Mage de guerre, de Stephen Aryan
Quatrième de couverture :
La guerre est entre leurs mains…
Balfruss est un Mage de Guerre, qui a juré de se battre jusqu’à la mort pour Seveldrom, un royaume qui redoute pourtant ceux de sa race.
Vargus est un simple soldat qui, lorsque les mages exercent leurs pouvoirs depuis les remparts de sa ville, se bat en première ligne sans craindre de souiller sa lame.
Réunis par le souverain de Seveldrom, ils devront repousser les hordes sauvages du Roi Fou et affronter le terrifiant Nécromancien, le plus féroce des alliés de l’ennemi…
Torgnoles de mages
Et donc, après une introduction tentant maladroitement de chercher une justification pour la lecture de ce livre (alors que bon, hein, j’avais juste envie de lire une bonne grosse fantasy épique qui tranche, gicle et charcute. Est-il besoin d’une justification ? Bien sûr que non !), entrons dans le vif de sujet. Stephen Aryan, il ne s’en cache pas, est un admirateur des oeuvres de David Gemmell. Si je commence cet article par ce renseignement, c’est parce que ça se sent. Très fort. Non pas que ça me dérange, j’aime aussi beaucoup les romans de Gemmell. Mais il faut le savoir. D’ailleurs, jugez plutôt : une coalition de royaumes partent en guerre contre un autre royaume esseulé. Le roi de ce dernier fait appel aux meilleurs guerriers du continent (les mages de guerre) pour tenter une défense désespérée. Si ça ne vous rappelle pas vaguement « Légende » (ou « Waylander », ou d’autres récits gemmelliens à la mécanique similaire, basés sur de vieux vétérans luttant à un contre cent pour défendre une forteresse), c’est sans doute que vous n’avez pas lu Gemmell. Dans ce cas-là, vous savez ce qui vous reste à faire, et illico !
La référence à Gemmell est donc évidente (sans parler de la Source, à l’origine de la magie du monde, et qui porte le même nom dans les romans du cycle « Drenaï » de David Gemmell…), mais elle n’est pas la seule puisque Stephen Aryan a écrit avec « Mage de guerre » une fantasy un peu plus « sale » que celle de son idole (qui ne fait pourtant pas forcément dans la dentelle non plus). Plus sanglante disons. Car il n’y va pas avec le dos de la cuillère, et au coeur des combats, c’est un peu le festival des tripes, des boyaux, des liquides divers et variés. Il faut avoir le coeur bien accroché quoi. Mais bon, quand on fait joujou avec des épées et des haches, faut pas s’étonner de voir quelques taches sur le sol aussi hein ! Et donc, sur ce point précis, je pense qu’on peut aisément faire un parallèle avec Joe Abercrombie qui ne fait pas non plus dans la poésie.
Enfin, dernière référence, que je ne peux pas confirmer par moi-même puisque je n’ai pas lu l’auteur en question, Steven Erikson. Là on touche au domaine de l’épique, des combats à grande-échelle avec des guerriers ou des magiciens surpuissants se livrant des combats titanesques. Brandon Sanderson a aussi montré qu’il savait faire ça très bien dans son cycle des « Archives de Roshar » (sauf que Sanderson, ça reste beaucoup plus soft sur la description des blessures qui s’ouvrent, des plaies qui suintent et des cicatrices qui suppurent…). Et Stephen Aryan fait lui aussi très fort. J’y reviendrai.
Avant cela, précisons un peu l’histoire de ce siège à grande échelle. Taïkon, le roi fou qui a donc réussi à unir plusieurs royaumes sous sa coupe (de manière parfois très violente, donc la coalition est surtout contrainte et forcée, ce point est très important, j’y reviendrai également) en se faisant passer pour un messie doté de pouvoirs hors du commun (grâce à un mystérieux artefact en sa possession) et du même coup en créant une nouvelle religion dont il est l’objet du culte, lance donc son armée contre le dernier royaume résistant, Seveldrom. Matthias, le roi de Seveldrom, appelle les mages de guerres à venir l’aider à résister à l’envahisseur. Six d’entre eux (car les mages de guerre sont rares pour des raisons précises exposées dans le roman) répondent à l’appel, dont Balfruss, le personnage donnant son nom au roman. Avec leur aide et celui des généraux de Seveldrom, mais aussi de Talandra, fille de Matthias et espionne en chef du royaume, c’est tout un peuple qui s’apprête à voir déferler sur lui une armée gigantesque menée par un homme se faisant appelé le Nécromancien, un mage de guerre lui aussi (et sans doute le plus puissant de tous) et ses Éclats (pas tout à fait des généraux, pas tout à fait des éclaireurs, mais je ne peux en dire plus).
Des combats en vue donc, bien sûr, mais aussi la mise en place d’un réseau d’espionnage et de résistance puisque comme je l’indiquais plus haut, la coalition de Taïkon repose avant tout sur la force et la peur, et elle est donc peut-être susceptible de fissurer si on l’aide un peu. Cet aspect est très important dans le roman et offre une composante relativement rare et bienvenue dans la fantasy épique mettant en scène des royaumes se castagnant la tronche. C’est aussi un bon moyen pour Stephen Aryan de ne pas se focaliser uniquement sur les combats et de varier un peu son propos. Et après tout, notre histoire l’a montré, une guerre ne se gagne pas que sur le front. Et donc, inévitablement, on pense à la Deuxième Guerre Mondiale, et ce n’est pas le seul aspect du roman qui y fait référence. La coalition de Taïkon n’a en effet pas hésité à faire un exemple d’un royaume au départ un peu réfractaire. Résultat : un génocide à grande échelle, des camps de travaux, de concentration, la véritable mise en place d’un système visant à l’extermination d’un peuple. Référence évidente donc. Évidente et peut-être un peu trop voyante. Comme l’est aussi la description, succincte, des pays du sud dont vient l’un des mages de guerre attaché au service de Matthias. Son nom, Darius, parle pour lui, de même que son roi dont le nom (qui m’échappe au moment de la rédaction de cet article…) a une consonance proche de celle de fameux rois perses (Xerxès, Artaxerxès, Arsès…). C’est sans doute un peu trop transparent et paresseux à mon goût de la part de l’auteur qui s’est donc contenté, sur plusieurs points, de simplement calquer notre monde sur celui qu’il a inventé. Dommage.
Autre regret, tout cela est très manichéen. Taïkon est très très méchant, très très sanguinaire, complètement fou, les dirigeants de Seveldrom sont, eux, beaucoup plus posés, réfléchis, etc… Un manque de subtilité évident, qui se retrouve aussi dans le fonctionnement même de son intrigue : l’auteur insiste sur la mise en place et les résultats du réseau de résistance (car il y en a), mais les espions adverses semblent être aux abonnés absents. C’est un peu trop unilatéral pour être satisfaisant.
Mais ces quelques défauts mis à part, j’avoue avoir pris un grand plaisir à la lecture de « Mage de guerre ». Car Stephen Aryan reprend ses auteurs fétiches et le fait bien. Ses personnages sont très gemmelliens, des vétérans qui en ont beaucoup vu, mais qui conservent une vraie humanité et du coeur. On n’est pas ici dans un cynisme omniprésent comme c’est souvent le cas dans la dark fantasy, non les héros de « Mage du guerre », si on peut leur reprocher d’être trop manichéens, sont surtout des personnages positifs, permettant de donner un peu de lumière dans un roman qui pourtant use des codes de la dark fantasy (combats sanglants, violents et poisseux en tête, et les descriptions précises et réalistes qui vont avec, la guerre c’est sale et ça fait mal, ce n’est pas la gloire à coup d’épées étincelantes). Du bon Gemmell en fait. Qui ne réinvente pas la roue certes, mais qui reprend de belle manière ce que d’autres ont fait avant lui.
Mais là où Stephen Aryan marque des points, c’est sur le côté épique de son roman. Je crois bien que « Mage de guerre » offre parmi les scènes les plus intenses que j’ai lu en fantasy. Les scènes de combats des mages de guerre sont d’une puissance époustouflante, certains moments clés vont à l’évidence rester gravés un bon moment dans ma mémoire. Une scène avec l’un d’entre eux, Finn, un mage inexpérimenté mais très puissant, offre une séquence ébouriffante, qui m’a d’ailleurs fait penser, dans un genre totalement différent, à une scène de « La horde du contrevent » de Alain Damasio. Un parallèle étonnant, me direz-vous ? Oui, mais je ne peux malheureusement pas en dire plus sinon ce serait spoiler (demandez moi en commentaire si vous y tenez). Toujours est-il que, pfiouuuuu, ça envoie du lourd ! Tout juste pourrait-on reprocher à l’auteur de n’offrir au lecteur que des combats entre mages de guerre, soit en un contre un, soit en équipe, mais jamais des mages contre des armées, alors qu’il sont visiblement aussi puissants que des super saiyans de Dragon Ball Z et peuvent donc faire basculer les combats. Mais en gros, quand les mages arrivent au front, les soldats reculent pour les laisser se castagner tranquillement, c’est un peu frustrant…
La narration du roman reste classique, oscillant entre les points de vue de différents personnages : le mage de guerre Balfruss (permettant de voir à l’oeuvre ses petits camarades aux pouvoirs impressionnants), le vétéran Vargus (étrange personnage qui semble avoir vu et participé à de nombreux conflits, son point de vue permettant de mettre en scène les batailles à travers les yeux des « simples » soldats), la responsable du renseignement Talandra (fille du roi Matthias, elle a accumulé des renseignements sur tous les grands de ce monde, et dispose d’un réseau d’espionnage particulièrement efficace), l’espion Gunder (sous les ordres de Talandra donc, en service derrière les lignes ennemies).
« Mage de guerre », sous une apparence assez classique que ne vient pas démentir son pitch de départ un peu vu et revu, offre donc suffisamment d’arguments pour emporter l’adhésion, pour peu qu’on soit sensible à ce type de littérature. C’est rythmé, c’est varié dans le propos, les personnages (du moins les trois principaux, Balfruss, Vargus et Talandra) sont consistants (sans être toutefois les plus charismatiques de la fantasy), les combats sont époustouflants, bref ça se lit tout seul, et avec enthousiasme s’il vous plaît ! Et comme en plus, puisque « Mage de guerre » est le premier tome d’une trilogie, le roman a le bon goût de pouvoir se lire de manière indépendante avec une vraie fin, pourquoi résister ? Allez, beuaaaaaarrrrrrrrgh (copyright Nebal) ! 😉
Lire aussi les avis de l’Ours inculte, Xapur, Apophis, Blackwolf, Arckhangelos, Lutin82, Phooka, Sia.
Tu me vends un peu du rêve, quand même. La référence à Gemmell mais pas que. J’essaye de noter ça dans un coin de ma tête.
Comme je le dis, le roman n’invente pas grand chose mais il est parfois tellement épique dans les duels qu’il décrit (Dragon Ball Z n’est pas si loin…) que ça devient un peu époustouflant, si on adhère à ce type de récit. 😉
C’est quand même vraiment beaucoup « Légende » tout ça… Je crois que j’irai plutôt lire d’autres Gemmell si l’envie me prend de lire du Gemmell, ne serait-ce qu’à cause du fait que cela soit un tome 1 (et mon complétionnisme ne se satisfera pas de se dire que ça peut se lire en one-shot ^^). Même si bon, Dragon Ball X Gemmell, ça titille presque un peu. =P
Oui le pitch y fait furieusement penser. Perso, j’aime beaucoup Gemmell, donc ça ne me dérange pas.
A propos de la tomaison, oui c’est un tome 1, mais oui on peut aussi s’arrêter là. Comme de nombreux romans de Gemmell en fait, notamment ceux du cycle « Drenaï », tous indépendants mais appartenant à un cycle de… 11 romans ! 😉
Il est dans ma PAL mais le côté Gemmell + fantasy épique me fait un peu peur… On verra bien.
Ah c’est sûr que si ce combo ne te convient pas, c’est déjà plutôt mal engagé…