Terminus, de Tom Sweterlitsch
Quatrième de couverture :
Depuis le début des années 80, un programme ultrasecret de la marine américaine explore de multiples futurs potentiels. Lors de ces explorations, ses agents temporels ont situé le Terminus, la destruction de toute vie sur terre, au XXVIIe siècle.
En 1997, l’agent spécial Shannon Moss du NCIS reçoit au milieu de la nuit un appel du FBI : on la demande sur une scène de crime. Un homme aurait massacré sa famille avant de s’enfuir. Seule la fille aînée, Marian, 17 ans, serait vivante, mais reste portée disparue. Pourquoi contacter Moss ?
Parce que le suspect, Patrick Mursult, a comme elle contemplé le Terminus… dont la date s’est brusquement rapprochée de plusieurs siècles.
Thriller + voyage dans le temps, le cocktail parfait ?
Le ton est donné dès le prologue : Shannon Moss, enquêtrice du NCIS, est témoin en 2199 du « Terminus », une sorte de fin du monde christique et déviante. La vision est frappante, glauque et glaçante. Pourtant Moss, désorientée, ne comprend pas tout ce qui se déroule devant ses yeux. Après tout, ne se voit-elle pas elle même suspendue la tête en bas et prise en charge par l’équipe de secours ? Étrange autant que déroutant.
Retour en 1997. On retrouve Shannon Moss, appelée pour prendre en charge l’enquête sur un meurtre, disons même plutôt un massacre d’une famille entière (à l’exception d’une jeune fille portée disparue) dans une petite ville américaine. Pourquoi appeler le NCIS ? Parce que le principal suspect est un membre de la Navy, au passé plus que trouble. Il était même déclaré disparu jusqu’ici. Plus gênant encore, il a fait partie du projet « Eaux Profondes », programme secret développé dans les années 70 et permettant de voyager dans l’espace et le temps (uniquement vers l’avenir). Le crime est donc problématique à plus d’un titre, et devient immédiatement une priorité absolue. Dès lors, le temps venant rapidement à manquer et l’enquête à piétiner, Shannon Moss est envoyée en 2015 pour tenter de découvrir si les renseignements qu’elle pourrait tirer de l’avenir permettrait de l’amener, une fois revenue en 1997, à faire avancer l’enquête et à retrouver la jeune fille disparue.
On le voit, on nage en plein thriller avec en bonus du voyage dans le temps. Pas dans le passé ceci dit, donc on ne s’amuse pas avec les paradoxes temporels ici, mais seulement vers l’avenir, des avenirs qui ne sont que des « TFI », des « trajectoire futures inadmissibles », en ce sens qu’elles ne sont que des futurs potentiels, dont l’existence même disparaît dès que le voyageur temporel revient à son présent, puisqu’en modifiant le présent avec les informations tirées de l’avenir, cet avenir se modifie forcément (imaginez donc le désarroi des personnes au courant du projet « Eaux Profondes » quand ils se rendent compte qu’ils font partie d’une TFI, et qu’elles sont donc amenées à disparaître, purement et simplement une fois l’agent reparti. Certaines pourraient donc être tentées de le capturer pour éviter la disparition de « leur » TFI…). Et là, on imagine déjà tout le potentiel d’une telle trouvaille narrative. Futurs altérés, destin transformés, TFI dans les TFI (bonjour le vertige !), les possibilités sont multiples et passionnantes. Tom Sweterlitsch ne se prive d’ailleurs pas pour les utiliser pour faire de son roman une sorte « d’uchronie spéculative », où le point de divergence est situé au présent et les uchronies sont donc les avenirs explorés (ceci dit, il est de base déjà une uchronie puisque même si le point de divergence n’est pas explicité, les technologies disponibles dans les années 70-80 sont bien supérieures à celles que nous avons connues, ce qui permet le développement du programme « Eaux Profondes »). Et ce qui aurait pu s’avérer intéressant mais rapidement bordélique et incompréhensible reste absolument limpide grâce à la maîtrise narrative de l’auteur.
Certes, pour ne pas trop corser les choses, les voyages temporels ne sont pas très nombreux (et il ne faut pas oublier l’intrigue « thriller », à qui il faut laisser également de la place pour s’exprimer), mais ils sont utilisés de fort belle manière. On assiste donc, pour différents personnages liés à l’enquête, à des destins futurs radicalement différents. Des histoires que l’auteur prend la peine de développer puisque les voyages de Shannon Moss durent plusieurs mois. Après tout, pourquoi se presser puisque pour les personnes restées au temps présent, la voyageuse a à peine disparue qu’elle réapparaît aussitôt. Shannon Moss peut donc prendre son temps pour être sûre d’obtenir tous les résultats nécessaires à son enquête. Et on voit immédiatement les effets collatéraux : dans le présent, à force de voyager durant de longues périodes, les agents temporels paraissent beaucoup plus vieux que leur âge officiel alors que dans les futurs qu’ils explorent, ils paraissent ne pas avoir vieilli du tout pour les personnes qui les ont vu quelques années avant, qui ne sont que quelques instants pour la voyageuse. Vertigineux je vous dis ! Et je n’ai même pas parlé du Terminus, qui ne cesse de se rapprocher (les explorateurs envoyés dans l’avenir lointain en sont témoin à des dates de plus en plus proches du présent), et c’est bien évidemment un élément fondamental de l’intrigue, car au-delà du crime à élucider, il y a la fin du monde à éviter !
Ce roman est d’une richesse folle sur tous les plans : le thriller est passionnant, le côté SF-voyage dans le temps est magnifiquement utilisé. Ça se complique tout de même un peu dans la quatrième partie, mais ça ne bloque pas la lecture tant on a envie d’en savoir plus et de quelle façon tout cela va se terminer. Il a en plus le bon goût de bien développer ses personnages, notamment Shannon Moss bien sûr, femme forte, handicapée mais engagée, courageuse et tenace malgré tous les aléas (pour ne pas dire pire…) qui lui arrivent. Et bien sûr, avec les TFI, on a droit à différentes variations de mêmes personnages, des variations parfois très éloignées les unes des autres, une sorte de vérification de la théorie du chaos et la démonstration que des choix anodins peuvent avoir un impact plus que significatif.
Il y aurait encore beaucoup à dire sur ce roman passionnant, redoutablement cohérent (cherchez la faille, je ne l’ai pas trouvée…), mêlant avec adresse thriller, spéculation, SF de haute volée, un brin d’horreur avec ce Terminus très évocateur, presque biblique, un zest de mythologie nordique (oui oui !), et qui, de plus, évite joliment un manichéisme qui aurait été malvenu devant tant d’autres qualités. Mais en dire plus serait spoiler. Le cocktail est surprenant mais ô combien savoureux et fait de « Terminus » (traduit impeccablement par Michel Pagel) un roman marquant, à dévorer sans plus attendre.
Lire aussi les avis de Gromovar, Lune, Anudar, Yogo, Célindanaé, Lutin82, Apophis, Touchez mon blog Monseigneur, Dup, Le Chroniqueur, Feyd Rautha, Brize, Xapur, Cuné, Artemus Dada, François Schnebelen.
Bon bon bon, je finis « Les Nefs de Pangée » qui me faisait de l’oeil depuis un bout de temps et je m’attaque à « Terminus ». Voilà, c’est dit. Et pour une fois, tu ne contribues pas à étoffer ma PAL, mais tu la réorganises un peu. ^^
« Les nefs de Pangée », très bon choix. Il avait été primé par le Prix PSF 2016, un signe qui ne trompe pas. 😉
Quant à « Terminus », fais gaffe, tu vas avoir du mal à décrocher.
Et t’as vu ? Je m’améliore, je ne pousse pas à l’achat mais je m’occupe de ton planning de lecture. XD
Et je t’en sais gré. Ce qui vaut mieux que « gras ».
Plus je lis les chroniques plus je me dis que je suis passé à côté d’un truc… :-/
Ben ça arrive. Ou plus simplement, tu n’as pas autant aimé que d’autres, et ça arrive aussi. Tu as même tout à fait le droit. 😉
J’ai loupé un truc… quelque chose que je n’ai pas compris et qui m’a fait sortir du récit. Et c’est frustrant.
J’ai eu beau relire une partie, je n’ai pas du remonter assez loin. lol
Par la force des choses, je l’ai lu trois fois et à chaque fois j’ai découvert des trucs à côté desquels j’étais passé. Il y a quelques livres (ou nouvelles) que j’ai publiés et que j’ai relu pour le plaisir un peu plus tard : « La Bibliothèque de Mount Char » de Scott Hawkins, « L’Histoire de ta vie » de Ted Chiang… « Terminus » fera peut-être parti du lot quand je l’aurais en partie oublié.
Tu sais ce qu’il te reste à faire, sur les conseils de Gilles : relis-le dans quelques mois. 😉
Tout à fait d’accord avec toi (mais compliqué à chroniquer sans spoiler, oui, ça aussi je suis d’accord 😉 )
Oui, il faut refréner l’envie d’en dire beaucoup tellement c’est enthousiasmant. Pas facile. 😀
Je suis friande de voyages temporels et j’imagine déjà le potentiel des TFI. Ceci dit, j’ai un peu peur de l’aspect « thriller » surtout s’il est angoissant.
Angoissant, pas vraiment, même s’il y a un ton assez sombre et que certains passages sont assez violents. Le côté « horreur » n’est pas à négliger.
C’est un roman assez difficile à chroniquer entre le spoil et donner l’envie de le découvrir.
Je sais déjà que je le relirai, j’ai dû louper deux trois trucs et je me concentrais plus sur le thriller. Au final, c’est un roman pas très cher…
Pas facile à chroniquer, l’envie d’expliquer tout le mécanisme des intrigues temporelles est difficile à refréner…
Pas très cher s’il faut le relire plusieurs fois avec toujours autant de plaisir, c’est pas faux. C’est même plutôt vrai. 😀
Outre le fait que trop de chroniques finissent par tuer mes envies de lire certains livres (désolé :P), je dois vraiment pas être dans la bonne période pour le lire parce qu’on me parle de voyage dans le temps et ça ne me fait même pas frétiller xD. On verra plus tard…
C’est le problème des livres très attendus qui atterrissent chez de nombreux blogueurs…
Le voyage dans le temps ne te fait pas frétiller ?? Ouh, là, va falloir consulter là ! 😀
Plus sérieusement, oui tu fais bien de remettre ta lecture en attendant d’être plus réceptive. Et quand ce sera le cas, je suis sûr que tu va apprécier. 😉
Plus je vois de chronique sur ce bouquin plus je suis tentée de le découvrir à mon tour ^^
C’est une belle tentation, tu ne devrais pas te retenir… 😉
Bon, je l’ai fini (tu es à 50% responsable de l’achat) mais je n’arrive pas à comprendre un paradoxe : la Navy voyage à travers l’espace et le temps grâce à une technologie…venant du futur. Il y a une poule et un œuf là-dedans. Et c’est très « nombril des USA » (au point que le 11 septembre en soit réduit à un incident, faut le faire) mais la thématique globale excuse la chose.
Ah tiens, je ne me souvenais pas qu’il était mentionné que cette technologie venait du futur. J’avais en tête qu’elle avait été développée dans les années 70, faisant de fait du roman une uchronie. Tu as sous la main le moment où l’origine de cette technologie est expliquée ? On peut considérer qu’avec les voyages temporels, on n’est pas à un paradoxe près… 😀
C’est vrai que c’est très centré sur les US, comme souvent malheureusement, mais le projet « Eaux Profondes » et les possibilités qu’il implique n’ayant été découverts que par les USA, ça reste compréhensible (même si on peut aussi se demander comment réagissent les autres pays quand leurs radars leur montrent des vaisseaux se dirigeant vers la face cachée de la Lune…).
Justement, l’origine de la technologie n’est jamais explicitée très clairement à part le fait qu’il a été difficile d’adapter les connaissances du futur mais que ça a permis de créer les vaisseaux de la Navy. Il n’y a pas de scientifiques « de l’époque » qui aurait travaillé là-dessus. Quand tu lis le début du bouquin, les vaisseaux existent, leur technologie vient du futur et point barre.
Et en effet, on se demande comment l’énigme de vaisseaux qui disparaissent brusquement derrière la Lune n’a pas interloqué le monde entier.
C’est assez flou oui, mais comme je le dis au-dessus, j’ai plus vu ça comme une uchronie dans laquelle la technologie permettant le projet Eaux Profondes s’est développée plus vite que dans notre monde.
J’ai adoré ! Le concept des TFI est vraiment géniale, et l’image du fouet brillante pour se le représenter.
C’est vrai que l’on s’interroge un peu sur les origines de cette technologie permettant de voyager dans le futur, mais comme toi, j’ai privilégié la thèse de l’uchronie, avec des chercheurs fous ayant une sacrée longueur d’avance sur nous 😉 Et un peu plus d’explications sur les NET n’auraient pas été de refus, j’avoue… Mais franchement quel roman !
Et bravo pour ta chronique, c’est effectivement très difficile de ne pas trop en dire, et tu as su trouver le juste équilibre 😉
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