Latium, tome 1, de Romain Lucazeau
Quatrième de couverture :
Dans un futur lointain, l’espèce humaine a succombé à l’Hécatombe. Reste, après l’extinction, un peuple d’automates intelligents, métamorphosés en immenses nefs stellaires. Orphelins de leurs créateurs et dieux, esseulés et névrosés, ces princes et princesses de l’espace attendent, repliés dans l’Urbs, une inéluctable invasion extraterrestre, à laquelle leur programmation les empêche de s’opposer.
Plautine est l’une d’eux. Dernière à adhérer à l’espoir mystique du retour de l’Homme, elle dérive depuis des siècles aux confins du Latium, lorsqu’un mystérieux signal l’amène à reprendre sa quête. Elle ignore alors à quel point son destin est lié à la guerre que s’apprête à mener son ancien allié, le proconsul Othon.
Pétri de la philosophie de Leibniz et du théâtre de Corneille, Latium est un space opera aux batailles spatiales flamboyantes et aux intrigues tortueuses. Un spectacle de science-fiction vertigineux, dans la veine d’un Dan Simmons ou d’un Iain M. Banks.
À la recherche de l’Homme perdu
On dit souvent que l’abondance de références peut parfois faire de mal que de bien à un roman. Ici, je l’avoue, à mon grand dam, les références citées me sont inconnues. Pas de nom bien sûr, mais je n’ai jamais lu d’oeuvres ni des uns ni des autres (enfin si, de Dan Simmons j’ai lu « Flashback », mais je ne crois que ce soit cette oeuvre qui soit emblématique de l’auteur, quoiqu’elle reflète bien son mode pensée extrême-droite, mais ceci est un autre débat… Et de Corneille, j’ai lu « Le Cid » au collège, que j’avais bien aimé d’ailleurs, ce qui ne fait pas de moi un connaisseur de son théâtre, loin de là). Bref, une nouvelle fois d’illustres références, mais qui ne me parlent pas vraiment, même s’il faut bien reconnaître que tout cela en devient un peu intimidant. Suis-je trop ignare pour ce roman ? Vais-je y comprendre quelque chose ?
Soyons honnête : le roman se veut tout à fait accessible, il n’oublie pas, et c’était ma plus grande crainte, d’être un roman. Non, ce n’est pas un pensum philosophique (quand bien même les pensées et réflexions philosophiques sont présentes, même si je n’ai pas su toutes les déceler), non ce n’est pas une somme de réflexions sans liens, et oui, « Latium » est un roman de SF, un space-opera pur jus.
Et pourtant, il y comme un hic. Car ce roman ne m’a pas emballé, ne m’a pas parlé. Oh, il est bien écrit, très bien même, mais il m’a paru terriblement froid. Est-ce due à l’absence de personnages humains, quand bien même Plautine (une IA) s’en rapproche (à moins qu’elle ne le soit véritablement, où est la limite ? Voilà un des thèmes du roman), de même pour ces hommes-chiens créés par Othon (une autre IA) qui semblent être un hommage à Vernor Vinge (pas cité en quatrième de couverture, il l’aurait pourtant mérité) ? Oui l’être humain est au coeur du roman, il en est peut-être même le personnage sinon principal, du moins essentiel, et pourtant il en est absent (l’humanité ayant semble-t-il disparu de l’univers). Et ces IA désespérées (mais pas complètement, l’espoir de retrouver un être humain un jour aide à tenir celles qui n’ont pas encore sombré dans la folie, et c’est là le moteur de l’intrigue) ne parviennent pas à combler ce manque de chaleur humaine.
Il y a pourtant quelques fulgurances, des chocs narratifs qui font oublier temporairement cette froideur (qui se fait surtout sentir dans la première moitié, la deuxième moitié fait un peu plus avancer l’intrigue et met en place des problématiques intéressantes) comme cette superbe introduction sur le réveil de Plautine suite à la découverte d’un étrange signal, ou bien une belle bataille spatiale (la seule du roman ceci dit), entre autres choses, ou de jolis morceaux de vertige très SF (ces nefs gigantesques, abritant des mondes). De quoi relancer l’intérêt. Sur ce point, l’auteur sait y faire.
Pas d’êtres humains donc, mais des personnages malgré tout étonnants, voire même fascinants. Plautine et ses « aspects » d’elle-même, sortes d’entités décentralisées mais tout aussi conscientes qu’elle-même, ou bien Othon qui n’est plus l’ultime autorité sur son vaisseau, ayant rendu ces « sous-lui-mêmes » indépendants. Toutes ces IA sont « limitées » par le Carcan, qui n’est rien d’autre qu’une version quasi-inchangée des trois lois de la robotique d’Asimov (tient, un autre vénérable auteur qui aurait pu se retrouver en quatrième de couv’).
Clairement, le roman a de l’ambition, clairement il ne manque pas d’éblouir par quelques scènes clés particulièrement bien écrites (empruntant autant aux grandes tragédies qu’aux récits homériques) et caressant le féru de SF dans le sens du poil, mais je n’ai pas réussi à me passionner pour le récit, restant trop extérieur à tout ce qui s’y passe même si, en dehors d’une première moitié parfois un peu mollassonne, il faut bien avouer, paradoxalement, qu’il ne manque pas de caractère ni d’intérêt. Quant à lire le deuxième tome (qui pourrait être plus intéressant au vu des pistes lancées en fin de volume), je le ferai sans doute mais rien ne presse, preuve que la sauce n’a pas totalement pris…
Lire aussi les avis de Cédric, Gromovar, Herbefol, Apophis, Lutin82, Anudar, Lhisbei, Samuel, Phil Becker…
Critique écrite dans le cadre du challenge « Lunes d’Encre » de A.C. de Haenne.
Bravo pour cette critique qui dit exactement ce que je pense de ce roman, couvert d’éloges par ailleurs. (Faut-il remercier à tout prix le Service de presse ? et continuer à recevoir des livres gratos ?…)
C’est terriblement froid et intello (dans le sens péjoratif du terme)…
Les service-presse n’ont jamais empêché la plupart des blogueurs de publier des critiques parfois très mauvaises, et invariablement nuancées, hein.
Si des blogueurs cèdent aux sirènes de services de presse et infléchissent les avis en conséquence, c’est bien dommage. J’ose espérer que la majorité des blogueurs n’est pas touchée par ce phénomène. Et pour ceux que je connais particulièrement, je suis sûr que ce n’est pas le cas, alors que leurs avis ont pu être très positifs sur ce roman. A ma connaissance, pas de liens de cause à effet donc.
Par ailleurs, il en faut pour tous les goûts, je n’ai pas été emballé (mais le roman a des qualités, et la deuxième partie relève le niveau d’une première un peu ennuyeuse par moments), vous non plus, mais d’autres ont apprécié et c’est tant mieux. Il faut savoir accepter l’avis des autres.
Effectivement, le fait de ne pas avoir lu Banks et (surtout) Simmons enlève pas mal de clés, non pas de compréhension, mais permettant de déceler ce qui est original (ou est poussé plus loin) de ce qui relève du pur hommage (et c’est encore plus flagrant sur le tome 2). Et au passage, il ne faut surtout pas s’arrêter à Flashback, c’est un mauvais roman qui ne reflète absolument pas le reste de l’oeuvre (SF ou pas) de l’auteur.
Sinon, moi j’aurais dit Brin pour les hommes-chiens et Vinge pour Alecto (qui ressemble à la Perversion, je trouve).
Personnellement, si j’ai été enthousiaste sur le tome 1 (il faut dire que voir du Banks / Simmons à nouveau, ça fait plaisir, on est en manque), je l’ai nettement moins été à propos du 2. Ce n’est pas tant la froideur qui a été un problème qu’un degré d’hommage un peu trop poussé à mon goût et, de fait, une intrigue en grande partie prévisible.
Comme souvent, quand on n’a pas les références, on loupe quelques éléments clés. Mais jamais cela ne devrait pas empiéter sur le plaisir de lecture, auquel cas il faudrait stipuler en gros qu’il y a un préalable à la lecture du roman. Et si ce préalable est indispensable (je n’ai pas eu le sentiment), c’est bien dommage…
Ceci dit, concernant Simmons, ça fait bien longtemps que je me dis que je dois lire Hypérion (j’ai d’ailleurs les quatre gros volumes et semi-poche sur ma PAL), mais je manque de temps.
J’ai bien vu que tu étais moins positif sur le tome 2, je trouve que la conclusion de premier volume amène des perspectives intéressantes, on verra bien quand je le lirai (pas une priorité pour le moment). Ceci dit, comme je n’ai pas lu les références, l’intrigue sera moins prévisible pour moi. Du coup, la non-connaissance des références sera peut-être un atout ? 😉
Sans aucun doute 🙂
Je l’ai trouvé froid effectivement, mais cela ne m’a pas dérangée outre mesure avec ces IA que je n’imagine pas aussi « chaleureuses » qu’un être humain. Ensuite, j’aime le théâtre donc c’était une lecture pour moi assez agréable. Pas dans mes coups de coeur, cependant car les réserves que tu soulignes sont là.
Ce n’est pas la première fois que je remarque que j’ai du mal quand un roman manque de présence humaine… Je n’ai rien contre les IA mais j’ai besoin d’un petit supplément d’humanité… 😉
Oui il y a des réserves, que chacun amplifiera ou cachera en fonction de ses centres d’intérêt.
Il faut que tu lises du Banks, en particulier son univers de la Culture. Tu y trouveras des IA plus chaleureuses et pas de simples systèmes logiques dit « intelligents ». 🙂
Je plussoie vigoureusement 😉
@Apophis : Ha ben si tout le monde s’y met ! 😀
Ah ça me parle ça ! J’ai bien compris que Simmons et Banks sont les deux grandes références pour ce roman, côté SF, mais si le dernier nommé a le bon goût d’écrire sur des IA de façon un peu moins solennellement sérieuse (ou sérieusement solennelle… 😉 ), ça me convient plutôt bien. 🙂
Merci, il est vrai que cela fait un petit moment que je dois le lire ! Faut juste que je dégage du temps.
C’est pas faux.
En fait, j’ai besoin d’émotions dans un romans pour le « vivre » totalement avec le coeur et l’esprit.
Quand les émotions sont absentes ou pas assez présentes, cela devient plus aride et si j’arrive à apprécier le roman de manière purement intellectuelle, c’est rarement un bonheur complet question lecture. Il y manque le petit supplément d’âme qui m’est nécessaire.
C’est le cas ici. Et du coup je partage beaucoup de tes réserves étant moi-même passé à côté des références sur Banks et Simmons.
Bref, tu as parfaitement remarqué cette tendance chez moi! 🙂
Perso je n’ai pas ressenti ce côté froid, au contraire, cette race d’homme chien qui se cherche une humanité et les IA qui courent désespérément après elle, alors qu’au final c’est peut être eux l’humanité ? J’ai trouvé ça profondément riche et très humain dans le questionnement.
Mais comme on dit il en faut pour tout le monde, ce n’est pas parce que le livre à eu un certain retentissement que tout le monde doit adhérer, c’est bien
@jean : on ne va quand même pas lui reprocher d’avoir voulu faire un roman intelligent si ça paraît pompeux à certains moi je le remercie pour cette démarche, exigeante certes, mais louable.
Tu soulèves un problématique qui est effectivement au centre du roman, mais pourtant ça n’a pas vraiment fonctionné comme ça aurait dû… Alors que ces hommes-chiens, leurs questionnements, leur bouleversement quand ils sont confrontés à la réalité, ont quelque chose de touchant. Mais bon, c’est comme ça. Peut-être est-ce l’écriture de l’auteur, très belle, très « écrite », qui manque aussi de chaleur ? Va savoir…
Oui, tous les goûts sont dans la nature. 😉
Ah, je voulais savoir ce que les gens que je suis ont pensé de ce bouquin intrigant. Ne pas avoir lu *Hyperium* me laisse un peu baba, c’est quand même un des livres que je conseillerai pour la découverte de la SF ambitieuse. Mais le côté « philosophique » de Simmons m’a aussi beaucoup ennuyé – « Illium » était une purge terrible. Ta critique pas enthousiaste me rend encore plus curieux.
Visiblement, d’après Apophis, avoir lu Simmons est un plus pour ce roman. C’est déjà un bon point pour toi. 😉
De mon côté, pour comprendre pourquoi je n’ai pas lu Hypérion, il faut comprendre mon parcours. J’ai lu pas mal (enfin pas mal, c’est tout relatif, disons un peu, je n’ai pas été un « gros » lecteur du genre) de fantasy et de SF quand j’étais ado, notamment au collège (avec la bibliothèque du collège et la médiathèque du coin, donc quelques classiques, mais pas vraiment de nouveautés de l’époque). Arrivé au lycée, ça s’est arrêté, il y a eu les jeux vidéo, les jeux de rôles, les sorties, le ciné, etc… Bref, j’ai continué de baigner dans cette culture, mais pas dans le côté littéraire de la chose. Je ne me suis remis vraiment à la lecture SFFF qu’il y a moins d’une dizaine d’années, lassé des scénarios vides de jeux vidéo. Et du coup, je suis passé à travers tout ce qui est sorti dans les années 90-2000, Hyperion compris. Depuis 2010 grosso-modo, je m’y remets, mais relire tout ce que j’ai raté (un trou de 15 ans en somme, sachant que je suis loin d’avoir tout lu avant…), ça prend du temps. Et qui plus est, il faut reconnaître que l’édition SFFF française est plutôt dynamique en ce moment et que les sorties de qualité se succèdent. Donc je manque de temps pour tout reprendre. Mais c’est vrai qu’Hypérion et ses suites sont sur ma liste de romans à rattraper. Un jour… 😉
Bref, sur ce coup-là, je crois qu’il va falloir que tu vois par toi-même. A moins que les quelques chroniques que j’ai listées en bas de l’article t’orientent un peu plus. 😉
Moi j’ai repris goût à la SF avec Hypérion.
Hypérion fait partie des incontournables, ce n’est pas pour rien. 😉
Je n’avais pas non plus toutes les références, surtout en philo et théâtre mais ce ne m’a pas gênée non plus. Par contre j’ai trouvé le 2 encore mieux que le premier, et les I.A plutôt relativement humaines pour des I.A justement, je les ai trouvées bien dosées à ce niveau. Comme quoi ! Et comme mes références en SF sont encore bien légères j’ai eu l’effet de surprise
Oui, j’ai bien senti que les pistes laissées en suspens à la fin du premier tome pouvaient mener à quelque chose de fort sympathique. On verra en temps voulu.
Et pour les références, oui je pense que le roman est abordable et appréciable sans les connaître. Après, c’est sûr, si on veut pousser l’analyse, c’est mieux de les connaître.
Ton pitch d’ouverture correspond entièrement à mon ressenti et à mon vécu littéraire sur ce livre. Ta conclusion ne fait que confirmer mes craintes. En outre, je n’avais pas apprécier la nouvelle tiré de cet univers paru dans Bifrost. Pas de regret donc, pas un roman pour moi. Merci d’avoir essuyer les plâtres.
Pas de problème, et au moins te voilà fixé.
next ! 😉
Comment tu n’as pas lu Hyperion ? 😮 (c’est le seul que je recommanderais corps et cri de Dan Simmons d’ailleurs).
Merci pour ton avis, j’ai un peu peur aussi de passer à côté de ce bouquin à cause des références qu’on lui associe. Je le lirais peut-être un jour mais rien ne presse du coup ^^.
Hé oui, Hypérion… Mais à force de me le rabâcher, je vais finir par le lire un jour ! 😀
« Latium » se lit bien, mais ce n’est pas pour moi le chef d’oeuvre annoncé, en tout cas sur ce seul premier tome.
Avec sa nomination récente pour le Grand Prix de l’Imaginaire je me suis dit qu’il faudrait quand même que je le lise ce fameux roman. Ca m’effraie toutefois un peu ce côté « manque de chaleur ». Mais je note que Samuel Ziterman n’a pas ressenti cela et je suis souvent d’accord avec lui ^^. Je verrais bien. Je n’ai par ailleurs jamais lu de bouquin sur cette thématique des machines abandonnées par les humains (ou qui survivent aux hommes). Tu en connais d’autres des bouquins sur ce thème ?
J’espère pour toi que tu pencheras plus du côté du ressenti de Samuel.
Sur le thème des machines abandonnées par les hommes, là comme ça je ne vois pas… Si quelqu’un a une idée…
Merci beaucoup pour ta critique
Il y a tant à lire et connaître « les défauts » d’un roman est très utile !
Je vais plutôt continuer à Lire du Banks et du Simmons (il faut lire autre chose de Simmons que Flashback)
Chez Simmons il y a Hypérion bien sûr et le palpitant Échiquier du Mal
Merci pour tes critiques au plaisirs de lire les suivantes
Mais de rien ! 😉
Oui je sais bien que « Flashback » est un peu le roman du virage droite extrême de Simmons, et que ce n’est ni son meilleur récit, ni le plus représentatif des qualités de l’auteur (sans tenir compte de l’homme qui, donc, semble avoir des idées un peu extrêmes).
Les défauts comme tu dis le sont à mes yeux, pas pour d’autres, et il faut donc bien analyser s’ils pourraient se révéler gênants en fonction de ses goûts et sa sensibilité. Content de t’avoir permis d’avancer dans ta réflexion en tout cas. 😉
[…] Phil Becker, Cédric, Gromovar, Herbefol, Apophis, Lutin82, Anudar, Lhisbei, SamuelZiterman, Lorhkan, […]
[…] Si vous souhaitez avoir un deuxième avis sur Latium-1, je vous conseille la lecture des critiques suivantes : celle de FeydRautha, celle de Lutin sur Albedo, celle de Lhisbei (sur les deux tomes), celle de Gromovar, celle de Victor Montag sur Le Fictionaute, celle de Blackwolf, celle d’Anudar, de Lorhkan […]
[…] d’Apophis – Quoi de neuf sur ma Pile ? – Herbefol – Blog-o-Livre – Lorhkan – Lecture 42 […]