Quelques nouvelles… (6)
« L’horreur de Red Hook », de H.P. Lovecraft
En bon inculte de Lovecraft (ou presque…), j’ai encore des tonnes de choses à découvrir du fameux auteur de Providence. Je ne me presse d’ailleurs pas, ayant en ligne de mire l’énorme intégrale qui va paraître (en 2020, c’est loiiiin) chez Mnémos. Mais quand d’autres récits font explicitement référence aux textes de Lovecraft, je préfère être à même de faire les comparaisons qui s’imposent ou voir les clins d’oeil plus ou moins appuyés. Et donc, avant de lire « La ballade de Black Tom » de Victor LaValle dans la collection « Une heure-lumière » du Bélial’, j’ai décidé de lire cette « Horreur de Red Hook » auquel LaValle fait plus que se référer dans sa novella.
Cette horreur donc. Car oui, on connaît le racisme de Lovecraft, un racisme qui transparaît quelques fois dans ses textes, de manière plus ou moins discrète, mais qui ici est absolument flagrant. Résurgence de la période qu’il a vécue à New-York, ville dont la mixité l’a horrifié, « L’horreur de Red Hook » est de ce point de vue assez détestable, plein de personnages « basanés, grêlés par le péché », des « êtres bâtards », et j’en passe…
Du côté de l’intrigue, c’est plus classique, sans être renversant. On a là un récit qui ne s’insère pas dans un quelconque mythe de Cthulhu plus ou moins artificiel mais un « simple » récit d’horreur mélangeant enquête policière, cultes secrets et ancestraux, sombres créatures oeuvrant dans les ténèbres. Lovecraft lui-même n’avait pas grande estime pour ce récit, qui se lit relativement bien malgré tout grâce aux talents narratifs de l’auteur (avec en prime quelques belles visions fantastico-fantasmagoriques), en dépit de ces tristes relents terriblement xénophobes… Mais bref, me voici armé pour lire le texte de Victor LaValle, et c’était bien le but premier en lisant ce récit.
Initialement parue dans l’anthologie officielle du festival des Imaginales 2017, « Hoorn » est une nouvelle de Estelle Faye qui s’attaquait ici pour la première fois (il me semble…) au genre du space-opera. Un space-opera intimiste puisque le récit met en scène quelques morceaux des journaux intimes de quelques membres d’équipage d’un vaisseau parti sur un autre planète, la Hoorn du titre.
J’ai écouté ce texte grâce à l’excellent site Coliopod qui permet d’avoir accès à presque une vingtaine de textes de SFFF. Je ne suis pas un adepte de la lecture audio, mon esprit ayant du mal à rester concentré longtemps sur l’écoute, mais cette fois-ci cela s’est très bien passé. Est-ce parce que les différentes parties sont plutôt courtes et variées ? Est-ce parce que le texte est lu par plusieurs personnes (dont Estelle Faye en personne) ? En tout cas, j’ai pris beaucoup de plaisir à « lire » ce texte à la fois hommage aux grands navigateurs maritimes, vrai texte de SF aux personnages touchants, et récit sur le sacrifice, le don de soi et le fait de tout donner pour un idéal auquel on croit plus que tout.
Très belle découverte donc, et il me tarde de replonger dans cet univers avec « Les nuages de Magellan », nouveau roman d’Estelle Faye (chez Scrinéo) dans cet univers, mais aussi (dans un genre différent) de lire « Les seigneurs de Bohen » (lecture trop longtemps repoussée).
« Le goût du sang », de Michel Pagel
Après l’excellent « La mort de John Smith » dans le Bifrost 91, j’ai eu une fulgurance. N’avais-je pas en ma possession d’autres récits de Michel Pagel issus de son univers de « L’ère de la fusion » ? La réponse est oui, un seul, paru initialement dans le Bifrost 30, et qui a dû être téléchargeable durant un moment puisqu’il était sur ma PAL numérique.
Court récit à chute, « Le goût du sang » nous permet de retrouver Herbie V. Quinn, le héros pygmée (inventeur de la quinnivresse, c’est à dire l’ivresse pour les vampires) du texte sus nommé. Le récit met donc en scène Quinn qui retrouve un vieil ami à l’occasion d’une fête. Un vieil ami qui a décidé de quitter la Terre suite à un grand chagrin d’amour.
Plutôt axé sur le mythe du vampire dans un univers SF, avec quelques développements sur l’évolution du monde terrestre notamment au niveau politique, le texte est, cela semble être une habitude avec Pagel, un vrai bonheur de lecture. C’est clair, c’est fluide, c’est joliment cohérent, et la chute, même si elle peut se voir venir, est d’une logique imparable. Décidément, je crois que je suis preneur d’un recueil de toutes les nouvelles de l’auteur dans cet univers…
« Magie des renards », de Kij Johnson
Pas de doute, Kij Johnson a une belle plume. C’était déjà le cas avec « Un pont sur la brume », c’est totalement confirmé dans ce récit en forme de conte japonais dans lequel une renarde (une kitsune) tombe amoureuse d’un homme qui vit non loin de son terrier. S’en suit magie, illusion, histoire d’amour contrariée, distorsion temporelle…
C’est donc bien écrit, c’est empreint d’onirisme et, du si peu que j’en connaisse sur les légendes japonaises, l’autrice semble avoir une bonne connaissance du sujet pour se l’être approprié de manière personnelle tout en respectant le matériau de base (les kitsune donc, mais aussi la hoshi no tama par exemple). Avec une belle traduction de Mélanie Fazi (dans un texte dont les thématiques entrent tout à fait dans l’univers personnel de la traductrice, ça tombe bien), ce récit à la conclusion ouverte (mais satisfaisante s’agissant d’un texte sur l’illusion) ne peut que donner l’envie de découvrir d’autres textes de Kij Johnson. Tiens, en me tournant vers ma bibliothèque, je vois « La quête onirique de Vellitt Boe » qui me fait de l’oeil. Espérons que l’édition française n’en reste pas là…
J’ai beaucoup aimé Magie des Renards, le texte est vraiment très beau.
Et je te conseille fortement la Quête Onirique de Vellit Boe du coup ! Même si, il va falloir t’enquiller un peu de Lovecraft avant 😀
Oui, très beau, tout à fait dans le style onirico-nippon. 😉
Vellit Boe c’est prévu (il est d’ailleurs sur ma PAL), j’ai d’ailleurs déjà lu il y a quelques années « Les contrées du rêve », mais je préfère le relire avant de m’attaquer à l’hommage de Kij Johnson. Donc ça viendra mais pas tout de suite. 😉
Vous vous êtes donnés le mot pour ressortir « Magie des renards » en même temps et me faire regretter de ne pas l’avoir ? >.<
Tu me donnes envie avec le texte d'Estelle Faye, mais l'audio et moi c'est aussi compliqué… En tout cas je te confirme que tu peux lire "Les Seigneurs de Bohen", c'est sympa.
C’est tombé par hasard, pas de concertation sur ce coup là. Désolé si ça appuie là où ça fait mal… 🙁
Je ne suis pas adepte du tout de la lecture audio non plus, mon cerveau divague trop pour ça, mais sur ce coup là c’est assez captivant, d’une part parce que le texte en lui-même est très bon, et d’autre part parce qu’il offre sous forme de journal intime différents personnages incarnés par différents lecteurs. Ça rend l’audio varié et entraînant. Surtout qu’il y a Stéphane Platteau et Estelle Faye, et que côté lecture ils savent y faire (même si le premier force un peu sur l’accent russe mais ce n’est pas bien grave). Et puis ça dure une quarantaine de minutes, ce n’est pas bien long. 😉
Quant au « Seigneurs de Bohen », suite à une autre nouvelle d’Estelle Faye, tout aussi excellente (si ce n’est encore meilleure) dont je parlerai très bientôt, il a fait un bond et se retrouve parmi les priorités de ma PAL. Et son nouveau roman de space-op est dans mes priorités d’achats. 😉
J’avais beaucoup aimé la nouvelle de kij. Et non, je ne lirai toujours pas du Lovecraft.
Elle a du talent cette Kij Johnson, j’espère que le Bélial’ continuera de l’éditer.
Quant à Lovecraft, rien ne t’y oblige. 😉
Le roman d’Estelle Faye finira surement dans ma PAL 🙂
Les 2 nouvelles dans cet univers sont très sympas.
Pour Horreur à Red Hook, tu as bien fait de le lire avant le Victor Lavalle. C’est franchement un des plus mauvais textes de Lovecraft mais la comparaison avec ce qu’a fait Lavalle vaut le coup d’œil.
Pour le roman d’Estelle Faye, ça va arriver très rapidement sur ma PAL je crois !
Deux nouvelles ? Celle-ci donc, et il y en a une autre ? Curieux je suis !
Pour le texte de Lovecraft, je ne dirai pas qu’il est mauvais sur le récit, juste pas particulièrement remarquable par rapport à ce qu’il a écrit par ailleurs. En revanche, sur le côté raciste, c’est assez… dérangeant pour dire le moins. On le remarquait déjà sur d’autres textes, mais ici ça semble tellement viscéral…
Place au texte de Lavalle maintenant, la comparaison va être intéressante je crois. 😉
Magie des renards est un très joli texte, effectivement tu n’as plus qu’à poursuivre avec La quête onirique…
La nouvelle de Lovecraft m’a pas passionné mais c’est pas trop ma came, ce qui explique sûrement que le texte de Victor Lavalle ne m’ait pas convaincu plus que ça.
Et pas lu le reste ^^
J’aime bien Lovecraft, donc j’aime bien les Lovecrafteries… 😀 Vellit Boe, j’y viendrai un jour, il est sur ma PAL, faut juste que je révise « Les contrées du rêve ».
Trop marrant, j’ai dû lire Le goût du sang forcément, j’avais lu le Bifrost 30, il y a très longtemps. Je n’ai aucun souvenir alors que je me souviens parfaitement bien de la nouvelle de Dufour « Je ne suis pas une légende ». J’avais trouvé très sympa la nouvelle dans le 91, j’aime bien cet univers.
Il faut dire que Michel Pagel, même s’il se fait plutôt rare ces dernières années, ne sort pas de nulle part.
Et je confirme, c’est un univers atypique qui m’attire beaucoup. J’espère que ce que sous-entend le Bélial’ dans le numéro 91 se fera bel et bien…
Il n’est pas sorti quelque part Magie des renards ? Le résumé me parle étrangement alors que je ne télécharge pas les nouvelles gratuites du Bélial….
D’après nos amis de Noosfere, ce texte est déjà paru dans le recueil « Extrême-Orient » aux éditions de l’Oxymore en 2002 : https://www.noosfere.org/livres/EditionsLivre.asp?ID_ItemSommaire=39256
[…] renards », récipiendaire du Prix Theodore Sturgeon de la nouvelle en 1994 (même parcours que Lorhkan, en somme). Kij Johnson choisit le conte japonisant et la figure des kitsune, ces esprits renards […]