Vermilion Sands, de J.G. Ballard
Quatrième de couverture :
Mélange de Riviera et de Floride, Vermilion Sands est une station balnéaire sur le déclin, prise dans les sables, avec sa léthargie, son mal des plages, ses perspectives mouvantes. S’y côtoient milliardaires excentriques, artistes désœuvrés, belles et riches héritières en proie à leurs névroses et leurs fantasmes, qui trompent leur ennui dans d’étranges passe-temps. On y rencontre — parmi d’autres inventions extraordinaires — des fleuristes qui cultivent des plantes douées pour l’art lyrique… des sculpteurs de nuages… des maisons psychotro-piques, sensibles à l’humeur de leurs occupants…
Souvent considéré comme le plus parfait des livres de J.G. Ballard, Vermilion Sands était devenu introuvable. Aux neuf nouvelles, ou chapitres, composant le recueil, s’ajoutent désormais trois avant-propos qui montrent l’importance séminale de ces textes pour l’œuvre future de l’auteur.
« Vermilion Sands est la banlieue exotique de mon esprit », disait J.G. Ballard.
C’est dur dur d’être un artiste
Vermilion Sands est une étrange station balnéaire fictive, qui longe des kilomètres de mer de sables (l’eau semble être aux abonnés absents), mélange de Riviera et de Floride nous dit la quatrième de couverture. Il y a de ça. En ajoutant qu’elle est peuplée de riches artistes oisifs, de producteurs de cinéma, de stars pour qui l’argent n’est pas un problème. Vermilion Sands est le lieu de villégiature d’une faune victime de « lassitude balnéaire », définit par l’un des narrateurs des neufs nouvelles présentes au sommaire comme suit :
Un autre la décrit comme :
Bref, Vermilion Sands ressemble à une station balnéaire fantôme, en bout de cycle, alanguie, prise dans les sables aussi bien que dans une léthargie de laquelle elle ne peut s’extirper. Mais vivante pourtant, au moins pour quelque temps encore. Ce lieu imaginé par Ballard, au sein d’un monde qui place les loisirs et l’oisiveté en tête des préoccupations de chacun (il affirme dans la préface que « le travail est l’ultime distraction, et la distraction l’ultime travail », et c’est d’ailleurs l’avenir qu’il imaginait alors), pour aussi sclérosé, figé (« Rien ne change jamais à Vermilion Sands ») et étouffant qu’il semble être (le temps s’y écoule-t-il réellement ?), ne manque pourtant pas de fasciner avec ces créations artistiques étranges et futuristes qui peuplent ses récits. Fleurs chantantes, sculptures soniques, maisons psychotropiques, vêtements en biotextile « vivants », verséthiseurs créateurs de poésie, il y a de quoi être surpris et fasciné par ces distractions destinées à ces riches reclus désoeuvrés.
Mettant à chaque fois en scène des narrateurs masculins se trouvant inévitablement confrontés à des femmes lointaines, diaphanes, mystérieuses et quasiment systématiquement condamnées à disparaître aussi vite qu’elles sont apparues, les neuf nouvelles de ce recueil ne manque pas d’attraits. Mais loin de faire de la SF classique et clinquante (l’aspect technique des étranges objets décrits ici ou là ne l’intéresse pas et à ce titre l’auteur écrit clairement de la SF « psychologique », pas si éloignée de la littérature dite blanche), Ballard (que l’on peut rapprocher ici d’un Ray Bradbury, Vermilion Sands ne manquant pas de rappeler la planète Mars des « Chroniques martiennes ») nous montre les affres d’une population qui, sous des apparences de satisfaction, ne parvient en fait qu’à attendre éternellement quelque chose qui ne viendra jamais.
Et ainsi, en se laissant gagner par ce spleen léthargique, cette langoureuse mélancolie qui inonde les différents récits, on est porté à un rythme tranquille par ce vendeur de fleurs chantantes confronté à une femme qui ne manque pas, image très sexuelle, de faire réagir ces dernières, par cet homme qui semble se retrouver face à une authentique Muse de la poésie, par ce couple qui cherche une maison mais qui va se retrouver piégé par les émotions des précédents propriétaires, ou bien par ces sculpteurs de nuages qui réalisent leurs oeuvres au-dessus d’une tour de corail…
Autant de récits fascinants, au style précieux et littéraire, sondant l’esprit humain pour mieux le retranscrire sous forme géographique, Vermilion Sands n’étant finalement pour J.G. Ballard que « la banlieue exotique de [son] esprit ». Magistral.
Lire aussi les avis de Yossarian, Nebal, Culture SF, Critiques Libres.
Au moins quand je voudrais lire du Ballard à nouveau (après son livre d’or !), je saurais par quoi commencer ^^.
Je me souviens que tu avais lu et apprécié son Livre d’Or en effet. C’est dans la droite lignée, c’est beau, étrange, triste aussi. Mais c’est surtout très bon.
Il me tente bien ce recueil, je ne connais pas du tout l’auteur, mais j’aime bien l’état d’esprit. Pour avoir vécu une bonne partie de ma vie à proximité de stations balnéaires, ça me parle ^^
Ça pourrait te plaire d’autant que tu apprécies Bradbury et que ce recueil n’en est pas si éloigné. 😉
Oui, le rapprochement avec Bradbury m’intrigue d’autant plus.
On m’a offert un bouquin sur la SF quand j’avais six ans (il y avait du texte, mais aussi beaucoup d’images, du Chris Foss et compagnie), et depuis, je me dis qu’il faut que je lise ce recueil. Sauf qu’après ta critique, je me dis qu’il faut VRAIMENT que je lise ce recueil ^^
Oui, Ballard est un grand nom de la SF, mais c’est de la SF un peu « décalée », déformée par un prisme très psychologique. Ce n’est pas immédiatement accessible, mais c’est très marquant.
Ah!ah! voici donc un recueil fort intéressant. Faudra que je le trouve!
Je ne pense pas qu’il soit introuvable, bien au contraire (mais sans doute pas sur les étals des libraires, il va falloir commander ou passer par internet). 😉
Mon libraire préféré me l’avait conseillé pour commencer Ballard (ce que je n’ai toujours pas fait mais on y viendra :D)
C’est en effet tout à fait accessible, si on est Ballard-compatible, ce qui n’est pas forcément le cas de tout le monde.
Alors, de Ballard, j’ai lu le monde engloutie et j’ai tellement peiné à le terminer… Je me disais qu’à l’occasion il faudrait que j’essaye ses nouvelles, et pourquoi pas par celui-ci.
Sauf que :
« Un ennui et une inertie irréversibles. »
alanguie / léthargie / sclérosé / figé / étouffant
Exactement tout ce que j’ai ressenti à la lecture de Monde engloutie. Pour le coup c’était bien écrit et très évocateur. Tellement que j’ai fini par ressentir ça à chaque page que je lisais XD
Bon, ça me laisse à penser que Ballard n’est pas fait pour moi, même si il faudra que je lui redonne sa chance, en nouvelle de préférence. (ou alors avec une adaptation ciné ^^)
Ah oui en effet, si le côté « figé » est transmis au lecteur, c’est un problème ! 😀
Je n’ai pas lu ses romans, jusque des nouvelles jusqu’ici. C’est de la SF, mais très éloigné du côté facile à lire et plein de quincaillerie genre vaisseaux spatiaux, etc… de la SF classique. Ballard c’est un peu l’anti space-opera en fait.
L’adaptation ciné de IGH est assez… déconcertante ! 😀 J’en parlais là : https://www.lorhkan.com/2016/10/16/zapping-cinema-et-vod-episode-34/
Je ne sais pas si c’est le meilleur point d’entrée vers l’oeuvre de Ballard…