Quelques nouvelles… (2)
« Face-à-face avec Méduse », de Arthur C. Clarke
En vue de lire le roman écrit à quatre mains par Alastair Reynolds et Stephen Baxter, « Les chroniques de Méduse », qui parait prochainement chez Bragelonne, je ne pouvais pas ne pas me pencher sur le texte qui en est la source, c’est à dire la nouvelle d’Arthur C. Clarke, « Face-à-face avec Méduse », présente dans l’énorme intégrale des nouvelles de l’auteur, « Odyssées ».
J’ai relativement peu lu Clarke, mais j’ai toujours pris une belle claque, que ce soit avec « Rendez-vous avec Rama », « Les enfants d’Icare » ou bien « 2001 : l’odyssée de l’espace ». Il n’y en a pas deux comme lui pour faire naître un énorme sense of wonder en faisant prendre conscience au lecteur de la petitesse de l’homme au sein de l’univers et des mystères insondables qu’il renferme. En bref : j’adore (il faudrait que je continue ma découverte d’autres romans de l’auteur d’ailleurs).
Et ce n’est pas avec cette nouvelle que ça va s’arrêter. Alors certes ce texte a moins d’ampleur que ses romans (ceux que j’ai lus en tout cas), de par sa longueur bien sûr, mais aussi de par son contexte puisqu’il se limite à Jupiter. Mais c’est une irrésistible ode à la conquête spatiale (le roman est paru en 1971, en pleine exploration lunaire donc, avec toutes les excitantes perspectives d’alors) ! L’histoire est toute simple : un pilote d’exception décide d’aller explorer l’atmosphère de Jupiter, une grande première que lui seul semble être à même de réaliser. C’est à la fois inventif, palpitant, un brin technique, et ça touche également des thèmes que je ne peux pas révéler ici sous peine d’éventer la belle surprise finale. C’est incontestablement du Clarke en bonne forme, qui ne fera pas se relever les amateurs de belle langue (mais on ne lit pas l’auteur pour ça), mais fera sans doute frémir de plaisir ceux qui rêvent des mystères de l’espace et de ce que peut cacher l’épaisse atmosphère jovienne… Un joli récit qui m’a un peu fait penser à ce qu’aurait pu écrire un Jack Vance tourné vers la hard-SF (oui je reconnais que c’est un curieux mélange).
Du coup, je suis prêt à lire le roman de Baxter/Reynolds (d’ailleurs si vous prévoyez de lire le texte de Clarke, évitez comme la peste la quatrième de couverture des « Chroniques de Méduse » qui révèle la chute du texte de l’auteur britannique). Quant aux nouvelles de Clarke, je ne me suis pas arrêté en si bon chemin, mais j’y reviendrai en temps voulu, soit dans un article consacré à « Odyssées », soit dans un article du même type que celui-ci.
« Pékin origami », de JingFang Hao
Ce texte, lauréat du Prix Hugo 2016 de la meilleure novellette (c’est à dire plus long qu’une nouvelle mais plus court qu’une novella, bonjour la segmentation !) est paru en France dans l’anthologie des Utopiales 2017. Écrit par une autrice chinoise, JingFang Hao, c’est une nouvelle démonstration de l’importance que prend peu à peu la SF chinoise et des idées qu’elle apporte. Car des idées, ce texte n’en manque pas.
Le récit se déroule à Pékin, dans un avenir non daté. La ville est partagé en trois, pour différentes couches de la population. Un jour sur deux est réservé à l’élite, les plus aisés. A la fin de cette journée, le ville « tourne » pour enterrer ses habitants les plus riches (et les mettre en sommeil), et déterrer la population intermédiaire qui aura seize heures de vie active. Puis au bout de ces seize heures, nouveau roulement qui fait place pour les huit heures suivantes aux déshérités. Puis retour aux vingt-quatre heures des riches, etc… Ad vitam eternam. Bien évidemment, les passages entre les différents espaces sont prohibés alors que les plus pauvres sont les plus nombreux, dans un espace restreint avec peu de temps accordé et qui n’est utilisé quasiment que pour travailler et gagner durement (et faiblement) sa vie. Une sorte de dystopie sociale qui n’est pas sans rappeler « Les monades urbaines » de Robert Silverberg. Un homme issu de l’espace des pauvres, Lao Dao, peinant à payer l’école de sa petite fille, se verra offrir l’opportunité de gagner une somme conséquente, à condition de porter un message dans l’espace des riches.
« Pékin origami » est donc un texte à forte dimension sociale (avec sa critique de la haute société et ses œillères, elle qui ne voit pas, ou ne souhaite pas voir ce qui se passe dans les autres espaces) mais également économique avec cette étonnante façon « low-tech » de régler la problématique du chômage de masse. Dans le même temps, cette acceptation de l’injuste situation socio-économique et de la ségrégation qui en découle par Lao Dao, sans ressentir le besoin de la renverser (un état d’esprit « à la chinoise » ?), va un peu à l’encontre de ce qu’on a l’habitude de lire. Le récit n’est pas là pour donner à voir une révolution, simplement faire un constat. Étonnant, mais surtout réussi.
« Un espion sur Europe », de Alastair Reynolds
Parue initialement en France dans le Bifrost numéro 46, cette nouvelle est reparue à l’occasion des 20 ans de la même revue, au sein du « best-of » offert alors par les éditions du Bélial’ (dorénavant indisponible). Elle fait partie du vaste « Cycle des inhibiteurs », cycle composé de quelques volumineux romans (quatre en France, six en VO) mais aussi d’un recueil de deux novellas, « Diamond dogs, Turquoise days », recueil que j’ai lu et apprécié. C’est amusant d’ailleurs de constater que c’est la deuxième fois que je m’approche de ce cycle « par la bande », sans toutefois y mettre vraiment le pied (les novellas et la nouvelle dont il est question ici sont tout à fait lisibles de manière indépendantes), comme si j’avais peur de m’y mettre. Ce n’est sans doute pas totalement faux…
Ce texte, mélange d’enquête, d’espionnage (ou contre-espionnage avec à la clé agents doubles ou triples…) et d’un brin d’horreur SF, est une jolie réussite (un homme envoyé sur Europe, satellite de Jupiter (encore ! ^^ ), est chargé « d’extraire » une taupe travaillant en secret pour une autre organisation que celle qui l’emploie réellement), qui se lit à toute vitesse et réserve son lot de surprises (même si on sent un peu venir la toute fin). Une belle maîtrise du rythme font qu’on ne peut pas s’arrêter avant de le terminer (en même temps c’est une nouvelle, ça ne prend pas des plombes…). Et surtout des thèmes typiquement SF maniés avec une belle dextérité (transhumanisme, colonisation spatiale, manipulations génétiques, etc…). Un bel exemple de ce que sait faire Alastair Reynolds. Promis, je me replonge et termine le cycle des « Enfants de Poséidon », entamé avec « La Terre bleue de nos souvenirs ».
Merci pour cette petite revue de nouvelles, ça me rappelle que j’en ai moi aussi plein à rattraper !
Avec plaisir !
Il m’en reste un gros paquet…
J’en ai deux de ta liste à mon programme : Alastair Reynolds, et suite à l’article d’Apophis, je compte lire la Méduse de Clarke.
Je fais bien à ce que je lis! 😉
En effet, ces deux textes sont très sympathiques. Je suis dans une veine très « hard-SF spatiale » en ce moment. Il va à nouveau y avoir du Reynolds prochainement sur le blog (et du Clarke aussi mais dans un peu plus longtemps, son intégrale de nouvelles étant vraiment énorme !). 😉
Validé par Aoophis et Lorhkan, je vais donc lire la nouvelle de Clarke ! Merci.
Yep, tu peux y aller, c’est du bon ! 😉
Très intéressant tout ça.
Je n’ai pas lu cette nouvelle de Clarke mais comme je le reconnais à ce que tu en dis! 🙂
Un grand auteur tout simplement, un de mes préférés. 😉
Maintenant que j’ai récupéré ces Clarke, il faudrait que je leur fasse un sort, ton billet me le rappelle !
Clarke mérite d’être lu, tu n’as plus d’excuse. 😉
[…] avis de Yogo, Lorhkan, Lutin et […]