoire. Mais le narrateur est-il totalement fiable ? La question est posée, le narrateur n’hésite d’ailleurs pas à aborder le sujet, tout comme il apporte une explication sur la différence entre le Cuchulainn qu’il nous conte et celui que la légende a retenu, c’est ainsi tout un processus de mythification qu’aborde Camille Leboulanger, justifiant à la fois les dires de son narrateur et ce qu’il reste du héros dans la mémoire collective.
Abordant le mythe de Cuchulainn sous un prime résolument actuel, l’auteur peut ainsi, sur une base mythologique et donc ancienne, nous livrer un roman moderne, abordant des problématiques contemporaines, sans éviter les grandes étapes de la vie de Cuchulainn : sa naissance dans des circonstances et un environnement bien particuliers, son entourage, sa jeunesse et son éducation (autant d’éléments auxquels son comportement doit une grande part), ce qui lui a valu son surnom de Chien du Forgeron, ses failles (la ríastrad, très similaire à la fureur des berserkers nordiques) et certains de ses « hauts faits », dont la célèbre « Razzia des vaches de Cooley ». Camille Leboulanger a agrégé de nombreux textes, faits des ajustements, des adaptations, pour obtenir un récit complet, forcément partial mais donnant un point de vue global sur la vie de Cuchulainn, un point de vue osé d’une certaine manière puisque si Cuchulainn est bien le héros du récit, il en a fait un personnage très antipathique mais dont le comportement est explicable, sans pour autant être pardonnable. Un homme porté par sa propre légende (ou plutôt l’image qu’il s’en fait), contraint d’aller toujours plus loin, emporté par le flot de l’Histoire et de son histoire.
La plume de Camille Leboulanger, pour rester fidèle à une culture celtique qui n’a donné que très peu d’écrits, rend l’oralité de son narrateur de superbe manière. Le style de ce « texte dit » est magnifique, et on se prend vite à s’imaginer écouter ce récit au coin d’un feu, en resservant une nouvelle pinte de bière au narrateur pour avoir la suite. Superbe, malin sur le plan narratif, très accrocheur et totalement de circonstance.
Réussite totale donc que ce « Chien du Forgeron ». Abordant un héros mythologique sous un angle original, servi par un style oral parfaitement adapté emportant le lecteur dans le flot de son histoire (une histoire pas aussi parfaite que la légende veut nous le faire croire), très érudit aussi (j’ai consulté Wikipédia à de nombreuses reprises pour obtenir plus d’infos sur les personnages, les lieux et pas mal d’aspects de la mythologie celtique irlandaise, l’occasion également de ressortir un des livres cités par l’auteur dans ses sources bibliographiques) le roman est remarquable. Alors installez-vous confortablement, servez-vous une petite bière irlandaise et laissez-vous emporter dans une époque lointaine, sur les pas de Cuchulainn, le Chien du Forgeron.
Lire aussi l’avis de Célindanaé.
Merci pour le lien.
Ravie que tu aies autant aimé
J’espère que le roman aura le succès qu’il mérite.
De rien ! 😉
Oui j’ai beaucoup aimé, mais la mythologie ça me botte bien alors c’était déjà à moitié gagné. Et avec ce style en plus, franchement c’est top.
J’espère aussi que ça va se vendre, l’auteur le mérite. 😉
L’oralité me parle et me tente particulièrement. Si on n’a pas de bière irlandaise sous la main, on peut quand même le lire hein ?
Ah, allez je te pardonne, une bière d’une autre origine fera aussi l’affaire. 😀 Bonne lecture ! 😉
Intéressant, faudra peut-être que je me penche dessus ^^
Je pense que tu trouverais de bien belles choses. 😉
Bon ben je suis convaincue, y a plus qu’à le faire entrer en PAL !
Oui oui, il faut, c’est un excellent roman, tu m’en diras des nouvelles ! 😉
Ca a l’air intéressant… mais je ne sais pas si c’est pour moi !
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