Les flammes de l’Empire, L’Interdépendance tome 2, de John Scalzi

Posted on 26 mai 2020
Comment, après l’enthousiasmante lecture du tome 1 de la série « L’Interdépendance » de John Scalzi, ne pas lire la suite ? Problème : le confinement. J’avais acheté le tome 1 en papier, avec l’intention de continuer la série sur ce même support. Une généreuse amie qui se reconnaîtra m’a donc fait cadeau de la version numérique pour me permettre d’assouvir mes pulsions de lecteur scalziesque en manque, en attendant d’assouvir mes pulsions de collectionneur de séries littéraires en version papier. 😀

 

Quatrième de couverture :

C’était donc vrai : un premier courant du Flux vient de s’effondrer ; d’autres suivront.
Ces couloirs de voyage interstellaire qui irriguent l’Interdépendance, l’empire de l’humanité, sont appelés à disparaître l’un après l’autre, entraînant la sclérose et la mort des colonies humaines isolées, privées de ressources.

Passe qu’il reste des sceptiques pour ergoter, mais les dignitaires aux dents longues des grandes maisons commerciales trouvent là encore matière à comploter, et ce ne sont ni l’assassinat ni la guerre civile qui les arrêteront dans leur soif de pouvoir.

Dans ce contexte, la jeune emperox Griselda II paraît bien vulnérable. Qui est l’ami, qui l’ennemi ?

Mais à Machiavel Machiavel et demie…

Au demeurant, il y a une lueur dans le tunnel : des courants du Flux fermés depuis longtemps commenceraient à réapparaître.
Une expédition s’impose qui pourrait valoir aux hardis aventuriers de stupéfiantes révélations sur l’histoire de l’humanité dans les étoiles avant l’Interdépendance.

Le premier roman de « L’Interdépendance », L’Effondrement de l’empire, a reçu en 2018 le prix Locus de meilleur roman de science-fiction et a été finaliste du prix Hugo.

 

L’Interdépendance va de mal Empire ?

Je préfère le signaler tout de suite, s’agissant d’un tome 2, il va m’être difficile d’en parler sans rien dévoiler du premier volume. Soyez donc prévenus, lecteurs qui n’êtes pas encore entrés dans cette série de John Scalzi (« L’Interdépendance ») : commencez par lire ma critique du tome 1 avant d’éventuellement aller voir la conclusion de l’article ici présent. Pour le reste, je vous aurais prévenu… 😉

Ainsi donc, on l’a appris à la fin du premier volume, Marce Claremont (et son père resté sur la planète du Bout) avait raison : le Flux est en train de s’écrouler, la voie menant du Bout au Central a déjà disparu. Le frère de la traîtresse Nadashe Nohamapetan, Ghreni, en profite d’ailleurs (même si son plan n’était pas celui qu’il avait prévu au départ puisque sa vision de ce qu’allait devenir le Flux était largement erronée) pour faire un blocus sur la grève d’arrivée à la planète. Cette dernière étant en effet la seule habitable de l’Interdépendance sans aménagement particulier, c’est l’occasion pour lui de prendre le contrôle d’un astre appelé, peut-être, a passé du statut de trou du c… du monde connu à celui de capitale d’un nouvel Empire. Nadashe Nohamapetan est quant à elle en prison, suite à ses multiples machinations et autres tentatives de meurtre sur l’Emperox Griselda II elle-même.

Il n’empêche que tout ce petit monde, malgré le relatif coup d’arrêt apporté aux intrigues d’arrière-cour à la fin du tome 1, va tout de même devoir faire avec ce Flux qui risque de mettre à mal les nombreux habitats dispersés de l’Interdépendance qui comptent les uns sur les autres, économiquement, commercialement, technologiquement, pour survivre en des lieux qui ne sont pas faits pour accueillir l’espèce humaine. Il faut donc réagir, s’adapter, changer de stratégie. Et à l’échelle d’un Empire (dans lequel l’Emperox n’est pas tout puissant, il y a d’autres organes politiques qui ont leur importance), cela implique d’avoir l’aval et le support de nombreux décisionnaires pas forcément faciles à convaincre. La disparition du Flux mettrait en effet à mal leur petit (ou moins petit) monopole sur différents produits qui leur apportent richesse et aisance. Remettre en cause leurs privilèges n’est pas ce qu’ils avaient imaginé pour les années suivantes.

Et donc, rebelote, ça va intriguer, manigancer, discuter à tout va. Car pour tenter d’infléchir l’opinion, voilà que Griselda II se targue d’avoir eu des visions mystiques sur l’avenir de l’Empire, à l’instar de la première Emperox et fondatrice de l’Interdépendance ! Mais que pourrait donc en penser la religion majoritaire de l’Empire, l’Eglise de l’Interdépendance, elle qui pourrait se voir court-circuiter par une Emperox qui, au départ, aurait pourtant dû être facilement manipulable ?

S’en suit donc de multiples plans qui se mettent en branle, chacun tentant de s’en sortir au mieux sans bien sûr penser à la majorité. Tirer son épingle du jeu semble être la principale priorité de tous ces puissants. Tous sauf une : l’Emperox Griselda II elle-même, la générosité et l’altruisme faite femme (dénuée par ailleurs de tout naïveté). Oui, elle n’était pas destinée à être Emperox et n’avait donc pas prévu cette charge difficile à assumer, mais elle va apprendre à endosser le costume et à prendre les décisions qui s’imposent, quitte à sortir de ce « personnage féminin idéal » qu’elle aurait pu incarner. Elle pourra pour cela compter sur ses alliés, Kiva Lagos, toujours la langue bien pendue et avides d’expériences sexuelles débridées, et Marce Claremont qui, lui aussi, va devoir lutter pour imposer sa science auprès de scientifiques bien installés qui voient d’un mauvais oeil l’arrivée de ce jeune homme sorti du fin fond de l’univers avec une théorie que personne d’autre n’avait imaginé.

Ces luttes politiques et scientifiques entre sceptiques et convaincus fait bien évidemment penser aux joutes verbales, diplomatiques et scientifiques, concernant le réchauffement climatique, avec en filigrane les conséquences que cela pourrait avoir sur les mouvements migratoires. Il est également bien difficile, même si le roman a été écrit avant, de ne pas faire le parallèle avec la pandémie due au Covid-19, et ces politiques qui ne veulent pas y croire jusqu’à ce que les conséquences de leur immobilisme leur reviennent dans la figure.

Et comme nous sommes dans un roman de John Scalzi, « Les flammes de l’Empire » est un texte écrit de manière très légère, à la fois drôle, très rythmé, et bien plus malin qu’il n’y paraît. C’est vraiment enthousiasmant et absolument impossible à lâcher. On voit bien malgré tout que ce deuxième volume d’une trilogie est un tome de transition (certaines intrigues et/ou personnages avancent peu, notamment tout ce que tourne autour de Griselda II qui ressemble plutôt à une vaste mise en place avant le feu d’artifice du dernier tome, à la dernière partie près et ses retournements de situations assez jouissifs qui lancent le dernier volume de la série), mais absolument aucun ennui grâce au talent de l’auteur qui passe allègrement d’un long et passionnant développement sur le passé et l’origine de l’Interdépendance (un peu didactique malgré tout…) au sombre avenir (sur plusieurs millénaires) d’un vaisseau coincé dans un Flux qui se désagrège…

C’est toujours intéressant, faussement léger, et le roman prend qui plus est quelques nouvelles directions diablement intrigantes qui ont le mérite de développer un univers riche de nombreux mystères que ne manquera pas de nous dévoiler John Scalzi dans le tome 3.

Ce style très scalzien, à la fois léger et intelligent, semble être à la fois sa meilleure qualité (cela rend ses romans très accessibles) et son pire handicap. John Scalzi, ce n’est pas « frontalement » intello, ni vraiment hard-SF, ni SF engagée socialement et politiquement de manière évidente, ni SF jouant sur les genres comme c’est à la mode en ce moment (mais c’est pourtant là, même si pas de manière affichée, car « Les enfermés » représentent pour moi ce qui s’est fait de mieux ses dernières années sur les questions de genre, même si cela reste très discret). Pourtant il y a un peu de tout ça, couvert d’un vernis pop et fun qui lui garantit un certain succès (voire même un succès certain, Scalzi est l’un des auteurs SF les plus bankables au US) mais qui pourrait le desservir auprès des « élites » (avec tous les guillemets qui s’imposent), quelles qu’elles soient, car oui John Scalzi c’est aussi du roman populaire.

En tout cas, « Les flammes de l’Empire » confirme tout le bien que l’on pouvait penser du premier volume de « L’Interdépendance ». Malin, entraînant, doté de personnages intéressants, tout à fait actuel dans le propos avec des séquences qui font régulièrement écho à notre monde et notre société, le roman est pétri de qualités. Il a aussi quelques défauts (celui du tome de transition que l’on retrouve souvent dans les trilogies, et certaines facilités comme ces scientifiques capables de pondre des théories à même de renverser la vision de tout un univers chacun dans leur coin…), mais que John Scalzi parvient toujours à contrebalancer pour que jamais le lecteur ne s’ennuie. C’est très efficace et réellement prenant. Sa seule véritable faiblesse pourrait finalement être sa longueur : c’est trop couuuurt. Quoiqu’au vu des romans à rallonge qu’on nous sert bien trop souvent, un roman de 300 pages a aussi son charme (mais alors, on aurait pu avoir la trilogie complète en un seul roman de 1000 pages ? 😀 ). Mais du coup, l’attente du troisième et dernier tome va être trèèèèèèèèèèèès longue…

 

Lire aussi les avis de Gromovar, Anudar, Feyd Rautha, Célindanaé, Lutin82, Yogo, Ombre Bones, Stéphanie Chaptal.

 

  
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