Semiosis, de Sue Burke
Quatrième de couverture :
Ils sont cinquante – des femmes, des hommes de tous horizons. Ils ont définitivement quitté la Terre pour, au terme d’un voyage interstellaire de cent soixante ans, s’établir sur une planète extrasolaire, qu’ils ont baptisée Pax. Ils ont laissé derrière eux les guerres, la pollution, l’argent, pour se rapprocher de « la nature ». Tout recommencer. Retrouver un équilibre définitivement perdu sur Terre. Construire une Utopie. Mais avant même de fonder leur colonie, des drames mettent à mal leur idéal. Avarie sur une capsule d’hibernation, accident d’une des navettes au moment de l’atterrissage. Du matériel irremplaçable est détruit. Les morts s’accumulent. La nature est par essence hostile et dangereuse ; celle de Pax, mystérieuse, ne fait pas exception à la règle. Pour survivre, les colons de Pax vont devoir affronter ce qu’ils ne comprennent pas et comprendre ce qu’ils affrontent.
Faire mieux, ailleurs…
Pour fuir la Terre devenue un lieu de violences (de toutes sortes) et de tourments, un petit groupe décide de prendre le large et de partir pour un long voyage en hibernation de plus d’un siècle en direction de la lointaine planète baptisée Pax. Leur ambition : repartir sur des bases saines et créer une meilleure société. Mais rien ne sera aisé puisqu’à peine arrivés, une série d’accidents coûtera la vie à plusieurs voyageurs, privant les survivants de matériel important.
Burke-Tchaikovsky, même combat ?
Ainsi donc, à peine plus d’une trentaine de voyageurs débarquèrent sur Pax. Et c’est l’histoire et le développement de cette installation humaine que nous décrit « Semiosis », sur plusieurs générations, avec plusieurs narrateurs, et avec bien évidemment la rencontre avec des formes de vie inattendues. Le lecteur connaisseur de SF fera sans doute assez rapidement le rapprochement avec « Dans la toile du temps » de Adrian Tchaikovsky, mais mettons tout de suite les choses au point : les deux romans ont finalement peu de choses en commun. Tchaikovsky et Burke ont en effet décidé de s’intéresser au même thème mais aux deux extrémités du spectre, Tchaikovsky sur un temps très long et géographiquement très vaste, Burke sur un temps assez court (107 ans pour être précis) et géographiquement très restreint (le camp humain, grosse modo, et un peu les alentours).
Deux manières d’aborder le sujet, deux façons de faire qui ont chacune leur intérêt. Sue Burke a décidé de rester « plus humaine » sur l’échelle du temps, permettant au lecteur de voir défiler les personnages et leurs descendants au fil des chapitres (et des années), alors que sur ce point Tchaikovsky avait « triché » en utilisant la cryogénisation pour garder les mêmes personnages humains tout au long de son récit, et un nom conservé au fil des générations d’araignées. Le procédé d’identification du lecteur n’est donc pas tout à fait le même dans les deux cas. Mais trêve de comparaison, puisque les qualités propres de « Semiosis » ne se mesurent pas à l’aune du roman d’Adrian Tchaikovsky.
Once upon a time in the west
« Semiosis » a en effet largement de quoi satisfaire le lecteur : une planète inconnue, des formes de vie étonnantes, voilà qui ne peut qu’intriguer le lecteur de science-fiction. Et bien sûr, ce nouveau départ pour ce groupe d’hommes et de femmes qui arrivent sur Pax avec les meilleures intentions. Intentions qui finiront forcément pas se fracasser sur le mur de la réalité. Mais peut-être pas totalement… Sue Burke nous refait donc un peu ici la découverte du Nouveau Monde et l’installation des premiers colons. Si ce n’est que les colons de Pax ont une vraie ligne de conduite, basée sur le respect. Respect de soi-même, respect des autres, y compris de ceux qu’ils ne connaissent pas. Comme d’éventuelles formes de vie intelligentes, radicalement différentes de celles auxquelles nous sommes habitués sur Terre. Le message écologique est donc évident, et le nom de la planète est un indice fort sur le socle de cette nouvelle société.
Le bambou, un végétal qui nous veut du bien
« Semiosis » est donc aussi un roman sur l’altérité, l’acceptation d’un autre, très différent. Et si je n’en dis pas plus sur cet (ou ces…) autre(s), c’est pour préserver le suspense, même s’il y aurait beaucoup à en dire. Mais tout de même (parce que c’est plus fort que moi…), l’intelligence végétale, ce n’est pas si courant, même si on pourrait parfois regretter un mode de pensée un peu trop comparable au nôtre (alors que métaboliquement/physiologiquement/biologiquement c’est excellemment bien pensé). Mais après tout, qui suis-je pour juger une espèce que je ne connais pas, née sur une planète beaucoup plus ancienne que la Terre et dont les formes de vie ont forcément évolué différemment et plus longuement ? Qui sait comment se comporteront les bambous terrestres dans un milliard d’années ?… 😉
Fin, moyens, etc…
Récit d’une nouvelle micro-société perpétuellement en lutte pour la survie au sein d’un écosystème étonnant, « Semiosis » aborde également, sur un plan plus politique, la façon de gérer cette communauté, aux buts nobles mais aux moyens qui peuvent l’être beaucoup moins. A ce titre, le deuxième chapitre est assez édifiant et ne manquera pas de rappeler le magistral « Kirinyaga » du regretté Mike Resnick.
La perfection n’est pas de ce monde
Le roman joue donc sur des thématiques dans l’air du temps, et le fait de manière efficace. Le seul vrai bémol tient sans doute aux personnages. Avec des narrateurs différents à chaque chapitre, il est un peu difficile de s’attacher, l’implication émotionnelle en prend donc un coup. Avec en plus une petit baisse de rythme au début du dernier tiers, pourtant temporellement plus restreint, c’est cette fois l’attention qui faiblit. Mais l’intérêt revient vite quand Sue Burke se décide à lancer un sprint final potentiellement dévastateur.
107 ans d’utopie
Sans doute imparfait, « Semiosis » a pourtant bien des arguments pour lui. Politique, social, écologique, abordant l’utopie et l’altérité, il traite de thèmes forts et même si son cadre « restreint » pourrait jouer en sa défaveur, ce serait sans doute oublier un peu vite que micro-société ne veut pas forcément dire micro-roman. Gabriel García Márquez et son « Cent ans de solitude » en sont la preuve la plus éclatante.
Lire les avis de Gromovar, Lune, Yogo, Le chien critique, Cédric, Anudar, Feyd-Rautha, Anne-Laure, Célindanaé, Boudicca, Nicolas, Le chroniqueur, Yuyine, Mélie, Lisou, Lutin82, Sophie, Touchez mon blog Monseigneur…
Tout à fait d’accord avec ta critique. Cela dit, même si j’ai passé un bon moment dans l’ensemble, ce bouquin ne me laissera pas de souvenirs impérissables. Pour moi, cela tient aux personnages, auxquels tu ne peux pas t’attacher et au fait, finalement, que l’établissement de la communication avec la « flore » est passé sous silence, alors que le vertige aurait pu venir de là. Mais ce n’est sue mon humble avis de néophyte.
Je suis bien d’accord, c’est un roman qui se lit très bien mais qui ne restera pas dans les annales (et je sais que dire ça, avec toi dans les parages, c’et dangereux… 😀 ) de la SF. Et c’est vrai que les différentes étapes amenant à une communication aisée avec la flore locale sont passées sous silence. Légèrement abordés dans un chapitre, pour le début de la communication, et puis après c’est tout de suite plus (trop !) facile.
Ça va à l’encontre de ce qu’on apprend dans « Comment parler à un alien ? » de Frédéric Landragin, un excellent livre de vulgarisation scientifique très lié à la SF, publié au Bélial’. 😉
Ton avis de jeune pousse (haha) est donc tout à fait pertinent. 😉
Restera le bambou quand même ! On ne l’oubliera pas…
Certes, on n’a pas tous les jours l’occasion de croiser un bambou intelligent et capable de communiquer. 😀
J’ai beaucoup aimé l’intelligence végétale sur Pax et tout ce qui s’y rapportait. Pour le coup, le suspense était assez grand pour que je veuille continuer même si j’ai eu du mal à m’accrocher aux personnages. D’ailleurs, je crois bien avoir trouver un specimen « intelligent », il suffit de voir ma photo 😀
Le devenir de cette micro-société humaine prend le pas sur les destins individuels de personnages auxquels on s’attache trop peu. C’est ce qui m’a porté dans ce roman.
Oui j’ai vu ta photo, ce végétal cherche forcément à nous dire quelque chose, mais quoi ? 😉
Tu me ferais presque douter de mon choix de faire l’impasse, mais le côté narrateurs risque fortement de me déplaire. A réfléchir.
À toi de voir, ce n’est pas un incontournable absolu, mais c’est plutôt sympa, très sympa même par moment. Mais c’est vrai que si tu as un réel besoin de t’attacher à des personnages consistants, tu risques d’être déçue…
En tout cas il t’a donné envie de citer de beaux ouvrages, c’est toujours bon signe. ^^
Je le tenterai sûrement à l’occasion, sans urgence, ne serait-ce que pour découvrir un certain personnage encensé par tous. ^^
Hé c’est vrai, trois romans cités, et non des moindres, le tout sans préméditation ! 😀
Il n’y a pas d’urgence, le bambou t’attendra. 😉
Il est dans ma wish list et dispo à la bibliothèque, je devrais finir par le lire celui-là ^^
Ben voilà, plus d’excuse maintenant, au boulot ! 😉
[…] Semiosis de Sue Burke sur le blog Lorhkan et les mauvais genres. […]
[…] avis chez : Lune, Justaword, Feydrautha, Le Chien critique, Lorhkan, TmbM, Apophis, Gromovar, Boudicca, Chut Maman lit, Yogo, Lutin82, Célindanaé […]