La cité du futur, de Robert Charles Wilson
Quatrième de couverture :
Pour cinq ans seulement, jusqu’en 1877, la cité de Futurity dresse ses immenses tours jumelles au-dessus des grandes plaines de l’Illinois. Depuis Futurity, des hommes du futur viennent visiter le XIXe siècle. Et, contre une fortune en métaux précieux, les autochtones peuvent dormir dans la tour n° 1, véritable vitrine technologique d’un incompréhensible XXIe siècle.
C’est dans cette cité, construite à partir d’un futur parallèle, que travaille, comme agent de sécurité, Jesse Cullum, un autochtone. Parce qu’il a sauvé le président Ulysse Grant d’une tentative d’assassinat, Jesse se voit proposer une promotion : assisté d’une femme du XXIesiècle, il va devoir mener l’enquête.
Mais que va-t-il réellement découvrir? Un complot pour tuer le président… ou les inavouables secrets de Futurity ?
Après avoir imaginé le futur des réseaux sociaux dans « Les Affinités », Robert Charles Wilson revient avec ce roman de voyage dans le temps a priori plus classique, où les surprises s’enchaînent à un rythme vertigineux.
Western et tourisme temporel
Le voyage dans le temps, voilà un thème mille fois utilisé dans la science-fiction. Robert Charles Wilson lui-même s’y était déjà attelé dans « A travers temps » par exemple. Il remet le couvert ici, mais il ne faut pas s’attendre à des aventures échevelées à base de paradoxe temporel, Wilson fait du Wilson et s’intéresse donc avant tout à ses personnages. D’ailleurs, le problème du paradoxe temporel est assez vite mis à la poubelle, j’y reviendrai.
« La cité du futur » nous place dans la ville du même nom (nommée « Futurity » pour être précis), construite par des citoyens du XXIème siècle dans le Far West de 1876 grâce à la technologie dite du Miroir (qui fonctionne très bien merci, mais ne cherchez pas à savoir comment, ce n’est pas le sujet). Tout le cœur du roman est là : la confrontation entre des touristes temporels, venus du futur et curieux de voir comment vivaient les hommes deux siècles auparavant, et ces personnes du XIXème siècle, qui n’ont rien demandé à personne mais qui se retrouvent face à des technologies qu’ils ne comprennent pas et des personnes qu’ils… ne comprennent pas non plus ! Toute ressemblance avec un constat qui peut être fait de nos jours sur le tourisme de masse n’est bien sûr absolument pas fortuit. Des autochtones transformés par une influence extérieure (qu’elle vienne des touristes eux-mêmes ou bien de l’entreprise à l’origine de la création de Futurity) qui n’a que faire de l’impact qu’elle laisse sur les populations locales, des touristes curieux mais surtout plein de mépris envers ces autochtones finalement bien arriérés (d’après leurs critères), et une société du XIXème siècle qui se retrouve obligée d’évoluer à une vitesse qu’elle ne peut pas gérer alors que ces touristes temporels finiront tous par retourner dans leur petit confort du futur sans se soucier des conséquences de leur voyage, ça en fait des thèmes pertinents traités avec justesse, mais peut-être de manière un peu trop détournée.
L’auteur s’intéresse tout particulièrement à Jesse Cullum, un homme du XIXème siècle, embauché en tant que vigile à Futurity, et à Elizabeth DePaul, une femme du XXIème siècle et agent de sécurité dans cette même ville. Deux personnages bien différents donc, qui seront obligés de coopérer (et donc de se comprendre alors que deux siècles les séparent. Mettez vous à la place de Jesse Cullum : les femmes jurent comme des charretiers et votent (!!), les Noirs travaillent et peuvent même devenir Président des Etats-Unis (!!!!), les couples homosexuels peuvent se marier (!!!!!!), etc… Mais du point de vue de DePaul, ce n’est guère plus reluisant…) dans une enquête à propos d’armes du futur mises à disposition de citoyens du Far West, conduisant à une tentative d’assassinat du Président des Etats-Unis d’alors, Ulysse Grant, assassinat évité de justesse grâce à la vigilance de Jesse Cullum.
Du Wilson pur jus donc. Une nouvelle fois des personnes ordinaires confrontées à des situations extraordinaires. Et c’est à nouveau ce qui fait sa force et sa faiblesse. Sa force en se plaçant « à bas niveau », celui des petites mains qui rendent Futurity et sa cohabitation avec les gens de 1876 possibles. Ça sonne juste, ça sonne vrai, Wilson a toujours eu un don pour donner de la consistance à ses personnages et c’est à nouveau le cas ici. Sa faiblesse car on a à nouveau (comme dans « Les affinités », qui reste par ailleurs un très bon roman) l’impression qu’il laisse un peu de côté un sujet en or qui fait baver tout amateur de SF.
Pourtant, la lecture est un régal, ça coule tout seul, les pages se tournent les unes après les autres, les personnages sont joliment développés et on arrive rapidement à la fin en ayant passé un bon moment. Certes, l’auteur a tout fait pour que l’accès à son roman soit aisé : ainsi il élimine d’un coup de baguette magique les aspects potentiellement « difficiles » tels les paradoxes temporels qui n’existent pas puisque le passé est en fait issu d’un univers parallèle. Impossible donc de tuer son arrière-grand-père. Problème réglé. Réglé certes, mais c’est encore un truc qui faisait baver les amateurs de SF. Tant pis.
Un bon roman donc, qui se lit en deux temps trois mouvements mais qui laisse l’impression persistante que la « Grande Histoire » s’est retrouvée éclipsée par la « petite », celle des personnages. L’impression d’être passé à côté d’un truc de grande ampleur. Le même symptôme que « Les affinités ». Un bon moment quoi qu’il en soit, mais qui aurait peut-être pu être encore plus fort en prenant un peu de hauteur.
Lire aussi les avis de Cédric, Gromovar, Yogo, Apophis, Lune, Efelle, Cornwall, Le chien critique.
Critique rédigée dans le cadre du challenge « Lunes d’Encre » de A.C. de Haenne.
Il me fait de l’œil celui-ci depuis quelques temps. Merci pour ton avis
De rien. Si tu le lis, prépare-toi à une belle aventure temporelle. 😉
Je considère le tourisme comme une vraie plaie d’un point de vue culturel mais en évacuant le paradoxe temporel, il allège les difficultés en effet.
C’est une manière de ne pas s’embarrasser de trucs potentiellement problématiques pour la narration et d’épineux problèmes de paradoxes éventuels. Ce n’est pas bien grave en soi, et d’ailleurs le fond du propos de l’auteur (sur le tourisme, entre autres choses) n’en souffre pas, donc l’essentiel est sauf.
C’est juste que l’amateur de trucs typiquement SF reste un peu sur sa faim…
« laisse l’impression persistante que la « Grande Histoire » s’est retrouvée éclipsée par la « petite », celle des personnages. L’impression d’être passé à côté d’un truc de grande ampleur. »
Tout à fait d’accord.
Wilson est habitué de nous faire Un grand roman suivi d’un bon divertissement. J’ai donc hâte que The cure sorte, et d’après ce qu’il en dit, ça devrait le faire !
Le problème, c’est que j’ai trouvé le même défaut pour « Les affinités » même si j’ai par ailleurs beaucoup aimé le roman… On verra bien ce que nous réservera son prochain, c’est Wilson, je le lirai donc forcément. 😉
je le lirai dans tous les cas! Car il semble fort sympathique même s’il n’atteint pas des sommets. La petite histoire des personnages me va bien! 😉
Merci. 🙂
Il est fort sympathique, j’en garderai certainement un bon souvenir même si on ne peut pas le classer dans les chefs d’oeuvre du genre (ni de l’auteur).
Celui-ci me tente bien, et d’autant plus si on peut rentrer facilement dans l’histoire, c’est un peu mon souci en ce moment !
Aucun problème pour rentrer dans l’histoire, Wilson sait y faire, ça se lit tout seul !
Intéressant, je ne connais pas cet auteur, il va falloir que je rattrape ma lacune !
Un auteur important, et des romans faciles à lire sans négliger le fond, faut pas hésiter. 😉
D’accord avec toi, on passe à coté de quelque chose de grand… mais cela reste un bon RCW, divertissant et dépaysant.
Et merci au chien critique pour l’info sur le prochain Wilson que je lirais aussi, évidemment ! lol
Je suis exigeant avec l’auteur ! Mais faut avouer que même un Wilson mineur reste un bon roman, comme c’est le cas ici.
Et oui, le prochain Wilson sera sans doute rapidement lu. 😉
Je partage ton avis : il est passé à côté de quelque chose, ça aurait pu être bien mieux. J’ai par ailleurs trouvé qu’il avait mis trop de temps à traiter son sujet : on passe par de premières péripéties qui nous permettent certes de découvrir les personnages, mais qui sont trop éloignées de la toile de fond.
Je terminerai juste en disant qu’en revanche je trouve les Affinités complètement abouties ^^ ! J’aurais juste aimé une suite, même si je ne suis pas certain que ce soit possible d’en faire une qui soit intéressante et qui ne tourne pas seulement en baston généralisée.
A+ !
Si tu veux une suite, c’est qu’il reste des choses à dire et que donc ce n’est pas tout à fait 100% abouti… 😛
C’est ce que je pense aussi, c’est pour ça que je disais donc mon article d’alors que j’aurais bien vu un roman de 600 pages, histoire de densifier ce futur imaginé par Wilson parce que comme ici, on suit les personnages au plus près et on ne voit la toile de fond que par le petit bout de la lorgnette alors qu’il y aurait eu tant à dire sur le développement de ce monde basé sur les réseaux sociaux 2.0.
Quant à « La cité du futur », même s’il est perfectible sur plus d’un point (je n’ai pas parlé des trois parties distinctes qui m’ont presque fait l’effet de trois nouvelles séparées, formant un tout. Comme un fix-up de nouvelles déguisé en roman), j’ai quand même passé un bon moment.
Oui effectivement, on a quasiment trois nouvelles séparées. Egalement d’accord sur le fait qu’on passe un bon moment de lecture. De manière générale avec Wilson c’est dur de passer un mauvais moment : il maîtrise bien les recettes pour nous faire tout de suite accrocher aux personnages et à leurs destins, même quand il rate son roman.
Honte sur moi alors, je n’ai toujours pas lu cet auteur ! Pas faute d’en avoir envie pourtant !
Pas de honte à avoir, dis-toi que tu as plein de belles choses à découvrir ! 😉
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