Captain America : Civil War, de Anthony et Joe Russo

Posted on 6 mai 2016

Les frères Russo se retrouvent à nouveau aux commandes d’un film Marvel, eux qui avaient réussi un joli coup avec le réussi « Captain America, le soldat de l’hiver ». Et là, ils s’attaquent à un très gros morceau, puisqu’il s’agit ni plus ni moins de l’un des événements les plus importants du monde des comics de ces dernières années, celui qui a eu un énorme retentissement (à tel point que même les médias généralistes en ont parlé, on est donc sur le même niveau que la mort de Superman chez DC par exemple), j’ai nommé « Civil War ».

** Critique garantie sans spoilers **

 

Captain America Civil War 12

 

On en avait déjà eu les prémisses dans les derniers films Marvel, et la confrontation était devenue inéluctable (on s’en était aperçu dans « Avengers : l’ère d’Ultron »). Et donc, voici que devant les catastrophes et les nombreuses victimes collatérales des interventions des super-héros, le gouvernement décide contrôler un peu plus ces derniers, en les plaçant sous l’égide de l’ONU. Certains, comme Tony Stark/Iron Man voit cela comme une opportunité de limiter les dérives potentiellement dangereuses pour la population dès lors qu’on parle de héros aux super pouvoirs. D’autres, comme Steve Rogers/Captain America, y voient surtout une restriction de leur liberté d’action, les rendant moins efficaces à protéger la population. S’ajoutent à cela des actes terroristes, des diplomates assassinés, un désir de vengeance de l’un des super-héros envers un autre bien connu mais qui n’est pas tout à fait responsable de ses actes (Bucky Barnes, le soldat de l’hiver)…

 

Captain America Civil War 05

 

Bref : c’est le bordel. Tout ça se catapulte, et l’affrontement finit par ne pas être seulement un débat d’idées ou une joute verbale. Parce que quand même, il s’agit de super-héros, et quand on est des super-héros, on aime bien se castagner un peu, parce que la loi du plus fort c’est quand même vachement bien. Bon ok, je suis un peu mauvaise langue (quoique…), surtout que contrairement au rival DC, il n’y a pas tromperie sur la marchandise : la rupture entre Iron Man et Captain America est au centre du récit. Et ce même si, une nouvelle fois, la production a jugé nécessaire d’inclure la présence d’un vilain (mais dont les motivations s’intègrent à merveille au propos du film, c’est une réussite de ce côté-là). Voilà un bon point pour ce film, là ou DC mettait de côté le duel Batman/Superman un peu trop rapidement pour les faire combattre ensuite main dans la main. Pas de ça ici, le scénario étant suffisamment malin pour que la divergence de point de vue entre nos héros soit constamment relancée.

 

Captain America Civil War 10

 

On pourrait ici faire la comparaison entre ce film et le comics dont il s’inspire (je reviendrai d’ailleurs rapidement sur ce dernier, que j’ai lu avant d’aller voir le film, dans un prochain article), mais ce serait assez injuste tant les deux supports, s’ils partent de la même base, sont assez différents pour livrer deux histoires distinctes. Citons tout de même quelques points. Dans le comics, il s’agit pour le gouvernement de recenser les super-héros dans un fichier et que ceux-ci dévoilent leur vraie identité. Ce qui n’a pas lieu d’être dans le film puisque, à quelques rares exceptions, l’anonymat des super-héros n’existe pas.

 

Captain America Civil War 11

 

Mais cette légère différence sur ce point de départ met en lumière une différence de taille dans le traitement du fond du problème. Oui dans le comics on parle de recension, de levée d’anonymat, de fichier, de marquage, de flicage. Tout parallèle avec des événements ayant eu lieu dans les années 30 n’est sans doute pas fortuit. Et du coup, là où le comics montrait des partis pris assez radicaux du côté de Tony Stark, on sent que le film a plutôt préféré prendre une voie centrale, histoire de ménager la chèvre et le chou, et surtout de ne pas donner le mauvais rôle à aucun des personnages. Oui dans le film, la problématique s’équilibre, et chacun des camps a raison. Si on lit entre les lignes, il est difficile d’en dire autant dans le comics. Mais la production a sans doute voulu éviter de trop « souiller » l’aura du Iron Man bien aimé du public (ce serait dommage de vendre moins de produits dérivés du personnage quand même…). Dommage, on y perd en engagement je trouve.

 

Captain America Civil War 03

 

D’autre part, et on sent à nouveau un manque de prise de risques, l’issue du film (que je ne dévoilerai pas ici) n’a rien à voir avec celle du comics, elle reste dans le consensuel là où le comics continuait à aller dans la radicalité (jusqu’à l’issue dramatique que les amateurs connaissent). Dommage là encore, Marvel a-t-il dû se retenir sous la pression de Disney ? Pour le reste, le déroulement de l’histoire du film et du comics sont très différentes tout en partageant beaucoup de points communs, les amateurs ne seront donc pas dépaysés tout en ayant largement de quoi se mettre sous la dent.

 

Captain America Civil War 22

 

Qui dit « Civil War » dit affrontement entre plein de super-héros. Si le film ne peut pas se permettre de mettre à l’écran autant de personnages que le comics, on notera tout de même l’introduction de deux nouveaux personnages. Tout d’abord Black Panther, le roi du Wakanda, fictif pays africain. Un personnage qui, il faut le dire, a grave la classe. Et puis bien sûr, le tant attendu Spider-Man, qui est donc une nouvelle fois rebooté ici (on commence à en avoir l’habitude avec lui…). Je ne suis pas un grand fan de ce personnage, mais je dois dire qu’il est ici traité à la perfection. Jeune, drôle, bavard (et encore suffisamment naïf pour se faire embrigader par un illustre personnage sans trop connaître les tenants et les aboutissants du conflit), c’est peut-être ce que j’ai vu de mieux le concernant au cinéma, mais on attendra de voir un film complet sur lui pour en juger (ho pas bien longtemps, c’est déjà prévu en 2017…). Ses débuts sont en tout cas plus qu’encourageants. Si on ajoute les Avengers habituels (auxquels il faut ajouter le récent Ant-Man), on commence à avoir une belle brochette de super-héros. Et comment ne pas parler de cette fameuse scène de l’aéroport (alors qu’on évitera de parler de la première scène qui fait mal aux yeux…) ? Bataille rangée (à petite échelle) de super-slips, c’est un régal de cinéma comics (et qu’est-ce que ça fait du bien de voir une grosse baston bien filmée et lisible, n’est-ce pas « Batman v Superman » ?).

 

Captain America Civil War 04

 

Le bilan est donc globalement positif, même si j’ai senti comme une certaine distance s’installer, et un certain manque d’impact émotionnel (mais le manque de radicalité dans le propos n’y est sans doute pas pour rien). Pas de quoi faire la fine bouche cependant, et Marvel montre bien qu’avec ce film (certes centré sur Captain America mais qui aurait tout aussi pu prétendre s’appeler « Avengers ») la firme a un train d’avance sur la concurrence et que son univers largement installé peut lui permettre (mais encore faut-il qu’elle le veuille) d’aller dans des directions non encore balisées, alors que DC se retrouve à ramer pour installer le sien. Mais la bataille ne fait que commencer : souvenez-vous que dans les années qui viennent, il faut s’attendre à avoir pas loin d’une dizaine de films de super-héros par an, tous studios confondus. Jusqu’à l’essoufflement ?

 

Captain America Civil War 06

Captain America Civil War - affiche

 

  
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