Infinités, de Vandana Singh
Quatrième de couverture :
Née en Inde, à New Delhi, fille de deux professeurs de littérature anglaise, Vandana Singh a grandi à l’ombre de Shakespeare et Keats. Devenue professeur de physique aux États-Unis, elle s’est tournée vers l’écriture, notamment la science-fiction et la fantasy, à cause de la richesse de ces genres et des possibilités qu’offrent leurs thématiques propres. Depuis 2002, elle a publié deux romans pour la jeunesse, une vingtaine de nouvelles et un court roman de science-fiction, Distances.
Dans ce recueil de dix nouvelles et un essai se déploie la sensibilité à part d’une auteure de science-fiction spéculative qui n’a de cesse de remettre l’Homme au centre du récit. On y observe un professeur de mathématiques qui aimerait comprendre les tensions interreligieuses qui déchirent son pays, un étrange tétraèdre subitement apparu dans les rues de New Delhi, une femme convaincue d’être une planète.
Avec ces textes poétiques, humanistes et parfois mélancoliques, Vandana Singh s’impose comme la digne héritière de Ray Bradbury et Theodore Sturgeon.
This is not Bollywood
Déjà publiée deux fois en France, dans les revues Fiction et Angle Mort (mais je n’ai pas lu les deux nouvelles sélectionnées), Vandana Singh arrive enfin avec un recueil complet (sous une superbe couverture du maintenant incontournable Aurélien Police), précédée d’une belle réputation. Une réputation c’est bien joli mais maintenant il faut convaincre.
Disons le tout de suite, n’attendez pas des récits centrés sur l’action, le mouvement, avec des retournements tous les trois pages, vous feriez fausse route. Non, Vandana Singh se concentre sur ses personnages, notamment sur les femmes, à propos desquelles elle dénonce une situation peu reluisante dans son pays d’origine, l’Inde. Soumises aux hommes, contraintes de se conformer au conventions, aux traditions (avec mariages forcés, castes, etc…), obligées d’apporter une grande attention au paraître sous peine de déshonorer leur mari, ces femmes n’ont pas les armes (non pas qu’elles ne veulent pas les avoir mais rien n’est fait pour les leur donner) pour changer leur triste situation.
Alors parfois, elles rêvent, elles s’évadent. D’où l’apparition parfois furtive de l’élément fantastique. Comme quelque chose de normal, dans un pays où la normalité, alors que l’essor économique n’a de cesse de le transformer (au moins en surface), reste bien délicate à définir. C’est dans ces moments intimes, avec ces femmes en lutte intérieure et dans des situations aux franges du fantastique que Vandana Singh s’exprime le mieux. Avec une écriture douce et subtile (Gromovar fait un rapprochement très juste avec Mélanie Fazi, aussi bien dans le style que dans les apparitions « normales » d’éléments fantastiques, et je ne peux que lui donner raison), l’auteure écrit juste. Avec une économie d’effets, elle parvient à créer une atmosphère ou la mélancolie se mêle au mystère et aux préoccupations sociales.
Mais Vandana Singh sait varier ses récits, et s’intéresse aussi à la SF de manière plus classique (un explorateur sur la planète Mars), tout autant qu’aux conflits religieux qui gangrènent l’Inde, fait dans la SF mythico-ethnologique aussi bien que dans le récit quasi lovecraftien, s’interroge sur la notion de science comme sur celle de l’art.
Une auteure touche-à-tout donc, qui dénonce et qui explique, qui nous fait découvrir l’Inde, à la fois en plein essor et où la misère n’est jamais loin (il suffit juste bien souvent d’ouvrir une porte…), et qui utilise avec aisance les outils de la littérature de l’imaginaire pour parler de ce qui existe aujourd’hui, notamment sur les femmes indiennes. Dix nouvelles toujours bien écrites (rendons grâce à la belle traduction de Jean-Daniel Brèque), auxquelles il faut ajouter un court essai sur les bienfaits de la littérature de genre. Evidemment, ce recueil paraissant dans une collection dédiée (Lunes d’Encre), on peut considérer le public comme déjà acquis à la cause, mais il est toujours bon de prêcher une fois de plus la bonne parole.
Lire aussi les avis de Gromovar, Cédric, Vert, Lune, Apophis, Soleil vert, Nebal, Philémont, Cyrille, Blackwolf, Mariejuliet, Cornwall.
Critique écrite dans le cadre des challenges « SFFF et diversité » de Lhisbei (item 7 : lire un livre SFFF se passant en Orient (qu’il soit réel ou fantasmé) : Asie, Moyen Orient…), « CRAAA » de Cornwall et « S4F3s2 » de Xapur.
Beaucoup aimé la nouvelle que j’ai lue dans je ne sais plus quel numéro de Bifrost, issue me semble-t-il de ce recueil, en tout cas de cet auteure :p Elle avait une touche d’humour très fin.
Dans le tout dernier Bifrost (sur Neil Gaiman), il y a « La femme qui se croyait planète ».
Sinon, l’auteure a vu d’autres nouvelles (de ce recueil également) parues dans Fiction ou dans un numéro d’Angle Mort.
Oui, fin, c’est un mot qui lui convient bien. 😉
C’est un très joli recueil, et c’est toujours plaisant de sortir un peu de la SF purement occidentale en plus. Et la couverture est magnifique en plus, je crois que même si j’avais détesté ma lecture (ce qui est loin d’être le cas) j’aurais gardé le bouquin juste pour elle ^^.
Oui ça change et ça fait ouvrir les yeux sur certaines choses méconnues en occident.
La couverture est à tomber en effet, mais on commence à en avoir l’habitude avec Aurélien Police.^^
J’ai vraiment été touchée par son écriture, j’ai hâte de lire ses futures publications.
Merci pour ce retour.
Je l’ai découvert dans Bifrost, au détour d’une nouvelle, et j’avais apprécié.
Il faut vraiment que je récupère ce recueil ! 🙂
Vandana Singh est une auteure intéressante, avec une voix bien à elle. Son recueil mérite largement le détour. J’ai hâte de voir la suite de ses publications. 😉
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