Olangar, Bans et barricades tome 1, de Clément Bouhélier
Quatrième de couverture :
Dix-sept ans ont passé depuis la bataille d’Oqananga, où la coalition entre les elfes et les hommes a repoussé les orcs par-delà les frontières.
À l’approche des élections, Olangar est une capitale sous tension, véritable poudrière où seule manque l’étincelle. Tandis que les trois candidats noircissent les journaux de leurs promesses, les ouvriers s’épuisent dans les usines, les accidents se multiplient sur les chantiers navals et la Confrérie des nains menace d’engager un mouvement de grève d’une ampleur sans précédent. Leur meneur, Baldek Istömin, ira jusqu’au bout.
Au même moment, Evyna d’Enguerrand, fille d’un ancien seigneur de guerre, débarque en ville pour chercher la vérité sur la mort de son frère, assassiné au Grand Mur dans d’étranges circonstances. Pour l’aider, elle fait sortir de prison Torgend Aersellson, un elfe banni par les siens et vieil ami de son père. Ensemble, et avec l’aide de Baldek, ils se lancent dans une enquête acharnée qui les mènera des bas-fonds de la cité aux confins du royaume, là où l’ombre des orcs menace encore.
La lutte des classes (de personnages)
C’est vrai, la fantasy « classique » médiévale fantastique avec nains, elfes et autres créatures popularisées par Tolkien, se fait rare. Il faut dire qu’on a lu mille fois ce genre d’univers. Bien sûr, de temps en temps ça ne fait pas de mal, on peut avouer aimer ça, mais il faut bien le dire : c’est sans doute un peu passé de mode, la fantasy ayant prouvé depuis quelques années maintenant qu’elle était capable d’aller bien au-delà de ce contexte médiéval fantastique usé jusqu’à la corde. Et donc, réutiliser ces poncifs et satisfaire le lecteur demande d’aller au-delà de ce qu’on ne connait que trop bien. Et c’est ce qu’a réussi Clément Bouhélier avec ce premier tome de « Olangar, bans et barricades ».
Car il a déplacé le contexte médiéval fantastique vers un contexte de révolution industrielle. Et mine de rien, ça change pas mal la donne. Les nains ont quitté leurs montagnes et sont venus travailler en ville, là où le travail se trouve. Les usines ont poussé un peu partout, les villes se sont étendues, des cités-dortoirs sont apparues, faisant reculer d’autant les terres agricoles, les chemins de fer sont le moyen de locomotion le plus rapide et le plus répandu. Les elfes restent encore assez mystérieux alors que les orcs, après une invasion qui a bien failli être fatale au « monde libre », continuent d’harceler l’ouest du royaume. Un royaume qui est d’ailleurs passé de la monarchie absolue à la monarchie parlementaire à la suite d’une Révolution une centaine d’années avant le début du roman. Et justement, au début du roman, les élections pour élire un nouveau chancelier approchent tandis que le monde ouvrier gronde devant les nombreux abus dont il est victime de la part des patrons qui l’emploient.
C’est dans ce contexte que nous faisons la connaissance avec Torgend Aersellson, un elfe qui a participé à la guerre contre les orcs quelques années auparavant et qui, après avoir été banni par son peuple, se retrouve quelque peu désoeuvré à Olangar, la capitale du royaume. Il va rapidement rencontré Evyna d’Enguerrand, la fille d’un dirigeant d’une province du sud, qui a lui aussi participé à la guerre. Elle va tenter de le convaincre de l’aider à enquêter sur la mort de son frère dans d’étranges conditions. Dans le même temps, les tensions sont maximales du côté des nains, exploités par les grandes sociétés industrielles. Baldek Istomïn, membre de la Confrérie des nains (ni plus ni moins qu’un syndicat), va devoir prendre les choses en main.
Et c’est ainsi que Clément Bouhélier nous plonge dans un monde d’intrigues et de violence dans lequel les politiciens ne pensent qu’à leurs petites affaires (en magouillant), la pègre ne pense qu’à son influence (en magouillant et accessoirement en tuant), les entreprises ne pensent qu’à leur profit (en magouillant). Les dessous de l’affaire du meurtre du frère d’Evyna sont évidemment très gênantes pour le pouvoir en place et remontent jusqu’au plus hautes instances du pouvoir, en passant par toutes les forces en présence (gouvernement, pègre, syndicat, grandes entreprises, etc…). L’auteur mène sa barque avec efficacité, sans temps mort, le tout rythmé par quelques révélations pour ne pas relâcher l’attention du lecteur, mais aussi quelques scènes d’action qui ne manquent pas de bravoure (avec une attaque d’un train qu’on croirait tout droit sortie d’un western).
Sur le plan de l’intrigue, en plus d’une facette d’enquête plutôt réussie et clairement amenée, on a une facette plus politique qui montre que Clément Bouhélier a lu le parfait petit manuel marxiste avant de s’atteler à l’écriture de ce roman. Tout y est : les grandes sociétés qui ne pensent qu’à l’argent, des ouvriers exploités jusqu’à la mort, des politiciens au-dessus de la mêlée et déconnectés de la réalité (bizarrement, ça n’a guère changé de nos jours…). La lutte des classes est bien présente avec des ouvriers qui n’ont que leur force de travail à faire valoir, et qui donc tentent de faire avancer leur cause sociale par la grève générale, qui devient inévitablement un conflit sanglant.
Tout cela se lit avec ravissement, et le mélange (assez peu vu jusqu’ici) fantasy classique + révolution industrielle fonctionne vraiment bien. On pourra sans doute regretter que les seuls personnages un peu approfondis soient les trois héros (il est d’ailleurs frappant de constater que ce sont les seuls, hormis les dirigeants du royaume puisque leur statut l’impose, qui ont un nom et un prénom. Les autres ne sont désignés que par leur seul prénom…), encore que pour l’un d’entre eux il y ait de nombreuses zones d’ombre, ce qui n’empêche pas Clément Bouhélier de jouer avec nos sentiments quand il décide de se faire un peu cruel avec les personnages secondaires…
Alors bien sûr, on attendra le deuxième tome (déjà sorti et ce à peine quelques semaines après le premier, belle initiative) pour se prononcer sur l’ensemble, mais cette première partie se lit avec un plaisir non dissimulé et a le bon goût de ne pas se terminer sur un cliffhanger de fou mais sur un changement dans les rapports de force, une conclusion qui fonctionne d’ailleurs tout aussi bien pour donner envie de lire la suite. Une suite que, au vu du délice que fut ce premier volume, je vais m’empresser d’avaler avec délectation…
Lire aussi les avis de Célindanaé, Dup, La dryade intersidérale, Fantasy à la carte.
Ravie que tu ais autant apprécié ce premier tome. La suite est du même niveau tu verras 🙂
Tant mieux ! C’est pour bientôt. 🙂
Ravi aussi que cela t’ait plu 😉
C’est mérité ! 😉
Un nouvel avis positif qui me conforte dans mon envie de le tenter celui ci 🙂
Alors laisse-toi tenter, il y a bien une raison pour autant d’avis positifs. 😉
La fantasy industrielle, c’est un concept vraiment tentant. J’aurais juste préféré que cela tienne en un one-shot…
Faut le percevoir comme un gros one-shot qui ne tenait pas dans un seul volume 😀
J’allais le dire, un gros one-shot de 900 pages. 😉
@Lorhkan : Certes, mais ça fait gros du coup. =P
Parce que bon, dans ce cas n’importe quelle série n’est qu’un one-shot découpé. =O
Oui mais non. À partir de la trilogie, le one-shot n’existe pus. Oui c’est un règle totalement personnelle, mais voilà. 😀
Vous ne m’aurez pas monsieur le représentant Critic. =P
Je ne veux que ton bien ^^
Une de mes toute prochaine lecture ! Ta chronique donne très envie ! 🙂
Tu devrais te régaler. 😉
Ta chronique donne envie, mais quel titre bidon !
Ramon Mercader
Certes ce n’est pas son meilleur atout, mais il ne faut pas s’arrêter à ça. 😉
Le royaume de la magouille, décidément il fait des émules ce bouquin ^^
Ah oui, là où il y a de la politique et de l’argent, il y a de la magouille malheureusement… Ce roman l’illustre bien. Et donne beaucoup de plaisir au lecteur. 😉
Un jour lointain peut-être, je me laisserai peut-être tenter par la fantasy industrielle. On verra bien !
Ça change de la fantasy classique médiévale fantastique. C’est plus pollué, mais d’une certaine manière c’est rafraîchissant ! 😀
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