Issa Elohim, de Laurent Kloetzer
Quatrième de couverture :
Europe. Demain.
Dérèglements climatiques, terrorisme et guerres confessionnelles secouent les restes d’un ordre mondial en miettes et jettent des millions de réfugiés sur les routes. L’horizon est fluctuant ; le monde se recroqueville face à un futur incertain et menaçant. Et puis il y a les Elohim — ou prétendus tels. Des êtres exceptionnels, mystérieux, porteurs d’un espoir nouveau, et qui semblent s’incarner sur Terre de manière aléatoire.
Qui sont-ils ? D’où viennent-ils ? Que sont-ils ?
Valentine Ziegler est pigiste. Lorsque, depuis sa Suisse natale aussi préservée que sécurisée, elle entend parler de la présence possible d’un de ces êtres dans un camp de réfugiés tunisien géré par l’agence européenne Frontex, elle auto-finance en hâte son voyage dans l’espoir d’un reportage digne d’intérêt. Valentine est toutefois très loin d’imaginer au devant de quoi elle se précipite, l’étendue de la révolution à laquelle elle va se mesurer. Une possible épiphanie à même de changer sa vision du monde, si ce n’est le monde tout entier…
Issa m’a donné la foi
Futur proche, terrorisme, réchauffement climatique, crise migratoire. Rien que nous ne connaissions déjà… C’est dans ce contexte malheureusement familier que la journaliste Valentine Ziegler se voit offrir la possibilité d’un reportage au sein d’un camp de réfugiés en Afrique du Nord géré par l’agence Frontex. Elle apprend rapidement qu’un Elohim s’y est manifesté. C’est une nouvelle perspective sur les évènements de cet avenir proche qui va s’ouvrir devant elle…
Un Elohim donc. Wikipédia nous apprend que ce mot signifie (pour faire court) dieu en hébreu. Cet Elohim s’appelle Issa, qui est (Wikipedia encore) le nom de Jésus dans le Coran. Et la quatrième de couverture nous parle d’une « épiphanie ». Les choses sont claires : cette novella a pour thème principal la foi. La foi en ces étranges créatures, ces Elohim, qui apparaissent aléatoirement du jour au lendemain, qui manifestent aléatoirement là aussi d’étonnantes facultés (téléportation ?), n’apparaissent pas sur les photos, là où les religions classiques ne sont plus d’aucun secours. Comme une nouvelle religion basées sur ces nouveaux messies porteurs d’espoir. Valentine, bouleversée par sa rencontre avec Issa, dont l’innocence et la pureté provoquent immanquablement l’affection et auquel s’attachent trois réfugiés qui ne veulent plus le quitter, va donc tout tenter pour les amener en Suisse, nouvelle Terre Promise de ses migrants et de leur messie.
Beaucoup d’humanité se dégage de cette novella de Laurent Kloetzer, rattachée à l’univers des romans « L’anamnèse de Lady Star » et « Vostok » mais qui peut tout à fait se lire indépendamment, les liens étant particulièrement ténus. Des personnages attachants, un questionnement pertinent sur la foi et la religion sans forcer la main à qui que ce soit (que sont ces Elohim ? Sont-ils autre chose que de simples mystificateurs de génie ? A une époque où les fake-news et autres hoax circulent plus ou moins librement, la question peut se poser…), des thématiques très actuelles (la crise migratoire bien sûr, les conditions de vie dans les camps de réfugiés, mais aussi les différentes manoeuvres politiques en rapport avec cette crise qui touche la plupart des pays européens), tels sont les ingrédients de cette novella très réussie.
Avec beaucoup de finesse, Laurent Kloetzer s’empare donc d’un sujet de société très actuel et le fait dériver de manière intelligente et sans morale aucune vers un questionnement très personnel quant à la foi, le besoin de croire en quelqu’un ou en quelque chose pour avancer. A ce titre, Issa reste une énigme. Est-il réellement un messie divin venu pour accompagner quelques personnes vers un monde meilleur ? Est-il un extraterrestre dont le but nous reste inconnu ? Une hallucination collective ? Ou bien un petit malin surfant sur une vague médiatique pour se sortir d’une situation sordide ? De même, c’est la rencontre entre Valentine et Issa qui va tout changer pour ces quelques réfugiés. Mais est-ce Issa qui les mène vers une nouvelle Terre Promise ou bien est-ce Valentine qui est le moteur de cette migration avec l’aide d’un homme politique très ancré à droite (lui aussi à la recherche d’une sorte d’illumination, un personnage complexe et très travaillé, loin de la caricature qu’on aurait pu craindre pour un homme politique proche de l’extrême droite face à la croise migratoire), quand bien même elle considère être sous l’influence mystique de ce nouveau messie ?… Finalement, Issa ne possède-t-il donc pas uniquement les pouvoirs que l’on veut bien lui donner ? N’apparaissent-ils que parce ce l’on a besoin de croire (et à ce titre, on ne peut que faire le rapprochement avec le ghost de « Vostok ») ? La question reste posée, au lecteur de se faire sa propre interprétation.
Bonne pioche donc que ce récit, assez peu SF en somme, mais qu’importe le flacon… La collection « Une heure-lumière » reste toujours aussi pertinente dans ses choix.
Lire aussi les avis de Angua, Le fictionaute, L’ours inculte, Xapur, Just a word, Boudicca, Yogo, Blackwolf, Samuel, Vert, Shaya, Nebal, Charybde 27, Fantastinet, François Schnebelen, La fille qui n’aimait rien, Un bouquin sinon rien, Thomas Léon.
Article publié dans le cadre des challenges Summer Short Stories of SFFF saison 4, par Lutin82.
Le seul qui fait défaut dans ma collection UHL.
Faut que j’y remédie, surtout après ton billet qui est un de ceux qui me convainc vraiment.
C’est un récit assez particulier, qui navigue entre SF, fantastique et… peut-être aucun genre en fait. En tout cas, il est vraiment très réussi.
Merci ! 😉
Bien aimé aussi même si j’ai pas tout compris (mais bon je l’ai clairement lu à une période où mon cerveau était dans les vapes xD)
Je ne suis pas sûr que ce soit un roman qui nécessite de tout comprendre en fait, de nombreuses questions restent posées et seul le lecteur a les réponses, qui ne seront pas les mêmes que le lecteur d’à côté…
Heureusement que je sais que je suis Kloetzer compatible, sinon je crois que j’aurais très peur de lire cette novella, même si tu en parles très bien. ^^
Rassure-moi par contre, il n’y a pas de mauvaise référence cachée dans ce « Issa m’a donné la foi » hein ? =P
En fait, si on y réfléchit, c’est un thème qu’il a plusieurs fois abordé de manière plus ou moins détournée à travers le ghost de « Vostok », le personnage principal de la nouvelle « Ao », et il y en a sans doute d’autres qui parsèment sa bibliographie…
Quant au titre de cet article, non Ophélie Winter n’apparaît pas dans le texte… 😀
C’est vrai qu’il est sympathique, mais même sans avoir le cerveau dans les vapes j’ai pas tout compris ^^
Comme je le disais à Vert, tout comprendre n’est pas une fin en soi dans ce texte. Il interroge le lecteur de manière très personnelle, et les réponses seront différentes en fonction des lecteurs. Il n’y a donc pas qu’une seule « solution ». 😉
J’ai bien aimé cette histoire de « Ghost ». Cette novella m’a plus parlé que Vostok !
Et elle est cruellement d’actualité…
C’est la fin de « Vostok » qui est un peu obscure, le reste est très bon. « Issa elohim », malgré son mystère non-résolu, est plus immédiat, plus accessible peut-être d’une certaine manière. Et terriblement d’actualité oui…
Un peu obscur c’est un euphémisme….
Ha oui c’était un beau texte, même si la fin m’a déplu – je souhaitais quelque chose de plus tranché.
Personnellement j’aime beaucoup ce mystère qui n’est pas levé, ça laisse une grande part à l’interprétation.
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