La Fantastique Famille Telemachus, de Daryl Gregory
Quatrième de couverture :
Teddy Telemachus est un escroc charismatique aux mains habiles. Fauché, il participe à une étude sur les perceptions extra-sensorielles secrètement dirigée par la CIA. C’est là qu’il rencontre Maureen McKinnon. Il succombe non seulement à ses beaux yeux bleus, mais aussi à la force de son esprit – car Maureen est une authentique médium.
Après une idylle mouvementée, Teddy et Maureen se marient et ont trois enfants surdoués, avec lesquels ils forment la Fantastique Famille Telemachus, qui sillonne le pays pour présenter les pouvoirs de chacun au public. Irene est le détecteur de mensonges humain, Frankie peut déplacer des objets par la force de sa pensée et Buddy, le benjamin, sait prédire l’avenir. Hélas, un soir, la tragédie va les diviser.
Des décennies plus tard, les Télémachus ne sont plus si fantastiques. Irene est mère célibataire et sa capacité à déceler les mensonges l’empêche tout autant de conserver un emploi qu’une relation amoureuse. Frankie, lui, doit une somme importante aux anciens associés mafieux de son père. Quant à Buddy, complètement replié sur lui-même, creuse un trou mystérieux dans la cour. Pour compliquer les choses, la CIA réapparaît, au cas où il resterait un peu de magie au sein du clan Telemachus. Et le fils d’Irene, Matty, vient de vivre sa première sortie de corps. Il n’en a parlé à personne, mais ce pouvoir sera peut-être nécessaire au salut des siens – à moins qu’il n’achève de déchirer sa famille…
Mobilisant toute l’imagination qui a fait de lui un conteur reconnu, Daryl Gregory nous livre un roman surprenant et hilarant mettant en scène une famille de rêveurs surdoués et les forces invisibles qui nous lient tous.
Arnaque, paranormal et mafia
Quelle curieuse famille que voilà ! Et qui, disons le tout de go, est l’atout numéro un du nouveau roman de Daryl Gregory, auteur désormais bien installé dans le paysage de la littérature fantastico-SF. Car entre Buddy qui peut prévoir l’avenir, Frankie qui a le don de télékinésie, Irene qui sait détecter les mensonges (et même le fils de cette dernière, Matty, qui se découvre la possibilité de sortir de son corps sous certaines conditions disons… très particulières), accompagnés de leur parents Maureen, médium dotée d’une puissance exceptionnelle qui attire bien des convoitises (malheureusement décédée) et Teddy, qui est le seul membre de la famille non doté de pouvoirs particuliers, si ce n’est celui d’être un arnaqueur de première, difficile de s’ennuyer. Quoique, mais j’y reviendrai.
Avec des dons pareils, on peut imaginer que la famille Telemachus a tout pour réussir dans la vie. Sauf que ces dons s’avèrent aussi, de manière assez classique, des malédictions. Pour Irene, la détection de mensonges n’a fait que ruiner sa vie sentimentale, la laissant seule avec un enfant à charge et forcée de revenir au domicile familial, tandis que voir l’avenir a conduit Buddy à totalement se replier sur lui-même, bricolant d’étranges modifications dont lui seul connait l’utilité dans la maison familiale . Quant à Frankie, il semble avoir perdu son don après quelques démêlés avec des personnes peu recommandables, et est perpétuellement à la recherche de la bonne idée lui permettant de gagner suffisamment d’argent pour rembourser ses créanciers mafieux. Et tout ceci est plus ou moins la conséquence des rêves de grandeur du père de famille, Teddy, qui avait imaginé devenir célèbre en montant un numéro pour la télévision, numéro qui a viré au fiasco.
Dès lors, c’est d’une famille moyenne mais malgré tout extraordinaire que Daryl Gregory va nous raconter les aventures. Entre mafia, arnaque, projet secret de la CIA (plus si secret) et fin du monde d’un côté, et premiers émois amoureux, tentatives d’auto-contrôle et rencontres par Internet de l’autre. « La Fantastique Famille Telemachus » (avec toutes les majuscules qui vont bien, du nom du numéro télévisuel imaginé par Teddy Telemachus) oscille ainsi entre fantastique (léger, les personnages ne sont pas des X-Men) et vie quotidienne, en offrant des personnages très souvent touchants dans leur mal-être. Tous sont cabossés par la vie, à des degrés divers, mais tous composent surtout une famille soudée, dont les membres n’hésitent pas (quoique…) à se porter mutuellement secours, même si les apparences sont parfois trompeuses. Teddy, pourtant pas le personnage le plus touchant au premier abord, en est l’archétype. Lui qui fait mine d’être détaché de tout ne manquera pas de prouver que la famille c’est sacré. En ce sens, il rejoint son épouse Maureen, femme calme, posée, aimante et trop vite disparue mais dont l’influence pèse sur tout le roman, alors que tout semble les opposer. Les autres personnages ne sont pas en reste, et tous ont quelque chose à offrir au lecteur.
Voilà pour le contexte. Dans le forme, Daryl Gregory a fait un superbe boulot. La narration est à la fois complexe et maîtrisée, faite d’incessants flashbacks toujours placés au bon endroit, ne perdant jamais le lecteur (si tant est que ledit lecteur est un minimum attentif) et éclairant toujours judicieusement le comportement des personnages ou leur personnalité. Des personnages d’ailleurs relativement nombreux mais dont aucun n’est délaissé : il n’y pas un seul héros dans ce roman qui tirerait toute la couverture à lui car le héros c’est la famille au complet et tous ses membres sont développés à part égale (les chapitres s’intéressent à chacun d’eux successivement, développant plusieurs fils d’intrigue se rejoignant sur la fin), c’est un joli tour de force. L’auteur montre également sa maîtrise des dialogues, vifs et enlevés. Ce sont eux qui font avancer l’intrigue, et ils font de belle manière, jamais ennuyeux, jamais bavards.
Et pourtant, là où le bât blesse, c’est sur la longueur. Car si tout ce que je dis au-dessus reste vrai du début à la fin, et que le roman ne peut être qualifié d’ennuyeux, il me reste le sentiment que l’auteur aurait pu faire plus court pour ce qu’il a à raconter. Un sentiment étrange tant tout semble à sa place dans ce récit, mais parfois c’est malgré tout un peu long, l’intrigue avançant à pas comptés. J’ai d’ailleurs coupé ma lecture en deux, en passant à d’autres choses pour me changer les idées. Je ne fais ça que rarement mais je crois que pour « La Fantastique Famille Telemachus », ce fut salutaire.
Reste un récit qui sait se faire régulièrement touchant, avec des personnages très justes et attachants. Sous une plume alerte et parfaitement maîtrisée jouant sur tour à tour sur l’humour, l’émotion, la psychologie ou l’action (et profitons-en pour saluer ici l’impeccable traduction de Laurent Philibert-Caillat, traducteur attitré des romans de Daryl Gregory, y compris chez son éditeur « historique » du Bélial’), « La Fantastique Famille Telemachus » accuse malheureusement un peu trop d’embonpoint avec ses 500 pages bien tassées pour emporter totalement l’adhésion. Dommage, mais quelle famille marquante malgré tout !
Lire aussi l’avis de Artemus Dada, Julie, Jake Vecchiet.
Je ne me jetterais peut-être pas dessus tout de suite mais je dois dire que le pitch est intéressant…
C’est très bien écrit, c’est bien construit. Il faut juste passer outre les longueurs.
Ça a l’air intéressant quand même, dommage pour les longueurs (et aussi pour cette couverture absolument immonde …)
Oui c’est dommage, mais si c’est un défaut qu’on ne peut pas manquer de souligner, le reste est vraiment sympathique, c’est ce que j’en retiens avec un peu de recul. 😉
Et pour la couverture, il faut dire merci (ou pas…) aux images libres de droit…
Heureusement que tu es là ! J’étais passée à côté de la sortie de ce roman 🙂 J’espère passer outre les longueurs car le synopsis m’intrigue !
Les longueurs ne le seront peut-être pas pour toi… 😉
Bonne lecture en tout cas, c’est malgré tout un bon moment de plaisir.
[…] Lorhkan, […]