Défaite des maîtres et possesseurs, de Vincent Message
Quatrième de couverture (attention, spoilers en fonction des sensibilités à ceux-ci) :
Iris n’a pas de papiers. Hospitalisée après un accident de voiture, elle attend pour être opérée que Malo Claeys, avec qui elle habite, trouve un moyen de régulariser sa situation. Mais comment la tirer de ce piège alors que la vie qu’ils mènent ensemble est interdite, et qu’ils n’ont été protégés jusque-là que par la clandestinité ?
C’est notre monde, à quelques détails près. Et celui-ci notamment : nous n’y sommes plus les maîtres et possesseurs de la nature. Il y a de nouveaux venus, qui nous ont privés de notre domination sur le vivant et nous font connaître le sort que nous réservions auparavant aux animaux.
Plongeant dans un des enfers invisibles de notre modernité, retraçant l’histoire d’un amour difficile, « Défaite des maîtres et possesseurs » nous entraîne dans une fable puissante où s’entrechoquent les devenirs possibles de notre monde.
Changement de paradigme
Parfois, il est des romans pour lesquels en dire trop les dessert totalement. C’est le cas ici, à la puissance mille. La quatrième de couverture tente de contourner cet écueil en restant évasive mais déjà je trouve qu’elle va un peu trop loin. Alors que dire ? Car parler des thèmes abordés par le roman (et ils sont nombreux) et de la façon dont ils le sont revient nécessairement à dévoiler ce que je ne veux pas dévoiler. Et que le roman ne dévoile, lui, en partie qu’au chapitre 2. Le premier chapitre plonge donc le lecteur dans un flou volontairement entretenu, un flou qui ne se lève que petit à petit, au fil des chapitres et des explications amenées par le personnage principal, Malo Claeys.
Ecologie, économie, guerre, domination, agroalimentaire, exploitation des ressources, tous ces thèmes sont abordés de manière intelligente, parfois en quelques lignes, parfois sur un chapitre entier. A ce titre, le chapitre 6 est sans doute le « chapitre-bascule » du roman, celui qui vous met une grosse claque sans prendre de gant. A partir de là, rien n’est plus pareil, et si jusqu’ici on avait pu se dire « oui, c’est un roman qui dénonce, le propos est intéressant mais rien de neuf sous le soleil », après ce chapitre, impossible de regarder les choses de la même manière. Oh je ne suis pas un saint et ne prétendrai pas que le roman va me faire changer radicalement ma façon de vivre, mais déjà ouvrir les yeux est un premier pas.
Interrogeant la place de l’Homme dans le vaste univers, remettant en question ses penchants destructeurs (et donc notre société dans son ensemble) quand bien même ils semblent être pour le bien du plus grand nombre, « Défaite des maîtres et possesseurs », en imposant un total changement de paradigme sociétal (mais finalement, change-t-il vraiment, ou bien n’est-ce qu’un ajustement des plus forts et des plus faibles ?), frappe juste et fort.
Encore une fois, difficile d’en dire plus sans vendre la mèche, je ne peux même pas m’appuyer sur le titre très bien trouvé du roman qui peut s’entendre de différentes manières… J’ajoute tout de même qu’au delà du propos engagé, le roman n’oublie pas d’être un roman, il y a une intrigue, une jolie histoire d’amour mêlant altérité et générosité, dramatique aussi, d’abord située en retrait puis qui prend toute son importance.
J’ai bien conscience de rester à la marge du roman, et donc par la force des choses de faire court, mais c’est tout à fait volontaire. J’en appelle donc à la confiance des lecteurs : lisez ce roman (qui sortira en poche en février, à bon entendeur…) en le prenant pour ce qu’il est, c’est à dire un roman de littérature générale utilisant certains codes de la SF (oui c’est donc aussi un vrai livre de SF) pour faire passer un message (avec un nom pareil, Vincent Message pouvait difficilement faire autrement…^^). Et croyez-moi, il le fait bien, parfois de manière brutale, frontale (au risque que ça ne fonctionne pas sur tout le monde), mais pour ma part le message passe. C’est sans doute que le but est atteint. Et utiliser un contexte situé dans un avenir plus ou moins proche et plus ou moins probable pour interroger notre présent et mettre nos défauts en lumière en appuyant là où ça fait mal, n’est-ce pas aussi de ça qu’est faite la bonne et grande SF ?
Lire aussi les avis de Yogo, Sandrine, Cachou, Charybde2, La fille qui n’aimait rien, Un dernier livre, Mots pour mots.
Que je suis frustrée avec ce roman, LE roman de l’année 2016 bien sûr : ne pas pouvoir en parler sans gâcher une bonne partie du plaisir de lecture est une contrainte terrible.
Je ne savais strictement rien du sujet de ce roman avant de l’ouvrir, sans grand enthousiasme d’ailleurs (même si j’ai aimé le précédent roman de Vincent Message), en raison du titre. Le début est étrange (et n’aide pas quand on vante le roman à des non amateurs de SF : des extraterrestres, pffff !). Mais ensuite…
Je l’ai donc lu en août et ne m’en suis pas remise : il a changé ma vie jusque dans son quotidien, avec répercussion sur mes proches (c’est moi qui fais à manger 😉 )
J’ai hésité à faire un article avec spoilers en prévenant le lecteur, mais comme j’ai l’impression que ce roman est passé un peu inaperçu dans le petit monde de la SF, faire ainsi aurait freiné les lectures dudit article. Du coup, je ne dévoile rien, même si en toute honnêteté ma critique est du coup assez vide…
Oui le début est étrange, assez déstabilisant puisque qu’on ne connaît pas vraiment le contexte, mais ensuite… Wow !
Ah c’est bien de voir qu’il a des répercussions, c’est le but d’une manière ou d’une autre. Je n’en dirais pas autant pour moi-même, mais au moins il met le doigt là où ça fait mal en forçant à regarder les choses en face. la prise de conscience, c’est sans doute déjà un pas.
Je l’ai noté il y a des mois car Michel Dufranne en a dit du bien dans l’émission belge Livrés à domicile. C’est bien de savoir qu’il sort bientôt en poche. 🙂
La sortie en poche c’est l’occasion de ne plus hésiter. 😉
Bon ben wish list directement !
Voilà. 😉
Je n’ai lu que le dernier paragraphe de ton avis, car évidemment il est sur ma liste 😉
Mais c’est suffisant pour me convaincre que j’ai bien fait 🙂
Mon article est totalement spoiler-free, à un point tel qu’il en devient un peu bancal mais bon je préfère garder la surprise pour le lecteur. 😉
En tout cas, n’hésite pas à te jeter sur le roman.
C’est noté ! Premier achat pour février 🙂
Merci pour le retour.
De rien, bonne future lecture. 😉
Un roman fort (et très bien écrit aussi) qui, comme tu le soulignes, n’oublie pas d’être un roman, avec une belle tension narrative : une réussite !
Fort et bien écrit, ça le caractérise plutôt bien ce roman en effet.
Une vraie réussite, qu’on n’oublie pas de sitôt.
Entièrement d’accord avec ta critique.
Un très bon roman qui nous questionne par son retournement de paradigmes.
Il y a parfois de bonnes surprises en blanche
C’est de la blanche, mais c’est aussi de la SF. Ceci dit, il est tout à fait orienté vers un public assez général, sans qu’il soit fermé aux fans du genre SF, d’où sa sortie en collection générale.
Je ne suis pas fermé à la littérature blanche qui utilise les codes de la SF, tant que c’est bien fait (comme ici ou dans « Station eleven » par exemple).
Itou, décloisonnons les ganres
genres
Je ne vais pas lire ta chronique, j’ai juste relevé que tu avais aimé. Je l’ai dans ma PAL suite aux conseils de Sandrine de Mes Imaginaires.
Je viendrai donc comparer nos impressions plus tard.
Je comprends ta réaction, j’aurais fait pareil. Si ça peut te rassurer, je ne spoile absolument rien dans cette chronique, d’où mon sentiment d’avoir écrit un texte un peu vide… 😀
Je note ça dans un coin, je finirais bien par y jeter un oeil.
Il faut.
Vu ma sensibilité sur ces questions, tu te doutes bien que ça roman m’a particulièrement parlé. Du coup, je suis d’autant plus frustré d’en avoir appris un petit trop au sujet du bouquin avant même d’en avoir entamé la lecture. Mais après, l’aurais-je seulement lu si je n’avais pas été au courant du fameux « basculement » que tu évoques au chapitre 6 ? ^^ Sans doute pas.
C’est vicieux les bouquins. C’est vicieux le net. ^^ Mais dans tous les cas, j’ai apprécié ton billet, qui met l’eau à la bouche sans rien gâcher. Mais je n’en attendais pas moins de toi.
Oui, c’est un bouquin un peu fait pour toi, c’est sûr. 😉
Il est compliqué à expliquer ce roman, il ne faut pas trop en dire mais un peu quand même. la quatrième de couverture n’est pas loin de la vérité, mais le deuxième paragraphe en dit un peu trop à mon goût.
M’enfin l’essentiel c’est d’apprécier la lecture du roman, et je vois que ça a été le cas pour toi, tu m’en vois ravi ! 😉
Et puis j’aime bien les trucs vicieux moi ! 😀
Youplaboom.
Itou. ^^