En remorquant Jéhovah, de James Morrow
Quatrième de couverture (tirée de l’intégrale de la trilogie) :
Long de trois kilomètres, le corps de Dieu dérive au large du Golfe de Guinée. Pour le remorquer discrètement, le Vatican affrète un super tanker sous le double commandement d’un baroudeur et d’un père jésuite…
Conte philosophique, satire irrésistible de la religion, de l’église, de l’Amérique et de son mercantilisme, trilogie d’aventure débridée conduit tambour battant, réflexion métaphysique sur l’ontologie et la liberté humaine, « La Trilogie de Jéhovah » est tout cela à la fois, une pure jubilation !
Une satire jubilatoire
Je me suis amusé comme un petit fou ! Vraiment, découvrir James Morrow fut une vraie révélation. Comme je le disais en introduction, il y a longtemps que je me disais que je devais lire l’auteur, et toujours j’ai repoussé à plus tard, cédant aux sirènes a priori plus affriolantes d’autres romans qui me tombaient sous la main. Oui, James Morrow, ce n’est pas toujours tout à fait de la SF, ni de la fantasy, ni du fantastique, c’est un peu à la croisée des genres ce qui a peut-être eu comme conséquence de ne pas ma taper dans l’oeil suffisamment fort. Quelle erreur ! Parce que ce « En remorquant Jéhovah » frôle le génie, tout simplement. C’est fun, c’est rythmé, c’est un brin irrévérencieux, c’est intelligent, c’est stimulant, bref vous l’avez compris, j’ai dévoré ce roman.
Trêve de blabla dithyrambique, un mot sur l’intrigue. Dieu est mort. Oui, carrément. Son corps flotte dans l’océan atlantique. Un corps long de trois kilomètres de long et pesant sept millions de tonnes. Les archanges, perdant petit à petit de leur substance (et leur auréole de leur lumière), ont décidé qu’il fallait récupérer le corps pour lui offrir une sépulture décente (en fait un tombeau dans les glaces de la banquise arctique pour le conserver à tout jamais et l’éloigner d’éventuels curieux). Pour ce faire, ils ont choisi Anthony Van Horne, un capitaine de pétrolier traumatisé par le naufrage de son bateau qui a provoqué une marée noire quelques années en arrière. Le Vatican sera bien sûr de la partie, d’une part pour s’assurer que tout se passe bien, d’autre part pour éviter que la chose ne s’ébruite. On imagine fort bien les dégâts d’une telle révélation sur ses ouailles…
Et c’est donc le point de départ d’une folle aventure, entre satire religieuse et roman maritime. Avec beaucoup d’humour, James Morrow déroule une intrigue qui ne manquera de traverser quelques remous. Entre Cassie Fowler, naufragée d’un voyage sur les traces de Darwin, féministe et farouchement anti-cléricale qui fera tout pour faire échouer cette Sainte Mission (car Dieu est un homme, cette éventuelle preuve d’une suprématie masculine doit être détruite !), un duo de passionnés de reconstitutions historiques missionnés par le fiancé athée de Cassie (et héritier de la fortune de son père qui a fait fortune dans les… préservatifs !) pour couler un golem japonais, un équipage sombrant dans la débauche la plus totale lorsqu’il se rend compte de la nature de son « colis », ou bien le corps de Dieu lui-même qui subit les pires outrages (grignoté par différents prédateurs, on danse nu sur son nombril, etc… Tiens, Dieu à un nombril ? Mmmmmh…), les péripéties ne manquent pas.
Et sous cette bonne dose d’humour subtil se posent tout un tas de questions plus malines qu’il n’y parait. Pourquoi Dieu est mort ? Que devient la morale judéo-chrétienne ? Faut-il révéler au monde cet évènement ? Ce qui est bon pour les hommes est-il bon pour la religion, et vice versa ? Philosophiquement, le roman est donc solide, avec pour atout majeur le fait que James Morrow a toujours gardé à l’esprit qu’il écrivait un roman d’aventures. Le récit est donc bien rythmé, nerveux, et gorgé de scènes pour moi déjà cultes (la rencontre avec l’archange Gabriel, la danse sur le nombril, les scènes de débauche, le bombardement, l’eucharistie finale…). Un vrai plaisir de lecture qui a le bon goût de ne fâcher personne en posant les bonnes questions.
Drôle et intelligent du début à la fin, sans baisse de rythme, doté de personnages très humains malgré d’inévitables effets un peu « too much » (mais c’est voulu et correspond tout à fait au style du récit), « En remorquant Jéhovah » est donc une révélation. Il FAUT que je lise d’autres romans de James Morrow. Et ça tombe bien, d’une part ce roman n’est que le premier d’une trilogie (j’ai acheté l’intégrale et le pitch du deuxième volume est à l’avenant du premier : le procès contre Dieu pour crimes contre l’humanité, instruit au tribunal international de La Haye !) et d’autre part son tout dernier roman , « L’arche de Darwin », vient de paraître en français. Attendez-vous donc à entendre à nouveau parler de James Morrow très bientôt…
Lire aussi les avis de Ragle Gumm, Mr K, Aphraël.
KOOL 🙂
Belle découverte, j’en redemande !
Merci pour ce retour, je ne connais pas du tout le monsieur. Mais tu as titillé ma curiosité.
ça a l’air bien barré, mais bien dosé.
Ça se lit tout seul, c’est amusant et intelligent, que demander de plus ? 😉
Ben pourquoi pas?
A priori, ce n’est pas un livre vers lequel je me tournerai. Je ne suis pas une folle adepte des satyre religieuse. Mais, vu que l’humour y est subtil et le propos intelligent tu me tentes vraiment? Serais-tu le diable réincarné ?
Oui, c’est un humour fin, qui fait aussi limite dans la farce au plus fort de la folie du roman, mais ce n’est qu’un élément parmi d’autres. On sourit beaucoup, on réfléchit aussi, et le rythme du roman fait qu’il est difficile de le lâcher. J’ai a-do-ré ! 😉
C’est un livre que je croise depuis fort longtemps mais j’ignorais qu’il était drôle. Je vais sûrement l’essayer alors. C’est une nouvelle traduction ou pas ?
Ce n’est pas de l’humour à la Pratchett, on ne rit pas aux éclats (quoique certains passages sont assez drôlatiques), c’est assez subtil, on sourit beaucoup.
Et c’est diablement ( 😉 ) malin et intelligent. Bref, ça vaut plus que le détour. 😉
Ce n’est pas une nouvelle traduction (mais je n’ai rien à redire sur l’actuelle, bien au contraire), donc si tu fais les bouquineries, tu peux peut-être trouver ce bouquin en poche (mais la dernière édition poche date de 2000…).
On trouve le premier volume facilement d’occase. Je vais commencer par là.
Tu m’en diras des nouvelles. 😉
Cette trilogie est celle que j’ai le plus relue, au moins trois fois, et toujours avec le même plaisir. A chaque relecture, on découvre des niveaux de compréhension différents. C’est fun, c’est irrévérencieux, c’est savant.
Certains penseurs disaient Dieu est mort, James Morrow a trouvé son corps, magnifique.
J’espère que ta critique fera découvrir James Morrow à beaucoup de lecteurs, il le mérite grandement.
Et grâce à toi, j’apprends qu’il vient de sortir son nouveau roman. L’Arche de Darwin va donc bientôt pénétrer dans ma liseuse
Si les autres romans de l’auteur sont à ce niveau (et ça semble au moins être le cas pour la suite de la trilogie puisque tu l’as tant relue), il faut le faire connaître ce monsieur ! Non parce que là, on est vraiment devant un roman magistral !
Et oui, nouveau roman chez le Diable Vauvert, paru en mai. 😉
Intéressant, faudra que je jette un oeil à cet auteur un jour ^^.
Je n’ai pas encore beaucoup de recul (un seul roman lu), mais je suis optimiste pour la suite ! 😉
L’arche de Darwin est en tête de ma liste d’achats et tu me donnes encore plus envie de m’y mettre 🙂 Je me note celui-ci aussi du coup ^^
Je t’avoue que ça m’a bien donné envie de lire son nouveau roman également ! 😀
En tout cas, je te conseille vivement ce roman-ci, un pur plaisir de lecture. 😉
Lol ! Ça a l’air barré dans le genre de Dogma (le film) qui parle vaguement du même thème..
Barré oui mais ça reste totalement « cohérent », du coup on n’a pas l’impression d’être tombé dans un truc que seul l’auteur comprend. C’est vraiment plaisant et réussi !
Pas vu « Dogma », mais j’en avais pas mal entendu parler, je le mets sur ma liste de films à voir du coup, merci. 😉
Ca fait bien envie ! Le principe me plaît beaucoup. Le lire serait par ailleurs l’occasion pour moi de découvrir James Morrow. Son nom même ne me parle pas du tout. Une petite demande de précision par contre : toi qui viens de terminer le tome 1, estimes-tu pouvoir t’arrêter là ? où la suite te paraît-elle indispensable ? J’y vais toujours plus à reculons quand je sais que ça m’embarque nécessairement pour plusieurs tomes.
Oui ce premier tome se tient très bien tout seul. C’est une trilogie qui je pense n’était pas vraiment prévue au départ (simplement l’auteur imagine une suite qui n’est pas « nécessaire » au lecteur, stricto sensu), et les personnages ne sont pas les mêmes je crois donc ça passe sans problème juste avec juste ce premier volume.
Bonne découverte ! 😉
Ok c’est parfait alors ! Merci
Très sincèrement je ne connaissais pas
Il me semble que c’est tout à fait mon genre de lecture
Je sais pourquoi je suis abonné au blog : pour faire de telles découvertes !
MAAAAAAAAAAAAAARCI beaucoup
Alors fais-toi plaisir, tu en ressortiras enthousiaste j’en suis sûr. 😉
Et de rien et surtout merci à toi, ça me fait très plaisir. 😉
Mais nooooon, j’ai acheté ce livre il y a quelques mois mais ça devrait être interdit d’autant me donner envie de le lire alors que je viens d’attaquer un pavé de 1300 pages (parce que là, j’ai clairement envie de le mettre de côté pour commencer celui-là)
Donc donc donc… JE NE TE REMERCIE PAS ! Voilà 😀
Et bien… Désolé ? 😀
Bon allez, je te donne le droit de finir ton pavé avant d’attaquer ce roman… si tu peux tenir jusque là ! 😀
Ça a l’air super fun :p
Ça l’est ! 😉
[…] La trilogie de Jéhovah de James Morrow fait entrevoir un moment de fun et de réflexion, et a comblé Lorhkan. […]