La forme de l’eau, de Guillermo del Toro
Auréolé d’une pluie de récompenses (comptage en cours, puisqu’il est aussi nommé dans de nombreuses remises de prix qui n’ont pas encore eu lieu, j’en veux pour preuve les Oscars et ses treize nominations), « La forme de l’eau », nouveau film de Guillermo del Toro (qui montre qu’il est encore capable d’amener quelques projets à leur terme…^^), débarque en France. Les récompenses sont une chose, les louanges en sont une autre. Mais il semble bien que les deux s’accordent pour encenser ce long-métrage.
« La forme de l’eau » est avant tout une histoire d’amour, mettant en avant l’altérité, la différence. A la manière de « La belle et le bête », elle nous montre une femme muette, Elisa Esposito, pas bien riche (elle est femme de ménage dans un centre d’études militaires et scientifiques), ancrée dans ses petites habitudes (réveil à heure fixe, cirage de ses chaussures (car elle aime les belles chaussures), masturbation dans son bain le matin, etc…), dans les années 60, qui tombe amoureuse d’une étrange créature ramenée d’Amazonie par un militaire, le colonel Strickland.
Les militaires ne sont pas vraiment à faire dans la douceur, et étudier la créature signifie la provoquer, la blesser, la torturer. Pour la « dresser » comme le dit Strickland. Elisa va tomber sur elle un peu par hasard, d’abord curieuse, puis horrifiée par les traitements qu’elle subit. Elle qui connaît bien la notion de différence va peu à peu en tomber amoureuse, ce qui va la mettre elle, la créature mais aussi son entourage, en grand danger.
Rien que de très classique finalement. On a déjà vu ce genre d’histoire, l’amour qui transcende les différences, un antagoniste extrémiste, machiste, raciste et jusqu’au-boutiste aux méthodes expéditives (incarné par le génial et glaçant Michael Shannon), une course-poursuite pour fuir l’oppression, etc… Et il est vrai que ce film semble cocher la liste des passages obligés du genre. Avec finalement bien peu de surprises à l’horizon, c’est bien dommage.
Il reste néanmoins une très jolie histoire portée par une magnifique Sally Hawkins (une telle prestation sans décrocher un mot, je dis chapeau, elle confirme ici qu’il va falloir la suivre de très près), mais aussi quelques solides seconds rôles comme Richard Jenkins (dans le rôle de Giles, le voisin d’Elisa) ou Octavia Spencer (Zelda, la collègue d’Elisa) et bien sûr le terrible Michael Shannon, une esthétique qui n’est pas sans rappeler « Amélie Poulain » (notons un gros travail sur les décors et l’ambiance générale), jusqu’à une musique (signée par Alexandre Desplat) qui aurait pu venir du même film ou bien du jeu vidéo « Professeur Layton ». Il ne faudrait pas non plus amoindrir la portée politique d’un film qui place son histoire d’amour « différente » en pleine période de ségrégation raciale (l’allégorie du racisme est évidente, et l’homosexualité est aussi abordée), et qui nous offre pas mal de jolies scènes, qu’elles soient purement poétiques (la salle de bain transformée en aquarium, Elisa qui se met à chanter) ou bien argumentatives (Elisa qui essaie de convaincre son voisin de l’aider).
Mais tout de même, il est difficile de se départir d’un petit sentiment de paresse de la part de del Toro, sentiment accentué d’ailleurs par quelques incohérences ici ou là (la créature, aussi réussie soit-elle, ne semble pas très amphibienne anatomiquement parlant même s’il y a une tentative d’explication à cela, ou bien encore un centre de recherches dans lequel les caméras ne se situent que dans les couloirs mais pas dans les salles qui contiennent les sujets à surveiller…). Le petit grain de folie qu’on est en droit d’attendre de la part du réalisateur mexicain n’est malheureusement pas présent ici. Ceci dit, del Toro fait ce qui lui plaît (le film de kaijus avec « Pacific Rim », le film gothique avec « Crimson Peak », le film de comics avec « Hellboy » et « Hellboy 2 » et maintenant la romance) et malgré tout il le fait plutôt bien. Mais qu’on se souvienne de l’extraordinaire « Labyrinthe de Pan » et on mesure la différence de consistance entre les deux films.
Pas grave Guillermo, on t’aime toujours, on attend ton prochain film avec impatience, et on te souhaite bonne chance pour les Oscars.
Bon, je l’ai vu hier et je l’ai trouvé vraiment culcul, je n’ai vraiment pas d’autre mot. C’est joli, hein, et je comprends que ce soit un conte, mais bon voilà. Le méchant qui n’a rien pour lui m’a semblé particulièrement faible (et maintenant que tu cites la Belle et la Bête, je me dis que Strickland est vraiment du niveau de Gaston dans le film de Disney! ^^). Il y a de la jolie musique culcul tout le temps et des trucs culcul à la télé (sauf Mister Ed, le cheval parlant, qui veut présenter sa candidature pour aller dans l’espace!). À voir bien sûr, parce que les acteurs sont bons et qu’il y a des thèmes pertinents, mais perso je préfère quand Del Toro dirige des robots qui tapent sur des Godzilla avec des bateaux. 😀
Ben oui, c’est joli, c’est de la romance donc c’est forcément un peu culcul sur les bords, mais ça passe plutôt bien malgré bien grâce à son esthétique, sa bande-son (qui va de pair avec l’histoire et l’ambiance d’ailleurs). Mais c’est prévisible, avec une démonstration de ce qu’est le fusil de Tchekhov qu’on sent venir largement à l’avance sur la blessure de Elisa.
Maintenant c’est vrai, je garderai sans doute un souvenir autrement plus marquant de Pacific Rim, parce que bordel, des ROBOTS GÉANTS QUI FRACASSENT DES DINOSAURES ! EN UTILISANT DES BATEAUX EN BATTE DE BASE-BALL !!!!! AVEC DES RÉACTEURS DANS LES COUDES POUR TAPER ENCORE PLUS FORT !!!!!!!!!! AAAAAAAAAAAHHHHHHHHHH !!!!!!!!!!!!!!!!! 😀 😀 😀
Oui ce n’est pas très argumenté mais c’est comme ça ! 😀
Je reste curieuse à le découvrir. Ceci dit, le coup des caméras dans les couloirs et non dans les pièces à surveiller, c’est fort ! J’avais déjà repéré Sally Hawkins dans Blue Jasmine et We want sex equality.
Oui c’est assez curieux. Une manière de faire avancer le récit en faisant fi d’une certaine cohérence, c’est dommage…
Je vais surveiller de près Sally Hawkins, elle a un énorme potentiel !
Beaucoup aimé pour ma part (après ça faisait un moment que j’avais pas vu de film récent de Guillermo Del Toro -les robots géants c’est pas mon truc- du coup je perçois moins le côté répétitif/paresseux que tu n’es pas le seul à évoquer). L’histoire est simple mais bien mise en scène et visuellement j’ai trouvé l’ensemble vraiment très chouette. Et la BO est jolie aussi. Et puis j’étais tellement persuadée que je le verrais jamais au ciné celui-là que je suis trop contente rien que de l’avoir vu en salle xD
Je n’ai pas non plus vu toute la filmographie de Del Toro (me manque quelques uns de ses premiers films : Cronos, L’échine du diable, Blade 2. J’ai vu tout le reste. Ok, c’est déjà pas mal), mais suffisamment pour savoir à quoi m’en tenir et ce que peut faire le réalisateur.
Et je pense qu’il peut faire mieux, même si sur le côté esthétique il n’y a pas grand chose à redire (ce qui est logique, il a toujours mis l’accent sur ce point). Mais je ne sais pas, il me manque un truc, je n’ai pas été happé comme je l’aurais voulu.
Ha oui, je comprends, c’est un de tes derniers films avant longtemps, tu en as profité à fond ! 😛
Moi je l’ai trouvé agréable – sans que ça me bouleverse outre mesure alors que je suis très friand des mélos – surtout grâce aux deux actrices qui sont excellentes. Visiblement le film est une suite non officielle de L’ETRANGE CRÉATURE DU LAC NOIR et le look de la créature cite ce prédécesseur (d’où le côté hyper humanoïde). C’est aussi une espèce d’hommage au cinéma de quartier et des films de l’époque. Il y a un étrange mélange The Actor, Amélie Poulain.
Je l’ai largement préféré à Pacific Rims qui n’a aucun intérêt à mes yeux.
C’est vrai que la filiation avec « La créature du lac noir » peut expliquer bien des choses. On sent que del Toro s’est fait plaisir, son sens de l’esthétique fait toujours merveille, mais c’est vrai que dans le genre « rétro avec un filtre jaune vert », on a déjà eu en France Amélie Poulain qui a, quoi qu’on en pense, marqué l’imaginaire collectif. Pas facile de passer derrière… Mais on sent l’amour du cinéaste pour son art, une sorte d’hommage au cinéma, comme c’était en effet le cas pour « The artist » (c’est plutôt de ce film là dont tu parles, non ?).
Et pour Pacific Rim, c’est évidemment une histoire de goût, mais moi quand j’étais petit, je me faisais à peu près ce qui se passe dans le film avec des figurines, alors forcément quand je l’ai vu débarquer au cinéma, ça m’a fait quelque chose… 😉
« Au cœur de l’Amazonie, un paléontologue découvre un fossile de main appartenant à une espèce inconnue. Persuadé qu’il s’agit du chaînon manquant entre l’homme et le poisson, il rassemble une expédition pour exhumer le reste du squelette ». Ça y ressemble beaucoup. Oui, je voulais évidemment parler de The Artist.
Il me semble d’ailleurs que del Toro n’a jamais caché sa fascination pour « L’étrange créature du lac noir ». Il faut peut-être y voir une forme d’hommage.
Je doute de plus en plus pour aller le voir…. Le côté culcul me fait un peu peur 🙁
Il n’y a pas que ça heureusement, le côté culcul est même assez mineur en fait, par contre c’est relativement prévisible…
En revanche, l’esthétique et l’ambiance sont très réussis.
Perso je me suis laissée porter par ce film dont j’ai trouvé le ton et l’esthétique vraiment chouettes. L’histoire est prévisible certes mais c’est compensé par le reste.
Del Toro semble parti dans une veine où il fait du cinéma plus grand public avec du gros budget. Why not, cela amène le cinéma de genre à la portée de tout le monde et c’est bien. Faut juste espérer qu’il ne fasse pas comme Burton 😀
Clairement, côté ambiance et esthétique, il n’y a pas grand chose à redire. Après, oui c’est prévisible, oui ça flatte les amoureux du « vieux » cinéma (le cinéma américain des années 50), mais ça fonctionne quand même. La recette est éprouvée mais la modernité de l’esthétique et de la mise en scène font que ça fonctionne quand même, même si je suis persuadé que del Toro peut faire beaucoup mieux et que là il « ronronne » un peu.
Je te rejoins sur le côté grand public de del Toro et sa nouvelle manière d’amener le cinéma de genre auprès du plus grand nombre, chose dont je ne me plaindrai certainement pas. Et puis après avoir flatté les geeks (les deux « Hellboy », « Pacific Rim »), il a en effet bien le droit de viser un autre public. Et vu les récompenses qui pleuvent, ça a l’air de marcher.
Espérons en effet qu’il ne perde pas la flamme comme Tim Burton…