H.P. Lovecraft : quelques récits, épisode 1
Ce n’est pas un secret : je débute « en Lovecraft« . Hé oui, on a tous nos secrets inavouables (quoique que je ne peux pas vraiment qualifier ça de secret). Mais comme il n’est jamais trop tard pour bien faire, je me suis mis à lire quelques récits plus ou moins liés au fameux mythe de Cthulhu (plutôt plus que moins d’ailleurs). Trois récits sont au programme aujourd’hui (d’autres articles suivront), en non des moindres : « L’appel de Cthulhu », « Le monstre sur le seuil » et « L’abomination de Dunwich ».
- « L’appel de Cthulhu » (traduction de François Bon)
Puisque mon objectif est de me plonger dans le mythe de Cthulhu, autant y aller franchement avec ce qui est sans doute le récit le plus connu de celui-ci, et peut-être tout simplement le plus connu de l’auteur.
Le narrateur est, on l’apprend dès le début du récit, un homme désormais défunt (nommé Francis Wayland Thurston). C’est son journal qui nous est présenté (j’ai toujours beaucoup aimé ce genre de procédé). Thurston hérite de tous les biens de son grand-oncle décédé mystérieusement, et c’est en fouillant dans ses documents qu’il va s’intéresser à quelque chose qui le dépasse totalement.
Pas besoin d’en dire plus, on se doute que l’indicible est au bout du chemin. C’est bien évidemment dans la progression de l’intrigue que se trouve tout l’intérêt du récit, superbement bien dosée. Suspense, mystère, occultisme et Grands Anciens sont au menu. Bien sûr le style inimitable de Lovecraft est bien présent aussi, avec cette accumulation d’adjectifs dans le champ lexical de l’horreur. Ajoutons-y une introduction qui accroche immédiatement :
Bref, « L’appel de Cthulhu » est un récit terriblement accrocheur, très efficace, mené de main de maître, et proposant (en plus de l’indicible, du monstrueux, de l’épouvantable, de l’inhumain… 😉 ) une enquête ma foi tout à fait prenante. Un récit culte, et qui mérite bien ce statut.
Un regret tout de même : le racisme de l’auteur est flagrant, hé oui…
- « Le monstre sur le seuil » (traduction de Jacques Papy et Simone Lamblin)
Je disais au-dessus que Lovecraft savait débuter ses récits pour immédiatement captiver ses lecteurs. Que dire alors de cette introduction :
Comment ne pas lire la suite ? Qui se révèle d’ailleurs là aussi à la hauteur, avec une forte intertextualité avec le reste de l’oeuvre de Lovecraft (Arkham, l’Université Miskatonic, Innsmouth, le Nécronomicon, etc…). Bien sûr, en grand débutant lovecraftien que je suis, je ne peux pas saisir toute la portée de ces multiples références mais ces noms sont devenus tellement célèbres qu’on les repère au premier coup d’oeil.
Le récit en lui-même se présente là encore comme un journal personnel, un procédé que semble apprécier Lovecraft (ce qui me va tout à fait). Daniel Upton va donc dérouler les événements l’ayant conduit à tuer son ami Edward Derby, menant à ce qui, d’après lui, serait une justification suffisante à son geste. A nouveau, l’éfficacité de la plume de Lovecraft joue à plein, et même si le récit n’a pas la puissance évocatrice de « L’appel de Cthulhu », la maîtrise narrative de l’auteur fait le reste. Assurément un très bon texte.
- « L’abomination de Dunwich » (traduction de Jacques Papy et Simone Lamblin)
Je suis un peu plus réservé sur ce récit. Il a certes la particularité de se dérouler en milieu rural, mettant en scène des personnes que l’on appellera poliment « des gens du cru ». Mais tout en gardant une structure proche des récits ci-dessus (on discerne peut-être ici un des travers de Lovecraft, qui me fait dire qu’il faut le lire « à petites doses »), sans toutefois que ce soit un journal personnel, la narration étant ici plus classique, il y a des longueurs, des passages un peu redondants, qui font que ce long récit frôle l’ennui par moment.
Mais il faut tout de même (à nouveau !) souligner l’efficacité de la longue introduction présentant les abords de l’étrange et inquiétant village de Dunwich, ainsi qu’un final tout en puissance (après une longue enquête), avec tout ce qu’il faut de créatures innommables et monstrueuses. Lovecraftien sans aucun doute, malgré quelques réserves.
Je suis donc bien obligé d’en convenir, les récits de Lovecraft, sans forcément faire sombrer le lecteur dans la terreur, ont ce qu’il faut pour accrocher, et je risque bien de faire partie (si ce n’est déjà fait) de ses prochaines victimes. A suivre donc.
Ah oui, il faut continuer.
Encore tant de plaisir à découvrir.
Détail : « Un regret tout de même : le racisme de l’auteur est flagrant, hé oui… » Ne lis pas Horreur à Red Hook alors 😉
C’est prévu, je ne vais pas m’arrêter là.
Pour « Horreur à Red Hook », au moins je suis prévenu. 😉
Comparé à Gustave Le Rouge, Lovecraft passe presque pour un modèle d’ouverture d’esprit…
Persévère Lorhkan, Les Montagnes Hallucinées ou l’Affaire Charles Dexter Ward se lisent toute seules.
Il y a certainement pire que lui oui, et il faut toujours séparer oeuvre et auteur, etc… Il n’empêche que ça fait bizarre…
Je vais continuer à le lire, je sais que j’ai plein de belles découvertes horrifiques à faire. 😉
Bienvenue aux portes de la déraison et du cauchemars ! Hahaha !
Parmi les textes qui m’ont le plus marqué dans mon adolescence il y a la Quête onirique de Kadath l’inconnue et Les chats d’Ulthar.
ça fait longtemps que je n’ai pas lu un de ces textes (d’ailleurs j’ai l’affaire Charles Dexter Ward sur la pàl).
Je crois que j’ai déjà perdu quelques points de santé mentale… 😉
Les textes que tu cites font partie du cycle des « Contrées du Rêve », le seul que j’avais lu avant de m’intéresser au mythe de Cthulhu.
Je me souviens avoir beaucoup apprécié « Les chats d’Ulthar », quant à « Kadath » j’ai eu plus de mal à avaler ces 150 pages serrées sans aucun dialogue ! Mais j’ai l’intention de relire ce texte puisque je suis plongé dans le beau livre de Mnémos « Kadath, Le guide de la Cité Inconnue ». 😉
Faut qu’on en discute par mail. Je te dirai tout ce qui est merveilleux. « Les rats dans les murs », toute la paranoïa lovecraftienne est dedans.
Avec joie, c’est quand tu veux. 😉
On pourrait aussi je suppose discuter longuement des traductions (il y a de quoi se perdre…) mais c’est un autre débat.
Tiens, d’ailleurs tu es parti sur l’une des nouvelles éditions ou des anciennes traductions ?
Un mix des deux. « L’appel de Cthlhu » est la nouvelle traduction de François Bon, les deux autres sont les vieilles traductions « classiques » (d’ailleurs François Bon n’a pas encore retraduit « L’abomination de Dunwich ») parfois très critiquées…
Bonne lecture en tout cas ! Ca me donne envie de racheter les intégrales des nouvelles pour les relire, ça date un peu dans mon esprit !
Merci !
Lovecraft doit se relire plutôt pas mal je pense, avec des histoires courtes, une belle ambiance, etc…
De saines lectures ! Attention quand même à ta santé mentale 😉
Merci.
Je sens que ma santé mentale se dégrade déjà… 😉
Je crois que j’ai lu une nouvelle de Lovecraft (et pléthore de parodies/imitations/pastiches). Faudra que je rattrape quelques uns de ses classiques un jour.
Ah oui, une nouvelle ce n’est pas assez ! 😉
J’avais tenté Lovecraft quand j’étais ado mais c’était pas trop passé. Faut vraiment que je retente.
Lovecraft quand on est ado, ça ne doit pas fonctionner sur tout le monde.
Le même problème se pose d’ailleurs avec le jeu de rôle « L’appel de Cthulhu ». Quand j’étais ado, on faisait des jeux de rôle pour se marrer, on n’était clairement pas dans le bon état d’esprit pour pratiquer du Lovecraft.
Ce serait bien différent maintenant…
Mais sais-tu que tu me donnes trop envie de le relire ? Ça fait genre trois ans que je n’ai pas mis le nez dedans.
J’aime sa plume et cette sorte de pessimisme terrifié, cette vision de l’existence comme un truc à peine supportable dans un océan d’horreurs diverses.
En plus, il parle parfois des abominations au fond des profondeurs océanes, et il se trouve que je ne sais pas nager et ai peur de l’eau – du coup ça me parle particulièrement.
C’est une très bonne méthode de le lire petit à petit. Quand tu lis un recueil de dix nouvelles d’un coup, voire plusieurs recueils, c’est forcément un peu redondant. Il pouvait se le permettre vu qu’il n’était pas forcément lu par les mêmes personnes tous les mois, ni d’ailleurs forcément publié tous les mois…
Lire trop d’un coup, ça me parait risquer l’overdose. Petit à petit ça me convient parfaitement.
Vu ce que tu dis, tu es une « cible » privilégiée pour les écrits de Lovecraft. Tu as tout ce qu’il faut pour frissonner à l’évocation de ces puissances insondables… 😉
Ravi de te donner le goût de relire l’auteur.^^