Neuromancien, de William Gibson
Quatrième de couverture :
Case est le meilleur cow-boy des interfaces, un hacker lâché sur les autoroutes du cyberespace, le seul qui ait jamais traversé la matrice avant de rencontrer les mauvaises personnes au mauvais moment…
Première grande dystopie sociale aux côtés du « Blade Runner » de Philip K. Dick, un chef d’oeuvre prémonitoire, fondateur de la SF moderne.
Là où tout commence et où tout finit ?
Roman culte, « Neuromancien », devenu difficile à trouver neuf en librairie ces derniers mois, bénéficie enfin d’une nouvelle traduction. Oui, enfin. Car pour culte qu’il soit, un statut d’ailleurs bien mérité pour une oeuvre considérée comme fondatrice du mouvement cyberpunk, mouvement qui, s’il n’a pas été strictement inventé par « Neuromancien » (on pourrait citer « Sur l’onde de choc » de John Brunner, écrit presque 10 ans auparavant), doit à son auteur, William Gibson, d’avoir su sentir l’air du temps et d’avoir amalgamé toutes sortes de tendances et de détails propres à propulser sur le devant de la scène un genre qui ne demandait qu’à émerger, le roman souffrait malgré tout d’une traduction poussive et datée qui n’en facilitait pas la lecture.
Il s’agit d’ailleurs pour moi d’une relecture, sur laquelle je suis allé à tâtons tant je me souviens avoir pas mal galéré sur la première traduction de Jean Bonnefoy, célèbre malgré tout pour son fameux incipit (dont la célébrité doit bien sûr beaucoup plus à William Gibson lui-même, mais sa traduction a marqué la SF en France) :
C’est Laurent Queyssi qui s’est chargé de la délicate tâche de la retraduction. Et si on pourra être circonspect devant le nouvel incipit (plus parce que c’est une sorte de rupture sur une phrase à laquelle tout lecteur de SF s’était plus ou moins habitué qu’à cause d’un problème qualitatif) :
… On sera ensuite rapidement rassuré. Certes, le premier contact avec cette nouvelle traduction n’avait pas été très rassurant il y a quelques mois (un extrait proposé hors contexte dans le Bifrost 96 consacré justement à William Gibson), mais en reprenant depuis le début le roman de Gibson se retrouve enfin paré d’atours autrement plus séduisants que ce que proposait Jean Bonnefoy. Finies les tournures de phrase et les expressions datées, finie la francisation à tout prix de noms propres (qui ne « claquaient » pas vraiment) dans un monde globalisé (excepté pour Neuromancien bien sûr mais il était difficile de faire autrement, pour le reste Muetdhiver devient Wintermute, Lumierrante devient Straylight, Trait Plat reste francisé mais devient plus subtilement Tracé Plat, etc…), et pour avoir comparé quelques morceaux de l’ancienne et de la nouvelle traduction, il n’y a pas photo. L’effet est radical : le roman devient plus clair, tout simplement plus compréhensible, et ce qui est bien plus qu’un simple coup de polish lui redonne une vraie modernité.
C’est d’ailleurs un vrai tout de force pour un roman directement lié à son époque (1984 pour la VO), extrapolant sur l’avenir de l’informatique et le devenir d’une société laissée en pâture à un capitalisme dévorant tout sur son passage. Le cyberpunk a émergé avec « Neuromancien » (puisque tout y est ou presque : des megacorporations, des villes tentaculaires éclairées au néon, des gangs, des drogues, des implants cybernétiques, des intelligences artificielles aux motivations obscures voire incompréhensibles pour les êtres humains, des consciences numériques, la singularité technologique, la fameuse matrice, etc…) et il est vrai qu’à la lecture on peut avoir la sensation que le mouvement est né avec ce roman et qu’il a également cessé de vivre avec lui. L’alpha et l’oméga en quelque sorte, une époque et un genre défunts (ce n’est sans doute pas tout à fait vrai pour le mouvement cyberpunk qui a, au moins un peu, évolué mais qui reste malgré tout très marqué par toute l’imagerie véhiculée par le roman de Gibson).
On discerne également plus nettement les références ou emprunts que lui ont fait de nombreuses oeuvres postérieures, tel dernièrement « Void star » de Zachary Mason ou bien, plus anciennes mais plus connues, « Ghost in the shell » (Masamune Shirow pour le manga, Mamoru Oshii pour le (chef d’oeuvre !) film d’animation) ou « Matrix » des soeurs Wachowski (pour la matrice bien sûr mais aussi pour plein d’autres choses dont une Trinity qui semble être le portrait craché de Molly Millions). Sans « Neuromancien », rien de tout ça.
Alors bien sûr, Bonnefoy ou Queyssi, il n’est pas question de nier l’importance du roman dans l’histoire de la SF, mais à l’évidence la version Queyssi apporte un vrai plus qui permet enfin au roman d’être abordé par un lecteur actuel sans se faire des noeuds au cerveau ou soupirer devant une langue française qui ne correspondait pas vraiment (ou qui ne correspond plus, de nos jours) à l’univers assez radical dépeint par Gibson. « Neuromancien » redevient donc un roman à conseiller, un roman agréable, un roman qu’il faut avoir lu. C’est un nouveau « Neuromancien », tout simplement, un incontournable qui devient encore plus incontournable, par ailleurs sublimé par la superbe couverture signée Josan Gonzalez.
Et quand on sait que cette nouvelle traduction, sous l’égide des éditions Au Diable Vauvert, n’est que le début d’un renouveau de l’oeuvre (retraduite) de William Gibson en librairie, me voilà maintenant très impatient de découvrir les autres textes de l’auteur, ceux que j’ai lus (comme « Gravé sur chrome » qui ne m’avait qu’à moitié convaincu, dans une traduction de… Jean Bonnefoy, tiens donc !) comme ceux que je n’ai pas encore lus. Les années qui viennent seront cyberpunks ou ne seront pas !
Ma lecture de la première traduction fut un ennuie profond ^^
Je ne suis pas sûr de lui redonner sa chance. Je verrais à l’occasion d’un autre roman retraduit peut-être 🙂
Moi aussi, à tel point que sans renier l’importance de ce roman dans l’émergence d’un nouveau mouvement en SF, j’étais loin de lui trouver de grandes qualités autre qu’un contexte original. Mais sur le plan narratif, c’était très poussif.
Avec cette nouvelle traduction, j’ai trouvé le roman vraiment transfiguré. Et je me réjouis de voir la suite des textes de Gibson réhabilités de la même manière.
C’est tentant mais j’ai peur de trouver cela un peu trop daté ?
Je vais attendre d’autres retours pour voir ce qu’il en ressort.
Le cyberpunk des années 80, c’est forcément daté, niveau informatique notamment. On est dans un mouvement hyper ancré dans les années 80 alors forcément ça se ressent.
Mais perso je suis un grand amateur de ce mouvement et de cette esthétique : la matrice, les hackers, les IA qui agissent sur le réseau, les GLACE (ICE en vo pour Intrusion Countermeasures Electronics, en français Générateur de Logiciel Anti-intrusion par Contremesures Electroniques), les brise-GLACE (ICE breaker en vo), il y a toute une imagerie très forte autour de ça, typique des années 80-90 donc et qui, de mon côté, en appelle à une certaine nostalgie d’une époque durant laquelle j’ai connu des jeux de rôles cyberpunk qui me vendaient du rêve, j’ai par exemple le souvenir d’un numéro spécial de Casus Belli avec un univers cyberpunk tout fait et prêt à jouer que j’ai du lire et relire des dizaines de fois).
Pour quelqu’un qui n’est pas client de ce genre de choses, le ressenti serait sans doute différent.
Merci pour ces petites infos supplémentaires. Du coup ca me refroidit un peu !
Il ne faut pas, ça reste un excellent roman, surtout avec cette nouvelle traduction. 😉
Ha je t’avoue que malgrés tout je suis assez client de ces univers, j’ai adoré les réçent rpg tour par tour Shadowrun d’ailleurs qui sont vraiment super réussis dans le genre je trouve 🙂
Et j’avais beaucoup aimé Deus Ex Human Revolution.
Oui, d’accord avec toi sur ces jeux, auxquels je n’ai malheureusement pas assez joué mais que j’ai malgré tout beaucoup appréciés du peu que j’ai essayé. J’ai d’ailleurs vaguement dans l’idée de m’y remettre un jour. Oui, un jour… 😀
D’ailleurs, dans le même genre d’univers, au tour par tour, je te recommande très fortement Invisible Inc. (sorti en 2015), excellent. 😉
Pas trop d’avis sur tout ça, vu que jene connais pas l’œuvre, mais c’est vraiment terrible: les traductions, ça vieillit plus vite que les originaux…
As-tu écouté l’émission de C’est plus que de la SF qui y est consacrée? C’est justement le traducteur qui intervient.
Il y a de ça, mais pour légèrement corriger ton propos je dirais que certaines traductions vieillissent plus vite que d’autres… 😉
Et celle de Jean Bonnefoy pour Neuromancien, si je n’irais pas jusqu’à dire qu’elle était déjà dépassée lorsqu’elle est parue, me paraît être une de celles qui avait le plus de mal à passer si j’en juge au nombre de personnes qui affirment avoir beaucoup peiné sur, voire carrément abandonner, la lecture du roman.
Oui j’ai écouté le podcast de « C’est plus que de la SF », très intéressant. Il y a aussi une émission récente de « La méthode scientifique » sur France Culture qui s’intéresse au moins en partie, à la SF « punk ». 😉
« Je dirais que certaines traductions vieillissent plus vite que d’autres » –> En effet
C’est toujours un sujet délicat les nouvelles traductions – et c’est vrai que ça change pas mal sur l’incipit – mais c’est vraiment bien si ça apporte un véritable plus par rapport à l’ancienne – et plus de fidélité vis-à-vis de l’original j’imagine ? Pas sûr de le lire pour autant, mais si ça arrive je note bien de me tourner vers cette version. ^^
Je n’ai pas comparé au texte original, juste regardé ici ou là les différences par rapport à la première traduction, et les changements sont vraiment pour le mieux.
Mais si j’en crois Marion Mazauric, la boss des éditions Au Diable Vauvert, Jacques Sadoul, le fameux grand éditeur et anthologiste de SF français, lui aurait dit un jour à propos de la traduction de Jean Bonnefoy : « Mademoiselle Mazauric, cette traduction est sans doute très belle, mais elle n’a qu’un lointain rapport avec le texte original ».
On peut donc espérer ici quelque chose de plus proche de la VO, sans que je puisse te l’affirmer.
C’est chouette en tout cas qu’une nouvelle traduction soit donnée à ce roman. Pas encore décidé si je le lirais ou pas, mais je note bien d’aller vers la nouvelle traduction ^^
Si ce roman tu lis, te tourner vers cette nouvelle traduction tu dois. 😉
Je m’étais un peu cassé les dents sur la première trad. J’ai projet de le relire aussi (Quand? Seule la PàL le sait), donc je suis contente que cette nouvelle trad semble apporter plus de lisibilité au mahcin.
Oui, comme beaucoup de lecteurs apparemment, dont moi.
J’espère que verras le roman autrement avec cette nouvelle trad’. 😉
Jamais réussi à finir le bouquin (j’hésite à dire que j’ai jamais réussi à le commencer) et Monsieur qui l’a lu en entier l’a trouvé ennuyeux. Ceci dit si la nouvelle traduction le rend plus accessible, qui sait, un jour…
Comme beaucoup visiblement.
Mais oui, je te confirme, même si ça mériterait une vraie lecture comparée, cette nouvelle traduction fait presque de « Neuromancien » un nouveau roman, autrement plus agréable que l’ancien. Ca mérite une seconde chance, si tant est que lire du cyberpunk des années 80 ne t’effraie pas. 😀
Globalement cette nouvelle trad est très réussie. Toutefois, je lui trouve un peu moins de « poésie » par endroit. La Cornub a disparu, trait plat devenu tracé… C’est un peu dommage.
Il y a même un passage dont le sens change beaucoup. Après j’avoue, j’ai poncé la trad d’origine étant ado.
Merci pour la review.
Moins de poésie oui, et ça se remarque dès l’incipit. 😉
Ceci dit, elle apporte un bénéfice tellement important sur le confort de lecture… Conurb ne me manque pas spécialement, quant à tracé plat je trouve ça plus marquant, plus parlant que trait plat, et plus en lien direct avec la signification et l’origine de « flat-line » en VO. Ce n’est que mon avis bien sûr, mais le roman y gagne tellement avec cette nouvelle traduction que l’ancienne est déjà aux oubliettes pour moi. Sauf pour l’incipit. Mais on ne peut pas tout avoir… 😉
Tu pourrais m’indiquer le passage dont le sens est changé ? Histoire de comparer…
Merci à toi pour ton commentaire. 😉
La première VF frisait l’illisibilité. Était ce le roman ou la traduction de Jean Bonnefoy ?
Cette nouvelle version est bien tentante.
D’après moi et au vu cette nouvelle traduction, l’illisibilité venait plutôt de la traduction (l’ancienne).
Mais ce n’est plus le cas maintenant ! 😉
J’ai adoré la première version. Et je lirai celle ci, sans aucun doute. Il y a peu de livres de SF de ce calibre.
Ah c’est sûr qu’on ne lit pas des romans aussi fondamentaux tous les jours. Celui-ci a carrément réorienté tout un pan de la SF.
Je n’avais que très moyennement apprécié la première traduction, la nouvelle est en revanche une vraie merveille, à quelques menus détails près.
Bonne (re)lecture donc ! 😉
[…] Vous pouvez également consulter les chroniques de Lorkhan […]