Northlanders, tome 3, le livre européen, de Brian Wood
Alors que j’avais chroniqué les deux premiers volumes de cette trilogie en une semaine, il aura fallu presque un an pour que j’en arrive à la conclusion. Mais la voilà, avec un bon gros bouquin de 450 pages.
Ce troisième opus est donc centré sur le continent européen (rappelons ici que Urban Comics a effectué un louable travail éditorial en regroupant les différents récits dans une « unité de lieu », le premier volume étant centré sur les îles britanniques, le deuxième sur l’Islande au sens large), et plus particulièrement la Norvège, la France et la Russie, entre 700 et 1020 après J.-C.
Cinq récits sont au programme, trois assez importants en taille, deux plus anecdotiques, « L’art viking du combat singulier » et « La chasse ». Le premier fait office de récit semi-philosophique sur l’approche qu’ont les vikings de la vie et de la guerre. Le second met en scène un chasseur à la poursuite de sa proie, un cerf, en plein hiver particulièrement rigoureux. Joli mais pas particulièrement marquant.
« Métal » tranche quelque peu avec le reste des récits de la saga puisque c’est celui qui flirte le plus ouvertement avec le fantastique avec cette déesse Hulda (sorte de divinité de la forêt) qui semble utiliser les protagonistes humains comme des marionnettes. À moins que tout cela ne soit qu’illusion puisque Erik et Ingrid, sa protégée albinos souffre-douleur des chrétiens, semblent abuser de certaines substances hallucinogènes… Ce récit s’intéresse, comme nombre d’autres, à l’opposition entre religion païenne et chrétienne, à travers une cavale vengeresse et sanguinaire (qui n’est pas sans rappeler « La croix et le marteau » du volume 1). Mais qui sont les plus détestables dans cette histoire, les païens ou les chrétiens ? Ou plutôt les dieux ? Situé en Norvège en 700 après J.-C., j’émettrais juste un petit doute sur la datation du récit, 700 semblant un peu optimiste pour les premiers contacts des chrétiens en terre nordique, mais je ne suis pas spécialiste…
« Le siège de Paris » met en place, comme son nom l’indique, le siège de Paris entre 885 et 887 après J.-C. Vu depuis le point de vue d’un guerrier viking, l’aspect historique semble bien présent, malgré certaines libertés prises avec la réalité qui, certes, servent certes le récit mais amenuisent l’aspect documentaire de cet épisode (le moine Abbon, par qui le récit du siège nous est parvenu, est ici au côté des assaillants….). Ceci dit, le tout est efficace, bien mené et avec un choix de couleurs oscillant entre les tons froids pour montrer la rudesse de l’hiver et les tons chauds lors des assauts meurtriers.
Enfin, en clôture, « La veuve et la peste », sans aucun doute le meilleur morceau de ce volume. Située sur les bords de la Volga en 1020 après J.-C., cette histoire voit une colonie viking, déjà convertie au christianisme, être décimée par la peste. Seule solution, prônée par un prêtre étranger : l’isolation totale de l’extérieur. La colonie va donc fermer ses portes, non sans s’assurer auparavant que les malades ne leur causeront aucun soucis. Mais il n’y a pas que la maladie pour ravager les rangs de la communauté : la cupidité et l’ambition y ont aussi leur part… Au milieu de ce lent carnage, la jeune veuve Hilda tente de protéger sa fille à tout prix. Cette histoire est sans conteste le gros point fort de ce troisième tome, une histoire plein de violence (pas seulement physique) et de tensions en tous genres. Sorte de huis clos à l’échelle du village soumis à un terrible hiver, le récit est un prétexte à l’étude d’une communauté obligée de faire ce qu’il faut pour survivre. Mais tous les protagonistes n’ont pas les mêmes ambitions, ni les mêmes scrupules… Récit très sombre, « La veuve et la peste » est marquant à plus d’un titre, et cette description de la déchéance d’une paisible communauté que fait éclater un terrible coup du sort résonnera dans la tête du lecteur pour longtemps, avec en plus des dessins forts réussis de Leandro Fernandez.
Une très belle histoire donc, avec ses moments poignants, révoltants, qui conclut ce volume de superbe manière. On n’a certes pas de récit de l’ampleur historique d’une « trilogie islandaise » comme dans le volume 2, mais ce troisième tome reste tout à fait dans la lignée des précédents.
Comme dans le volumes 1 et 2, les couvertures des différents numéros sont reprises avec toujours Massimo Carnevale à la manoeuvre, et c’est encore une fois superbe.
« Northlanders » confirme donc tout le bien que je pensais de cette saga. Avec sa volonté de montrer (malgré quelques accrocs historiques) les Vikings sous un jour plus en accord avec la réalité, cette manière de revisiter cette civilisation chronologiquement comme géographiquement (aucun lieu ou presque d’influence viking n’aura été oublié : Europe du nord bien sûr mais aussi Grande Bretagne, France, Russie, Empire byzantin…), et à travers différents récits indépendants, Brian Wood nous donne là une belle oeuvre, la preuve que les comics peuvent offrir autre chose que des trucs super-héroïques. Excellent !
Une bien belle saga que cette trilogie rondement menée, en effet. 🙂
Absolument, et c’est à toi que je dois la découverte, merci. 😉
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