Pirates, de Michael Crichton
Quatrième de couverture :
1665. La Jamaïque est une petite colonie britannique perdue au milieu des possessions de l’Empire espagnol. Port Royal, capitale de l’île, n’est pas un endroit où s’établir si l’on veut vivre centenaire : c’est un véritable coupe-gorge où se bousculent aventuriers, loups de mer, filles de mauvaise vie et autres repris de justice. Du point de vue du capitaine Edward Hunter, cependant, la vie sur l’île est riche de promesses. Il faut juste s’y entendre un peu en matière de piraterie…
La rumeur circule justement qu’un navire chargé d’or est à quai dans le port voisin de Matanceros. Gouvernée par le sanguinaire Cazalla, l’un des chefs militaires favoris du roi d’Espagne, l’île est réputée imprenable. Qu’à cela ne tienne ! Hunter met rapidement sur pied une équipe pour s’emparer du galion. Une femme pirate, fine gâchette dotée de la meilleure vue des Caraïbes, un ancien esclave, muet doué d’une force herculéenne, un vieillard paranoïaque expert en explosifs, et le plus remarquable barreur du Nouveau Monde seront ses compagnons de voyage…
Taillé pour devenir un blockbuster hollywoodien
Michael Crichton a vendu un gros paquet de romans (plus de 200 millions nous dit Wikipedia, une paille quoi !), et pourtant je n’en ai lu qu’un seul, le fameux « Jurassic park » (dans mes souvenirs plus développé que le film et que j’avais beaucoup aimé, mais j’étais ado à l’époque…). Mais Michael Crichton était aussi en contact étroit avec le cinéma d’Hollywood, en témoignent ses nombreux récits qui ont été adaptés en longs métrages (« Jurassic park » et « Le monde perdu » bien sûr puis toute la ribambelle de films basés sur ce qui est devenu une franchise, mais aussi « Sphere », « Le 13ème guerrier », « Harcèlement »…). Et voilà que l’envie de lire un roman de pirates me fait croiser la route de ce récit publié à titre posthume (décédé en 2008, Michael Crichton travaillait toujours sur ce roman qui finit par paraître en 2009). Avec ce qui est dit plus haut, mon ressenti ne sera pas une véritable surprise…
Car comme l’indique le titre de cette chronique, « Pirates » est en effet un festival d’action, d’actes héroïques et abracadabrantesques, de batailles navales et de trahisons, le tout avec une galerie de personnages très typés. Autant d’aspects dont se nourrit le cinéma hollywoodien et « Pirates » a en effet tout ce qu’il faut pour être adapté en un bon gros blockbuster (Steven Spielberg s’est d’ailleurs déclaré intéressé) qui tiendrait la dragée haute à un « Pirates des Caraïbes », la loufoquerie en moins.
Revenons un moment sur l’intrigue. Tout commence avec le gouverneur de Port Royal, Sir James Almont, nommé par le roi d’Angleterre, qui découvre au cours d’une coucherie avec une de ses employées de maison qu’un galion espagnol semble avoir jeté l’ancre non loin d’ici, dans une baie au large de l’île de Matanceros, une zone extrêmement bien protégée par une forteresse espagnole réputée imprenable. S’il est à l’arrêt à cet endroit, c’est qu’il est en difficulté, les galions espagnols ayant l’habitude, pour éviter les attaques de pirates, de naviguer en groupe. Dès lors, si celui-ci n’a pas levé l’ancre après avoir réparé, c’est forcément que ses cales sont trop bien remplies pour prendre le risque de repartir seul. Donc soit il attend la prochaine vague de galions, soit il attend carrément une escorte militaire rien que pour lui. Quoiqu’il en soit, la cupidité de Almont l’amène à converser avec Edward Hunter, corsaire au service de sa Majesté (et pirate à ses heures perdues) pour tenter de s’emparer de ce galion, même si cela semble mission impossible à cause de la redoutable forteresse qui le protège. Il faut faire vite, et Hunter va donc devoir recruter une équipe de choc…
Et donc, c’est bien joli mais cela fait-il de « Pirates » un bon roman ? Hé bien pas vraiment… Ho l’honnêteté me force à dire que le récit est très bien mené, l’exposition du roman est efficace (quoiqu’un poil longuette peut-être compte tenu de la taille restreinte du roman, 300 pages), les péripéties se succèdent à un rythme élevé amenant le lecteur dans un grand huit duquel il est difficile de décrocher. Mais ça finit par aller tellement vite qu’on ne se soucie plus vraiment des personnages, persuadé que Hunter finira forcément par triompher. A un point tel que cette succession de scènes parfois « over the top » (mais vraiment hein, on parle d’une soixantaine de prisonniers qui s’échappent au nez et à la barbe de tout l’équipage, bien plus nombreux et armé, d’un vaisseau de guerre grâce au talent d’un seul homme par exemple) laisse à penser qu’en effet Crichton, plutôt habitué des pavés volumineux, n’avait pas fini de faire gonfler son texte, ce qui lui aurait permis d’espacer un peu ses scènes d’action pour permettre au lecteur de souffler un peu.
Parce que là, en l’état, la densité du roman est telle qu’on a l’impression que l’écrivain américain a voulu cocher toutes les cases du bingo des pirates en un minimum de pages… Bataille(s) navale(s) : check, trahison : check, trésor caché : check, attaque d’une place forte : check, échouage sur une île : check, méchants indiens cannibales : check, tempête dévastatrice : check, et j’en passe. Tout y est. Avec en prime la scène de recrutement de l’équipage (très hétéroclite, chaque membre ayant ses points forts, du maître timonier qui fait aussi office de médecin au petit génie des explosifs, en passant par le colosse noir et ancien esclave mais aussi par la femme-vigie à la vue perçante que la fainéantise de Crichton a doté d’une histoire personnelle plus qu’inspirée de celle de Mary Read, etc…) dont la plupart des membres importants auront leur heure de gloire, à la manière d’un film de casse. L’auteur pousse même le vice jusqu’à l’apparition d’un kraken surgi de nulle part (et n’amenant strictement rien au récit…), comme s’il avait voulu refaire un « Pirates des Caraïbes » à sa sauce. Stop, n’en jetez plus. Certes, il est difficile de concevoir un roman de piraterie sans une bataille navale, mais voir tous ces poncifs, ces passages (un peu trop) obligés, être alignés sans guère de surprise, même si ça se lit bien, au bout d’un moment ça fait vraiment beaucoup…
Et donc, au terme du roman qui se voudrait être haletant de bout en bout mais qui ne l’est que par intermittence et qui finit par devenir fatigant à trop vouloir en faire, on en arrive à se dire que même si c’est incontestablement bien mené (la preuve, je l’ai lu en deux ou trois jours tant les pages se tournent toutes seules) et même par moment franchement agréables (les batailles navales encore une fois), ça fait un peu le même effet qu’un Big Mac : sur le coup ça cale bien, ça se mange vite, et puis on finit par se dire que ça manque franchement de finesse. Mais un Big Mac de temps en temps, ça fait aussi du bien par où ça passe, si oublie la culpabilité qui vient après. 😀
Lire aussi les avis de Koyolite Tseila, Olga, Folfaerie, Skritt.
Tout à fait d’accord avec toi: trop, c’est trop (surtout le kraken, lol!) et ça sent le manuscrit inachevé ou plus précisément pas peaufiné. C’est un peu le plan du roman et après il faudrait écrire le roman, quoi. 😀
C’est aussi mon ressenti, on a là les étapes principales du récit qui, mises bout à bout sans rien pour les espacer, en font quelque chose de beaucoup trop rapide en dense pour que ce soit « acceptable » en l’état.
Le talent de Crichton est pourtant bien là, mais on sent bien qu’il manque pas mal de choses pour faire baisser le rythme. Parce que là on frôle l’épilepsie ! 😀
Mais les éditeurs US et les ayants-droits ont sans doute vu dans ce manuscrit un intérêt financier avant un intérêt littéraire…
Il est aussi le créateur de Mondwest/Westworld.
Exact, merci pour la précision. 😉
Au moins il y a quand même un peu d’originalité dans le titre. Ah, non, même pas. =P
En VO, le roman s’intitule « Pirate latitudes ». Il faut croire que l’originalité fait encore plus défaut à l’éditeur francophone… 😀
Tu seras pas dans une phase « pirates » toi ? ;P
Ca se pourrait bien oui, malheureusement je ne suis pas très fourni en récits de ce type, c’est un peu la disette (et là je regarde le catalogue Libretto et j’ai des étoiles (de mer ! 😀 ) plein les yeux !)…
Un roman en mode blockbuster facile à lire et qui s’oubliera aussi facilement donc xD
C’est exactement ça, c’est pour moi de la littérature pop-corn. Pas désagréable à lire, ça fait même du bien sur le moment tout en étant conscient que quand même c’est un peu étouffe-chrétien. Et puis on passe à autre chose. 😀