Nous allons tous très bien, merci, de Daryl Gregory
Quatrième de couverture :
Il y a d’abord Harrison, qui, adolescent, a échappé à une telle horreur qu’on en a fait un héros de romans. Et puis Stan, sauvé des griffes d’une abomination familiale l’ayant pour partie dévoré vif. Barbara, bien sûr, qui a croisé le chemin du plus infâme des tueurs en série et semble convaincue que ce dernier a gravé sur ses os les motifs d’un secret indicible. La jeune et belle Greta, aussi, qui a fui les mystères d’une révélation eschatologique et pense conserver sur son corps scarifié la clé desdits mystères. Et puis il y a Martin, Martin qui jamais n’enlève ses énormes lunettes noires… Tous participent à un groupe de parole animé par le Dr Jan Sayer. Tous feront face à l’abomination, affronteront le monstre qui sommeille en eux… et découvriront que le monstre en question n’est pas toujours celui qu’on croit…
Thérapie de groupe post-films d’horreur
Que se passe-t-il une fois que le générique de fin des films d’horreur défile devant nos yeux ? C’est en substance le sujet de ce court roman (moins de 200 pages) de Daryl Gregory. Cinq personnes victimes de traumatismes graves se retrouve dans une thérapie de groupe, sous l’impulsion du docteur Jan Sayer. Cinq personnes qui ne sont pas des héros, qui ne sont pas nécessairement sortis « vainqueurs » de ce qui a provoqué leurs traumatismes, mais cinq victimes qui souhaiteraient tourner la page, passer à autre chose mais qui en sont incapables.
Daryl Gregory joue habilement avec ses personnages, ne faisant découvrir au lecteur ce qui leur est arrivé que par bribes, gardant de nombreuses zones d’ombre. Mais ce n’est pas le sujet du roman, qui s’intéresse à l’après et qui, en donnant la parole à chacun d’eux, construit un canevas plus global, et qui pourrait bien amener ces personnages torturés à se confronter à nouveau à l’indicible (et ce mot, très lovecraftien, n’est pas là par hasard puisque l’auteur y fait expressément référence, à travers la ville de Dunnsmouth par exemple), eux qui tentent pourtant d’oublier.
Usant d’une construction très habile (chaque chapitre débute sur une narration faisant usage du « nous », avant que la focalisation se fasse sur un personnage en particulier, puis au fil du roman les chapitres s’intéressent à plusieurs personnages à la fois, renforçant la notion de groupe et rappelant la thérapie qui parvient à, semble-t-il, fonctionner), l’auteur nous fait vivre de l’intérieur cette thérapie, avec les blessures de chacun, les hostilités, les incompréhensions, les dialogues, les silences. Nul doute qu’il a dû être bien conseillé sur ce sujet, car tout cela sonne vrai, au-delà des faits qui, eux, tombent incontestablement dans le domaine du fantastique horrifique.
Et si les traumatismes de ces cinq personnages ont bien du mal à disparaître, c’est sans doute parce que ceux-ci sont dans le vrai. Ils sont de rares « privilégiés », ceux qui ont vu la vérité, ceux qui savent que l’Autre Côté existe, et qu’il n’attend qu’une petite ouverture pour déferler sur le monde. Ironiquement, ce sont eux qui ont les yeux ouverts et qui sont contraints de mener une thérapie, alors que la société les considère comme fous. Mais qui sont les fous ? Qui sont les aveugles ? Sans doute pas ceux auxquels on pense… Un joli renversement des rôles mené par Daryl Gregory qui signe là un roman court et nerveux, bien mené (c’est une belle réussite sur le plan de la construction) et qui sait ménager ses effets pour mieux surprendre le lecteur. Pari réussi donc (et agrémenté d’une intéressante interview en fin d’ouvrage, à ne lire qu’après en avoir terminé avec le roman !), et on a hâte de découvrir d’autres récits de Daryl Gregory (et moi j’ai tout intérêt à me mettre à lire « Stony Mayhall »…).
Lire aussi les avis de Gromovar, Blackwolf, Cornwall, Efelle.
Ce bouquin m’intéresse grandement. J’aime explorer les conséquences d’un traumatisme grave sur le psychisme des individus (cette phrase ne fait pas du tout psychopathe, pas du tout). ET puis j’ai bien aimé son bouquin précédent.
Alors ça pourrait bien te plaire… 😉
Jamais lu de livre de lui mais en tout cas celui-ci me tente beaucoup !
Ça me semble une bonne porte d’entrée (en même temps je n’ai lu que ce roman de cet auteur, « L’éducation de Stony Mayhall » dort sagement sur ma PAL…). 😉
Bien tentant en effet, c’est pas tous les jours qu’on a affaire à un thème pareil ! J’ai retenu son précédent ouvrage à la bibliothèque, pas le même sujet certes mais ça peut permettre une première rencontre avec l’auteur avant de mettre la main sur celui ci !
Le thème est original en effet. J’au aussi son précédent sur ma PAL, mais j’ai commencé avec celui présenté ici, qui est aussi une très bonne introduction à la prose de Daryl Gregory.
Je commente sans avoir lu ta chronique car je vais bientôt le lire justement (et j’aime entrer dans l’inconnu total car lire des avis oriente déjà ma lecture) et donc, juste pour dire que je risque de passer pas mal de temps sur ton blog désormais, car tu lis absolument tous les livres qui me font envie !
Je suis donc ravie !
(Ce commentaire était très peu constructif, j’avoue)
Cool, ça fait toujours plaisir de croiser quelques congénères qui partagent les même goûts. 😉
Bonne lecture, ce roman c’est du bon.
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