Helstrid, de Christian Léourier

Posted on 13 juin 2019
Après les deux dernières novellas critiquées sur ce blog (« Défaillances systèmes » de Martha Wells et « ÉLÉVATION » de Stephen King), il était temps de revenir aux fondamentaux, à savoir la collection qui a relancé ce format en France, j’ai nommé « Une heure-lumière » aux éditions du Bélial’. C’est que j’ai pris du retard moi ! Premier rattrapage avec « Helstrid » de CHristian Léourier.

 

Quatrième de couverture :

Certains mondes ne sont pas faits pour l’humanité : Helstrid est de ceux-là. Des températures de -150 °C ; des vents de 200 km/h ; une atmosphère toxique. Pourtant, la Compagnie tient à exploiter ses énormes ressources en minerai, appâtant les volontaires à l’exil à grand renfort de gains conséquents. Des hommes et des femmes à l’image de Vic, qui supervise le travail de prospection et d’exploitation des machines. Un job comme un autre, finalement, et qui vaut toujours mieux que d’affronter son passé laissé sur Terre… Jusqu’à ce que le porion soit contraint d’accompagner un convoi chargé de ravitailler un avant-poste à plusieurs centaines de kilomètres de la base principale. Un trajet dangereux, mais les IA sont là pour veiller à la bonne marche des véhicules suréquipés et à la protection du seul humain embarqué. Dans pareilles conditions, tout ne peut que se passer au mieux…

« Christian Léourier est l’un des secrets les mieux gardés de la SF française. »
Pierre-Paul Durastanti – Bifrost

 

HELL-strid ?

La quatrième de couverture est très claire : Helstrid est une planète qui n’est pas faite pour l’homme. Des vents surpuissants, une température glaciale… C’est pourtant une planète qui offre un intérêt économique certain puisqu’elle recèle du minerai de grande valeur. Dès lors, y travailler est un dur labeur. Bien payé certes, mais tout de même. Quoique, si on met de côté les conditions climatiques, le travail n’est pas si compliqué que ça puisqu’il est effectué de manière quasi automatique par des machines pilotées par des intelligences artificielles très efficaces. Le grand inconvénient de ce job finalement, c’est que l’aller-retour Terre-Helstrid prend cinquante ans. Aller sur Helstrid, c’est donc perdre le contact avec ses proches de manière irrémédiable. Et c’est bien ce que Vic a cherché à faire, lui qui ne s’est pas remis d’une rupture amoureuse.

Et le voilà donc parti, avec un convoi de trois véhicules, ravitailler une base avancée chargée d’étudier l’intérêt économique d’une potentielle nouvelle mine. Aidé par Anne-Marie, l’IA du véhicule de tête, protectrice, avenante, un brin séductrice aussi, Vic ne risque pas grand chose. Mais une tempête se prépare. Et les tempêtes d’Helstrid sont terribles. Imprévisibles aussi, peut-être passera-t-elle au large du convoi. Ou peut-être pas… Et donc bien sûr, c’est la cata. La tempête d’abord, puis une accumulation de problèmes techniques et/ou météorologiques vont rendre le voyage beaucoup plus compliqué que prévu.

Christian Léourier a écrit ici un texte bien immersif, une sorte de huis-clos en mouvement, dans lequel Vic et Anne-Marie sont soumis à de nombreux aléas. À l’évidence, Vic n’a pas vraiment de valeur ajoutée, c’est clairement Anne-Marie qui détient les rênes du convoi. Du coup, un certain nombre de questions se posent à son sujet. Le doute reste présent tout au long du récit : les problèmes techniques sont-ils purement fortuits ? Ces IA nous veulent-elles vraiment du bien à l’humanité ? Ce voyage n’est-il pas tout simplement l’illustration du basculement de l’emprise de l’un sur l’autre ? Voire même, en poussant la réflexion encore plus loin, les phénomènes climatiques qui semblent s’acharner sur le convoi et qui n’avaient pas été observés jusqu’à maintenant n’ont-ils pas une explication planétaire d’ordre biologique ? Et qu’il n’y a pas deux forces en présence mais trois ?

L’auteur ne donne pas de solution unique à ce récit qui peut se lire sur plusieurs niveaux. Quoiqu’il en soit, peu importe les interprétations de chacun (et ces multiples possibilités sont sans doute une démonstration de la finesse d’écriture de Léourier), toutes sont sans doute valables. Et la novella est finalement un beau récit d’aventure dans un monde hostile, qui n’est pas sans rappeler un des plus beaux textes de Jack London, « Construire un feu », sur un homme qui tente lui aussi de rejoindre la civilisation alors qu’une tempête de neige fait rage.

Certes, Vic n’est pas le personnage le plus passionnant du monde, un peu trop passif pour rallier les suffrages (du moins jusqu’à ce qu’il se décide enfin à se prendre en main, ayant fait la paix avec lui-même et avec son passé), mais ses échanges avec la douce (vraiment ?) Anne-Marie sont intéressants, notamment quand ils confrontent leurs point de vue sur différents sujets, montrant une IA à la fois très logique (dans le sens « machine ») et aussi étonnamment humaine. D’une certaine manière en tout cas…

Le beau n’est pas mesurable, il relève d’un jugement de valeur. Partant, il est corrélé à la personnalité de l’observateur. En d’autres termes, toi aussi tu as été formé à associer certaines sensations à ce concept. Ton jugement se réfère comme le mien à une table de correspondances préétablie. Comment expliquer, sinon, que cette catégorie varie selon les lieux et les époques ? La beauté n’est pas dans la chose, mais dans le regard porté sur la chose. Or, le regard est le fruit d’une éducation – ou, dans mon cas, d’une programmation, si tant est que la nuance ait un sens.

Oui, contrairement à beaucoup semble-t-il, j’ai aimé ce texte. Un texte qui propose son lot d’aventures, son lot de sentiments, son lot de difficultés, son lot d’introspection, son lot d’interprétations. Helstrid est rude, mais le voyage est beau, quelle qu’en soit sa fin.

 

Lire aussi les avis de Lune, Xapur, Yogo, Nicolas, Apophis, Feyd Rautha, Blackwolf, Aelinel, Célindanaé, Bad Tachyon.

 

  
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