La fontaine des âges, de Nancy Kress

Posted on 14 mai 2021
Nancy Kress, malgré tout son talent de nouvelliste (pour s’en convaincre, il faut lire le recueil « Danses aériennes » ou bien la superbe novella « L’une rêve, l’autre pas »), semble avoir du mal à toucher le lectorat en France comme elle le devrait. Heureusement, les éditions du Bélial’ continuent de soutenir l’autrice comme le montre l’arrivée de « La fontaine des âges », novella qui parait en « Une heure-lumière », son deuxième texte dans cette collection après « Le nexus du Docteur Erdmann ».

 

Quatrième de couverture :

Max Feder est riche. Immensément. Une fortune aux origines troubles, mais après tout, qu’importe ? Car Max Feder va mourir. Et dans ses vieux jours, ses derniers mois, le plus précieux de ses trésors se résume à une bague et ce qu’elle contient, le symbole d’un amour aussi ancien qu’absolu. Éternel, littéralement, puisque l’objet de son amour perdu ne peut pas mourir… Or il semble bien que pour Max Feder, au crépuscule d’une vie tumultueuse, le temps soit venu d’entreprendre un ultime voyage, celui de toutes les remises en question, de tous les possibles…

 

Une bague qui allume la mèche (de cheveux)

Max Feder est un riche malfrat. Vieux, à la retraite (c’est son fils Geoffrey qui gère les affaires de sa société, en les « assainissant » aux yeux de la loi), pas loin de la fin de sa vie, mais un malfrat quand même, et extrêmement riche. Il a largement les moyens de s’offrir le traitement D, révolution de bio-ingénierie qui n’a certes pas tenu toutes ses promesses mais permet tout de même de s’offrir 20 ans de vie supplémentaire sans vieillir un jour de plus. Pourtant, Max Feder a décidé de finir ses jours à l’institut Silver Star. La visite de son fils et de ses petits enfants turbulents va pourtant tout changer, suite à un malheureux incident qui le voit perdre l’un des objets auquel il tenait le plus : une bague dans laquelle sont insérés une mèche de cheveux et une empreinte de lèvres sur un morceau de papier…

Fidèle à ses habitudes, Nancy Kress met en place une révolution de bio-ingénierie qui permet ni plus ni moins que d’arrêter le vieillissement. Évidemment réservé aux personnes les plus riches, c’est malgré tout une vrai avancée scientifique, à même de bouleverser la société et les mœurs de ceux qui y ont accès. Mais plutôt que de s’attarder sur cet élément qui sert à la fois de cadre et de moteur du récit, l’autrice s’intéresse plus particulièrement au parcours de Max Feder, petit malfrat devenu riche, qui n’a jamais oublié un amour de jeunesse, a mené une vie personnelle triste à ses yeux malgré une femme et un enfant (qu’il dénigre régulièrement), et a fait fructifié des affaires dont il n’est pas vraiment responsable, du moins pas au début.

La perte de sa bague lui redonne une nouvelle raison de vivre, ou à tout le moins un dernier effort à faire pour retrouver celle qu’il aime, son souvenir, d’une manière ou d’une autre. Et c’est donc le parcours de ce escroc (gangster ? Mafieux ? Les choses ne sont pas très claires mais ne sont sans doute pas belles à voir…) en bout de course que nous donne à voir Nancy Kress, au temps présent alterné avec de nombreux flashbacks sur sa vie d’avant, en commençant par sa rencontre avec Daria, une jeune prostituée avec qui il eut le coup de foudre alors qu’il était jeune militaire. Des flashbacks qui, en plus d’éclairer la vie passée de Max Feder, l’origine de sa richesse, ses rencontres, etc, permettent également de mieux cerner certaines grandes étapes de la société développée par Nancy Kress, notamment en rapport avec ce fameux « traitement D » révolutionnaire.

Bien mené sur la forme, le fond peine quelque peu à vraiment embarquer le lecteur, qui ne sait trop quoi penser de cet homme vraisemblablement infréquentable mais qui a pourtant un petit côté… attendrissant ? Il est amusant de constater qu’après « Le nexus du Docteur Erdmann », Nancy Kress se penche à nouveau sur le troisième âge, d’une manière toutefois très différente. On saluera la manière qu’elle a d’aborder la vie de Max Feder, sur un ton nostalgie voire parfois mélancolique,  des sentiments que Max Feder tente de masquer sous une grosse couche d’aigreur et d’assurance de soi. A ce titre, la fin du texte est réussie, entre désillusion et bonté d’âme, voire de repentance.

Peut-être pas le meilleur des textes parus en « Une heure-lumière », mais « La fontaine des âges » a largement le standing pour y figurer dignement. Et c’est surtout une nouvelle preuve que Nancy Kress est une autrice qui compte sur le format novella. J’espère bien qu’on n’en restera pas là.

 

Lire aussi l’avis de Célindanaé, Feyd-Rautha, Le Chroniqueur, Soleil Vert, Angua, Laird Fumble, Yogo, Anne-Laure

Critique écrite dans le cadre du challenge « #ProjetOmbre » de OmbreBones.

 

  
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