L’île des morts, édition intégrale, de Roger Zelazny
Quatrième de couverture :
Bien que son corps soit celui d’un homme jeune, Francis Sandow est le doyen de l’espèce humaine. Il a exercé la fascinante profession d’astro-façonneur, devenant l’un des hommes les plus fortunés de la galaxie. Mais surtout, il est l’un des vingt-six Noms vivants, car en lui réside la personnalité du dieu Shimbo.
Sur un monde qu’il a façonné, Francis Sandow a édifié un étrange sanctuaire : l’Île des Morts. Depuis ce lieu, un inconnu rappelle à la vie plusieurs de ses amis et ennemis trépassés. Contraint d’abandonner son monde de luxe et d’oisiveté, il prend conscience qu’il devra affronter le danger le plus mortel de sa très longue existence…
L’Île des Morts est le joyau de l’œuvre passionnante, flamboyante tout autant qu’intelligente, de cet auteur considéré comme l’un des plus grands créateurs de la science-fiction.
Pour la première fois, une édition intégrale regroupe les deux romans ainsi que les cinq nouvelles se déroulant dans le même univers. L’ensemble esquisse une histoire de l’expansion humaine parmi les étoiles.
L’écrivain Timothée Rey, fin connaisseur de l’oeuvre de Roger Zelazny, a préfacé l’ouvrage et a établi un glossaire complet de cette fresque unique par ses visions et sa profondeur, comme seule la science-fiction sait en inventer.
L’histoire du futur selon Zelazny
Une intégrale sur « L’île des morts » peut sembler étonnant de prime abord. Quoiqu’en y réfléchissant, les romans « L’île des morts » et « Le sérum de la déesse bleue » sont clairement liés. De même, on peut ajouter à ce « cycle » la nouvelle « Lugubre lumière », mettant en scène elle aussi le personnage de Francis Sandow, centre névralgique de cette intégrale. Pourtant, la-dite intégrale ne s’arrête pas là puisqu’elle ajoute les nouvelles « En cet instant de la tempête » et « Cette montagne mortelle », parues à l’origine dans d’anciens numéros de respectivement « Fiction » et « Galaxie », ainsi que « Les furies » et « Clés pour décembre », dont j’ai déjà dit un mot sur ce blog, le tout classé dans un ordre censé être chronologique de cette histoire du futur de l’humanité imaginé par Roger Zelazny.
J’avoue n’avoir jamais entendu parler d’une soit-disant cohérence de cette histoire du futur, et je n’arrive d’ailleurs pas à savoir si c’est une réelle volonté de l’auteur ou bien si tout cela tient plus d’un amalgame éditorial qui tient plus ou moins la route (mais dans ce cas-là, autant aller au bout des choses : dans la nouvelle « Cette montagne mortelle », il est fréquemment fait référence à la montagne Kasla. Cette même montagne est également mentionnée dans le roman « Toi l’immortel » et considérée alors comme la plus haute de l’univers connu (dépassée depuis par la montagne au centre de « Cette montagne mortelle »). Le personnage principal, Conrad, regrette de ne l’avoir jamais gravie. On peut peut-être en déduire que « Toi l’immortel » se déroule dans le même univers et avant « Cette montagne mortelle », et il aurait alors été logique dans l’insérer dans cette intégrale…). Car soyons franc, les récits importent plus que le fil conducteur d’un éventuel avenir de l’humanité. Ceci dit, force est de constater que ce volume débute pas une préface fort érudite de Timothée Rey qui semble très bien connaître l’auteur (la moindre des choses quand on écrit une préface) et qui n’oublie pas d’être informative (on y parle mythes bien sûr, le coeur de l’oeuvre de Zelazny, mais aussi Virgile ou bien peinture tel le célèbre tableau de Arnold Böcklin ayant donné son nom au roman « L’île des morts » et repris en couverture de la dernière édition poche en date, chez J’ai Lu) et dotée d’un certain sens de l’humour (ce qui n’a rien d’étonnant concernant Timothée Rey).
Mais le travail éditorial ne s’arrête pas là car même si Timothée Rey décrit bien cette tentative de mise en ordre chronologique des récits, cette intégrale est en plus dotée d’un volumineux glossaire très complet et très intéressant lui aussi. Quel dommage que ce travail soit en partie gâché sur la forme par un classement thématique qui oblige à feuilleter les nombreuses pages avant de trouver l’entrée désirée. Un simple classement alphabétique aurait été tellement plus pratique !…
Mais ne crachons pas dans la soupe, à l’heure où l’éditeur (Mnémos en l’occurrence) semble souvent compter sur des rééditions sans forcément y ajouter une réelle plus-value (les traductions restent pour la plupart inchangées) hormis des objets-livres pour la plupart superbes (et j’avoue en être client, oui je suis faible…), celui-ci bénéfice d’un vrai et trop rare travail éditorial qui fait plaisir à voir, quand bien même (comme je le dis plus haut) je n’arrive pas à savoir si l’auteur en est à l’origine ou s’il s’agit d’un rafistolage post-mortem.
Je m’aperçois que cette chronique déjà bien trop longue ne s’est pas encore intéressée aux textes. Cinq nouvelles et deux romans donc, dont seul les deux premières nouvelles sont inédites pour moi (« En cet instant de la tempête » et « Cette montagne mortelle »). Deux textes forts, le premier prenant des airs d’apocalypse tout en mettant en scène un personnage faisant partie des premiers colons interstellaires humains. Ayant voyagé la plupart du temps en animation suspendue, il a atteint l’âge fort respectable de presque 600 ans… « Cette montagne mortelle » est une nouvelle sur… l’alpinisme ! SF tout de même, puisqu’il s’agit ici de gravir un sommet de 60 000 mètres ! La fin réserve d’ailleurs son lot de surprises.
Pour les autres récits, je vous renvoie directement à ce que j’avais écrit plus ou moins rapidement à l’époque, en insistant sur la fluidité et le dynamisme de « Les furies », les questions humanistes soulevées dans l’excellent « Clés pour Décembre », mais aussi sur l’art de l’ellipse dans « L’île des morts », écrit à une époque (bénie !) où les auteurs ne jugeaient pas nécessaire de décrire dans le détail le pourquoi du comment de ce qui se passait dans leurs textes. Ainsi Francis Sandow est un façonneur de mondes. Pas besoin d’en savoir plus, c’est ainsi et ça fonctionne. Zelazny se concentre ainsi sur l’essentiel, en faisant un pacte avec le lecteur. L’intrigue s’en trouve resserrée, et les thèmes de réflexions (le statut divin, la place de l’homme, la mort, la destinée) ne sont pas brouillés par des considérations techniques sans intérêt pour le récit.
Clairement, un lecteur souhaitant s’intéresser à Roger Zelazny (c’est à dire tout le monde car tout le monde devrait s’intéresser à Zelazny !) ne devrait pas faire l’économie de ce volume (relié, sous une couverture rigide « rétro-art déco » illustrée par Fabio Montel), d’une part (et c’est bien là le point essentiel) car il rassemble de bons voire de très bons textes, toujours surprenants et élégants, et d’autre part car un travail éditorial de ce niveau, même perfectible, reste assez rare et mérite d’être salué. C’est aussi l’occasion de sortir l’auteur du « carcan » du célèbre cycle des « Princes d’Ambre » (tiens, il faudrait que je lise les cinq derniers volumes moi…) auquel on l’a trop souvent réduit. Et enfin, cette intégrale permet de remarquer qu’il serait temps qu’un éditeur se penche sérieusement sur une intégrale (ou au moins un gros volume reprenant le meilleur) des nouvelles de Zelazny, car au vu de ce que j’ai pu lire de lui sur ce format (à savoir « Une rose pour l’écclésiaste » et « Le Livre d’Or de Roger Zelazny », en plus des nouvelles présentées ici), j’ai constaté qu’il était au moins aussi bon nouvelliste de romancier. Amis éditeurs, à vous de jouer.
Lire aussi les avis de Soleil Vert, Apophis, Déborah Gay.
Je ne rajeunis pas en te lisant, dû lire ça il y a trois éternités… et je ne m’en souviens plus.
Il y a beaucoup d’intégrales en effet en ce moment, ça doit rapporter. Si on est fan d’un auteur et que l’appareil critique est renouvelé, les tradutions revues quand elles datent, ça peut valoir la peine d’investir. Sinon, j’aime assez mes vieilleries et surtout ça se révèle souvent trop cher pour aucune amélioration.
Quand on possède les « vieilleries » et qu’il n’y a pas de valeur ajoutée à ces rééditions en intégrales, la question se pose concernant l’intérêt de repasser à la caisse effectivement. Mais je ne crois pas que dans ce cas-là on soit la cible des ces rééditions.
Par contre, quand on ne les a pas déjà, les avoir en jolies intégrales est intéressant. Surtout quand, comme ici, il y a un travail éditorial qui mérite d’être salué.
Ah, celui-là je l’ai acheté cet été et gardé au chaud pour une relecture (et pourtant j’avais déjà toutes les œuvres, sauf clés pour décembre -lue dans la foulée).
De mémoire (il faudrait que je vérifie), il était indiqué sur ce recueil : « traductions harmonisées » et non révisées. Les traductions sont donc d’origine. C’est sans doute dommage et il serait bon que les éditeurs qui décident de proposer ce genre de recueils, aillent au bout de la démarche avec de nouvelles traductions. Surtout qu’il y a de quoi faire avec Zelazny.
Donc du point de vue de la traduction, l’achat n’est sans doute pas utile.
Je n’ai pas non plus eu l’impression que l’auteur ai décidé de placer sciemment ses œuvres dans un même univers science fictif.
Par contre il y a une vraie cohérence dans les thématiques des nouvelles -outre le cadre SF- : le passage du temps, la mort, la religion/superstition (même de cette montagne mortelle – sans spoiler -), etc…
De ce côté j’ai apprécié le choix des nouvelles. Et la mise en lumière de Timothée Rey également. Cela fait plaisir de voir une analyse complète d’une oeuvre de l’auteur. Cela peut donc valoir le coup pour les amateurs de Zelazny
Oui les traductions ne sont « que » harmonisées. C’est dommage, certaines des traductions de Zelazny mériteraient un bon dépoussiérage (Ambre notamment, mais pas que).
Thématiquement, oui c’est cohérent, mais plus que sur les thèmes, j’ai eu l’impression que l’éditeur a voulu mettre l’accent sur la cohérence chronologique et de construction de l’univers, chose qui ne m’a pas vraiment frappé, et comme toi je ne suis pas sûr que Zelazny avait cela en tête.
Mais effectivement, la préface est excellente, les textes de Zelazny le sont tout autant. Donc globalement, c’est un excellent volume.
Je me le suis acheté. Le livre est soigné, c’est très agréable en main.
Avec ton avis, je ne regrette pas du tout cette acquisition. J’ai failli m’y plonger à maintes reprises, mais je me suis fixée un programme de lecture ce mois-ci, alors je compte m’ay tenir. Pour une fois…
Vraiment ton avis ne m’y aide pas, je suis d’accord avec toi : tout le monde devrait s’intéresser à Zelazny!
Ce volume mérite bien un écart dans le programme de lecture… 😉
Il est soigné en effet, c’est un bel objet, beau papier, et le contenu est à la hauteur du contenant.
Bonne lecture, Zelazny est dans mon panthéon personnel. 😉
Ton avis donne très envie !
Tant mieux, c’est le but. 😉
J’avoue que je n’ai jamais rien lu de Zelazny, mais lire tes avis me donne envie d’essayer ! Du coup, je testerais bien le court roman L’Île des Morts (avant de mettre la main sur une intégrale entière !)
Hérésie !!!!! 😀
« L’île des morts » est une très belle étape pour commencer, c’est un des meilleurs romans de Zelazny.
Sinon, la saga d’Ambre est irrésistible.
Et pour les Zelanystes un peu plus confirmés, il y a l’excellent « Seigneur de lumière » ou l’étrange mais prenant « Royaumes d’ombre et de lumière ». 😉
[…] Si vous souhaitez avoir un deuxième avis sur cette Intégrale, je vous conseille la lecture des critiques suivantes : celle de Lorhkan, […]
[…] avis : Apophis – Lorhkan – […]