Élévation, de Stephen King
Quatrième de couverture :
Dans la petite ville de Castle Rock, les rumeurs circulent vite. Trop vite.
C’est pourquoi Scott Carey ne veut confier son secret à nul autre que son ami le docteur Bob Ellis. Car avec ou sans vêtements, sa balance affiche la même chose, et chaque jour son poids diminue invariablement. Que se passera-t-il quand il ne pèsera plus rien ?
Scott doit également faire face à un autre problème : les chiens de ses nouvelles voisines ont décidé que sa pelouse était le lieu idéal pour faire leurs besoins. Entre le couple et Scott, la guerre est déclarée. Mais lorsqu’il comprend que le comportement des habitants de Castle Rock, y compris le sien, envers les deux femmes mariées met en péril le restaurant qu’elles ont ouvert en ville, il décide de mettre son « pouvoir » à contribution pour les aider.
De l’art de faire don de soi
Stephen King lui-même présente cette novella comme une suite à « Gwendy et la boîte à boutons ». Une suite « en quelque sorte ». Et si le récit se déroule également à Castle Rock, les liens avec la novella précédente sont très ténus, à part un détail sur des escaliers écroulés pour des raisons décrites dans le texte sus-cité. Pour le reste, l’écrivain américain reste un peu dans la lignée de « Gwendy et la boîte à boutons » en écrivant une petite douceur, encore plus « feelgood ». Étonnant pour du Stephen King ? Ça reste à voir, mais l’essentiel c’est que ça lui convient bien et qu’il s’en sort à merveille.
« Gwendy et la boîte à boutons » était un hommage à peine voilé à Richard Matheson et sa nouvelle « Le jeu du bouton ». « Élévation » ne s’en cache pas non plus, puisque le récit lui est dédié. On ne s’étonnera donc pas d’y voir une référence évidente à « L’homme qui rétrécit ». Mais ici, le personnage principal, Scott Carey, ne rétrécit pas, il perd du poids. C’est ce que sa balance lui indique, jour après jour, quel que soit son régime alimentaire. Pourtant, physiquement, rien d’apparent. Plus étrange encore, quels que soient les objets qu’il porte sur lui, son poids ne varie pas. Avec ou sans haltères, la balance indique le même poids, moins quelques centaines de grammes tous les jours. Jusqu’où cela ira-t-il ? Que se passera-t-il s’il arrive à zéro ?
En parallèle, un couple de lesbiennes mariées s’est récemment installé non loin de chez lui. Elles ont d’ailleurs repris le restaurant mexicain de la ville. Une ville qui vote résolument républicain, et qui voit d’un mauvais oeil l’arrivée de ces deux femmes qui clament et montrent un peu trop vivement leur façon de vivre, ce qui, fatalement, met leur entreprise en péril financier, faute de clients.
Le lien entre ces deux intrigues ? Il faudra lire le texte pour le découvrir. Mais il suffit de dire que Stephen King fustige ouvertement l’Amérique de Trump (ça n’a rien de surprenant, son fil Twitter le montre très régulièrement) et ces intolérants fermés sur eux-même qui se satisfont de ruiner les vies d’autrui sans chercher à voir la beauté autour d’eux, engoncés dans leurs petites certitudes ultra-conservatrices pour que ce texte apparaisse comme bienvenu. Mais « Élévation » n’est certes pas un texte revendicateur, même s’il a une certaine portée politique. C’est surtout un texte sur la générosité. Celle d’un homme qui va tenter de faire profiter à d’autres de ce qui l’affecte. Un mal pour un bien en quelque sorte. Un récit plein de bonnes intentions, touchant, émouvant sans sombrer dans le pathos, jouant plutôt sur un aspect poétique et positif plutôt que de tenter de nous soutirer quelques larmes (la fin est à ce titre particulièrement réussie). C’est beau et ça fait du bien par où ça passe.
Bien évidemment, côté style, c’est efficace, Stephen King n’a plus rien à apprendre de personne sur ce point, et le récit coule tout seul, on est immédiatement pris dans cette Amérique de Monsieur et Madame Tout Le Monde, avec ces personnages humains et crédibles. Il parvient même à rendre un chapitre sur une course à pied absolument palpitant. Remarquable.
Récit sur la nécessité d’agir pour faire bouger les choses, « Élévation » montre donc une nouvelle fois tout le talent de Stephen King, à l’aise sur tous les formats, sur tous les types de récits (et que la belle traduction de Michel Pagel n’affaiblit pas, bien au contraire). Le King reste donc toujours le King.
Lire aussi les avis de Lune, Gromovar, Le chien critique.
Je me disais bien que tu ne tarderais pas à revenir faire gonfler ma PAL. Bonne critique, ça donne envie, d’autant que j’avais passé un bon moment sur « Gwendy et la boîte à boutons ». Puis c’est cool de voir des courts romans débarquer plus « librement » désormais.
Ah si tu aimé « Gwendy et la boîte à boutons », celui-ci devrait te plaire, même si l’atmosphère globale est un peu différente quoique dans la même lignée.
Et oui, j’aime bien voir toutes ces novellas débarquer chez nous, c’est un format vraiment appréciable. Même si ça fait mal au portefeuille, si on prend le ratio temps de lecture/coût du livre…
» LES NOVELLAS AYANT RETROUVÉ UN SEMBLANT DE DIGNITÉ AUX YEUX DES ÉDITEURS FRANÇAIS, » est-ce que c’est pas plutôt parce que c’est King et que même sa liste de courses est potentiellement bankable ? 😀
Définitivement il faut que je me remette à King…
Oui bien sûr, on pourrait publier à peu près n’importe quoi de King, ça marcherait toujours. Néanmoins, ce genre de novella (et il me semble qu’il en a écrit quelques unes qui n’ont jamais été traduites) aurait plutôt été intégrée à un recueil plus épais plutôt que de paraître de manière indépendante. Est-ce que c’est mieux comme ça ? Je ne sais pas… 😀
*essaye d’imaginer la longueur de la liste de courses de Stephen King*
[- du shampooing qui permet de laver les cheveux avec soin et douceur mais sans produits qui pourraient faire du mal à la planète ou à mes cheveux, eux si soyeux qui méritent la plus grande attention surtout qu’après-demain je suis en représentation à Ottawa devant 142 personnes qui me dévisageront pendant plus de 2 heures alors que l’essentiel ne sera pas dans ce que je suis mais bien dans ce que je dis, d’ailleurs je pourrais faire éteindre les lumières de la salle, ça stopperait le problème et en plus ça serait écologique, je vais y réfléchir et noter l’idée dans mon carnet à idées. ]
Vous êtes sûrs qu’une novella suffirait ? =X
Pas sûr en effet.
Ce qui ressort de tout ça en tout cas, c’est que tu pourrais sans doute écrire les listes de courses de King. C’est déjà pas mal, et comme dit plus haut, ça a toutes les chances d’être édité. Lance-toi ! 😀
C’est super que cette suite t’ait plu. Je garde donc les deux dans un coin de ma tête. 🙂
Oh oui, tu peux aussi les lire à la suite, ça fait la taille d’un tout petit roman de King. 😀 Et ça fait vraiment du bien par où ça passe. 😉