Les sept morts d’Evelyn Hardcastle, de Stuart Turton
Quatrième de couverture :
Mixez Agatha Christie, « Downton Abbey » et « Un jour sans fin »… voilà le roman le plus divertissant de l’année. Lauréat du prestigieux Costa Award, le premier roman de Stuart Turton est à la fois un formidable jeu de l’esprit et un régal de lecture.
Ce soir à 11 heures, Evelyn Hardcastle va être assassinée. Qui, dans cette luxueuse demeure anglaise, a intérêt à la tuer ? Aiden Bishop a quelques heures pour trouver l’identité de l’assassin et empêcher le meurtre. Tant qu’il n’est pas parvenu à ses fins, il est condamné à revivre sans cesse la même journée. Celle de la mort d’Evelyn Hardcastle.
Prêt pour un plaisir de lecture comme vous n’en avez pas connu depuis longtemps ? Plongez dans ce labyrinthe des délices. Chaque personnage, chaque recoin obscur de la maison cache un mystère. Chaque page ou presque offre un rebondissement inattendu. Et il y a 500 pages.
Un Cluedo sans fin
Difficile de ne pas penser au célèbre jeu de société quand on se met en tête le contexte du roman : une aristocratie britannique qui se regroupe dans une vaste propriété constituée d’un manoir et de ses dépendances, des personnages qui ont tous quelque chose à cacher, et un meurtre à élucider. D’ailleurs, la couverture s’en inspire plus qu’ouvertement dans ce parcours relevant du jeu de l’oie illustré par différents indices importants dans l’intrigue du roman (mais il manque le chandelier du colonel Moutarde…). De même, les rabats et la deuxième de couverture reprennent la liste des invités et le plan de Blackheath House (et là on est vraiment sur le plateau de jeu du Cluedo).
Mais comme le dit la quatrième de couverture, le roman va un peu plus lojn qu’un simple Cluedo, car il y a un élément fantastique avec ce « Jour sans fin » que le protagoniste principal est condamné à revivre à de multiples reprises, une boucle temporelle dont il ne pourra s’extirper que s’il parvient à élucider un meurtre qui va avoir lieu. Il faut ajouter à cela le fait que notre enquêteur (et le lecteur avec lui) se retrouve in media res au début du roman, tout en ayant perdu la mémoire sur qui il est et ce qu’il fait là. Il va donc avant tout devoir tenter d’y comprendre quelque chose dans ce qui s’apparente à un joli panier de crabes. Autre élément important : il s’avère que l’enquêteur (Aiden Bishop) n’est jamais vraiment lui-même puisqu’il se réveille chaque jour dans la peau d’un hôte différent.
Voilà qui fait beaucoup d’inconnues pour une équation qui semble totalement insoluble. Bien évidemment, il va finir par parvenir à y voir plus clair (et le lecteur avec lui là encore) au fur et à mesure des nouvelles journées et des nouveaux hôtes qui vont lui permettre de multiplier les points de vue et de jouer avec la chronologie de la journée (pour faire passer des messages à ses hôtes futurs, contrer ou anticiper les actes de certains autres, etc…).
Il faut être honnête : la complexité de l’intrigue, ou plutôt sa construction, est remarquable. Roman choral d’une certaine manière (chaque hôte est différent et son caractère influe sur les actes et les pensées de Aiden Bishop) mais malgré tout centré sur l’enquêteur puisqu’il se cache dans la peau de chaque hôte, « Les sept morts d’Evelyn Hardcastle » dévoile très progressivement le jeu trouble de cette aristocratie qui n’est jamais ce qu’elle voudrait sembler être. Couplé avec le jeu sur les boucles temporelles et les multiples entrelacements des actes de chaque personnage et des conséquences de ceux-ci sur les uns et les autres, ça nous donne un truc à la fois un peu fou et apparemment tout à fait cohérent. Quand on sait que ce roman est le premier de son auteur, ça force le respect et j’avoue que j’aimerais bien voir si Stuart Turton a fait un « plan » avant d’écrire ce livre, parce que franchement ça doit être quelque chose !
Et du coup, c’est vrai que tout ça est assez passionnant. Mystérieux bien sûr, surtout, et on a évidemment très envie d’avoir le fin mot de cette histoire. Et puis, j’avoue, j’ai commencé à peiner un peu. Les intrigues en huis clos de ce style là, c’est vrai que quand c’est bien mené c’est passionnant, mais il ne faut pas non plus que ça s’éternise trop, le huis clos ayant aussi ses limites. Et, pour moi, ces limites se situent sous la barre des 550 pages de ce roman. Oui, c’est un peu long quand même. Par ailleurs, Stuart Turton utilise quelques « trucs » qui lui permettent d’entretenir le suspense de manière un peu artificielle (quand un élément important est identifié par Bishop mais que celui-ci n’en fait pas mention avant d’en reparler au moment opportun à un autre personnage) et qui, surtout, empêchent le lecteur de pouvoir réfléchir « à armes égales » en même temps que Bishop puisqu’il n’a pas toutes les clés pour ça. Pour ceux qui ont lu le roman, je pense notamment
Saluons tout de même la maestria avec laquelle ce roman est mené, savourons cette enquête aux innombrables rebondissements (que l’on pourra relire pour tenter de trouver une faille dans la construction, à ce titre je regrette un peu que les chapitres ou même le texte ne mentionnent pas l’heure de l’action un peu plus explicitement puisque c’est là que se situe toute la subtilité de la chronologie de l’intrigue) et à la conclusion satisfaisante même si la résolution du côté fantastique ne soulèvera pas les foules et, sans faire abstraction des quelques défauts qui, personnellement, m’empêcheront d’encenser ce roman au-delà du raisonnable, reconnaissons que cette intrigue est à nulle autre pareille. C’est remarquable par certains côtés, moins enthousiasmant par d’autres, mais le public semble conquis, et ça, quoi qu’on en dise, Stuart Turton le mérite totalement.
Lire aussi les avis de Gromovar, Lune, Tigger Lilly, Yogo, Célindanaé, Feyd-Rautha, Baroona, Artemus Dada, Touchez mon blog monseigneur, Yuyine, Mr K, et plein plein d’autres…
Critique écrite dans le cadre du challenge « Défi Cortex » de Lune (catégorie « Dans une dimension parallèle ou une timeline divergente »).
C’est juste excellent du début à la fin, exceptionnel dans sa construction, l’histoire est palpitante. L’un des meilleurs livres de ces dernières années.
Tu auras constaté que personnellement j’y ai vu quelques défauts qui m’ont dérangé et m’empêchent de porter le roman aux nues, même si j’ai quand même pris du plaisir à lire le roman.
En revanche, je salue la maîtrise de l’auteur pour avoir réussi à tenir une intrigue aussi tortueuse ! 😀
Une excellente lecture très divertissante, chouette ambiance, chouette suspens.
Voui, aux quelques réserves près que je suis à peu près le seul à soulever. 😀
Il est dans ma wish-list celui-ici, le côté polar me parle beaucoup ^^
Ça devrait te plaire, même si tout n’est pas absolument parfait. 😉
Tu crois vraiment qu’il a pu faire ça sans plan ? 😉 En tous les cas, tu me partages : le concept me plaît beaucoup mais je déteste les enquêtes où le lecteur est mis dans le noir de manière artificielle. Un exemple parfait, c’est le film Les traducteurs de Regis Roinsard qui multiplie les coups de théâtre que le spectateur doit subir sans pouvoir rien deviner à l’avance. Saoûlant. Par contre je conseille À couteaux tirés qui mérite bien son succès (comment parler d’autre chose que du livre).
Je pense bien sûr qu’il a un plan, mais j’aimerais bien le voir visuellement s’il existe, genre un truc sur tableau blanc, avec les liens entre les personnages, la chronologie, etc… 😉
Quant à l’enquête, par moment j’ai vraiment eu le sentiment que l’auteur faisait de la rétention volontaire d’informations, alors que cela n’est absolument pas justifié narrativement (roman à la première personne, le lecteur est dans sa tête et vit ses découvertes en direct). Ça me dérange car ça m’a semblé artificiel, injuste en quelque sorte envers le lecteur, et ça s’apparente à une solution de facilité pour préserver le suspense. Ceci dit, j’ai l’impression d’être le seul à soulever ce défaut, donc peut-être que ça vient de moi… Il faudrait que tu le lises et me donnes ton avis… 😉
Le film « A couteaux tirés » sorti en 2019 ? Je ne l’ai pas vu, j’ai bien envie de le regarder prochainement tiens, merci du conseil. 😉
Oui c’est bien ce film. Qui revisite de manière très brillante l’enquête à la Agatha (j’en avais dit un mot sur mon blog). Il va falloir que je trouve le bouquin pas cher parce que je ne veux pas criser.
Les points que tu soulèves semblent légitimes mais – comme tout le monde ? – ils ne m’ont pas choqué à la lecture. Je devais être bien trop embrouillé pour m’en rendre compte. ^^
Et j’imagine que Stuart Turton a dû utiliser bien plus qu’un plan pour s’en sortir. *_* (Une pensée aussi pour les bêta-lecteurs, ça n’a pas dû être simple. ^^)
Plus qu’un plan oui, il a utilisé sa tête ! Et quelle tête faut-il pour imaginer (et ne pas perdre la cohérence de vue !) une intrigue pareille ! 😀
Oui j’ai bien l’impression d’être l’un des rares (le seul ?) à soulever ces défauts… Je suis pourtant habituellement assez peu regardant sur ce genre de choses, mais là ça m’a frappé. Et agacé, vraiment.
Je l’ai repéré chez Tigger Lilly et Baroona. Il a l’air sympa et j’aime tellement Agatha Christie et compagnie! (D’ailleurs, la critique que tu soulèves peut un peu se retrouver chez elle. Par exemple, tu sais que Poirot a vu un truc, mais pas quoi. Mais tu n’es pas dans la tête de Poirot dans sa narration, alors ça fait partie du jeu.) Quelle idée et quelle ambition, en tout cas!
Ha oui, c’est vraiment impressionnant comme truc, il faut saluer l’auteur, vraiment.
Pour les défauts que je soulève, c’est qu’effectivement ça n’est pas logique avec la narration. Si le roman avait été rédigé à la troisième personne, pourquoi pas. Ou s’il s’était agit d’un compte-rendu écrit (des mémoires ou un journal personnel par exemple), ça aurait également pu se concevoir. Mais là, à la première personne, avec une action « en direct », non, ça ne va pas.
Je l’ai noté dans ma liste celui-là mais j’attends que la hyper redescende un peu pour que ça ne me gâche pas ma lecture ^^
Oh le roman est sorti il y a un an, ça a dû redescendre un peu là. Mais c’est vrai qu’à l’époque, tout le monde en parlait dans notre petit microcosme. 😉
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