Glissement vers le bleu, de Robert Silverberg et Alvaro Zinos-Amaro
Quatrième de couverture :
La Fin de Toutes Choses à quatre mains
Avant d’aller plus loin, revenons brièvement sur la genèse de ce roman (Silverberg y revient plus en profondeur dans l’avant-propos). L’origine de « Glissement vers le bleu » se situe en 1987, date à laquelle Robert Silverberg se met à plancher sur une série de romans sur la fin de l’univers, dans un futur très lointain. Problème, l’auteur s’embourbe et ne parvient pas à mener son histoire correctement. Il laisse ce projet à l’abandon. 25 ans plus tard, en 2012 donc, Mike Resnick vient le voir pour lui demander de participer à une nouvelle collection dans laquelle les ouvrages devront mettre deux auteurs à l’honneur, l’un reconnu et l’autre étant son « protégé ». Mais Silverberg est arrivé à une époque de sa vie où le besoin d’écrire ne se fait plus sentir.
Mais l’envie de travailler avec Alvaro Zinos-Amaro lui fera déterrer cette novella jamais terminée (mais qu’il avait déjà réussi à transformer en courte nouvelle sous le titre « Hanosz Prime s’en va sur Terre », parue en 2006 en VO). A la charge du jeune auteur espagnol (devenu quelque temps auparavant un ami du grand Robert suite à une riche correspondance) de finir le travail, Silverberg se contentant d’un petit polissage pour rendre son récit présentable en l’état. « Glissement vers le bleu » se trouve donc être une l’association de deux novellas, l’une que Silverberg n’est jamais parvenu à terminer et qu’il a paresseusement ressortie à l’occasion du lancement d’une nouvelle collection, ce qui lui a permis de ne pas avoir à reprendre la plume, et l’autre d’un auteur espagnol inconnu qui a la lourde charge de se débrouiller pour finir ce que l’immense auteur américain a commencé.
Et le résultat s’en ressent quelque peu. Tout d’abord, côté Silverberg, le récit part un peu dans tous les sens, et on comprend bien que le romancier s’est trouvé piégé dans un récit qu’il ne sait lui-même pas où emmener. Alors bien sûr il s’agit de Silverberg, l’homme sait écrire, et jamais le texte ne se fait ennuyeux quand bien même l’intrigue est réduite à peau de chagrin. Le récit avance lentement certes, mais le rythme n’en pâtit pas, dynamisé qu’il est par un narrateur omniscient qui ne cesse de faire des apartés et autres longues digressions, toutes écrites entre parenthèses, sur un ton souvent drôle. Bref, le lecteur s’amuse, l’auteur aussi sans doute même s’il ne sait pas où il va et que l’intrigue se fait minimaliste.
Puis vient le tour de Alvaro Zinos-Amaro. Qui parvient dans un premier temps à étonnamment bien reprendre le style de Silverberg, jouant lui aussi avec quelques digressions (toutefois moins nombreuses) sur un ton légèrement humoristique et, et c’est là son ajout principal, à donner du corps au récit. Il densifie en effet l’intrigue (parfois malheureusement en utilisant quelques raccourcis un peu trop faciles), reprend les fils laissés à l’abandon par Silverberg pour parvenir à nouer un récit qui tient la route. Ceci dit, le texte de Silverbob partait sur un ton sentant fort l’hommage à la SF de l’âge d’or, et l’auteur espagnol (dont la formation est basée sur les sciences) perd un peu cela de vue en y ajoutant quelques théories purement scientifiques qui détonnent un peu dans un texte qui (comme toujours chez le grand romancier américain) cache bien ses ficelles scientifiques.
Et quand bien même l’intrigue s’épaissit un peu, le roman ne peut s’appuyer sur elle seule, elle qui n’apporte pas les différents niveaux de lecture qu’on est en droit d’attendre d’un récit initié par Robert Silverberg. Ils sont loin les romans du type « Les profondeurs de la terre » ou « L’oreille interne ». De même, alors qu’on est bien dans une histoire de fin du monde, le lecteur a bien du mal à se sentir impliqué dans ce qui tend vers une une issue dramatique, la faute à un univers pas assez développé et qui paraît particulièrement vide.
Bref, ce « Glissement vers le bleu » n’a finalement que la « simple » prétention de divertir le temps de la lecture, ce qu’il fait plus par le style que par son histoire. A ce titre, je me suis plus amusé à lire la partie Silverberg que la partie Zinos-Amaro. Mais il entre aussi complètement dans la zone des romans « vite lus, vite oubliés ».
Dommage, je n’achèterai pas le livre aux Utopiales du coup, mais ce n’est pas grave, j’ai encore plein de livres de Silverberg à lire 🙂
Il a fait tellement mieux que ce qu’il nous propose ici…
J’avais rien compris à la nouvelle sur Hanosz Prime alors quand j’ai vu son nom dans le résumé, j’ai pris la fuite… j’ai bien fait je crois 😀
Je n’ai pas lu la courte nouvelle, donc je ne peux rien dire dessus.
En revanche, je peux t’assurer qu’il y a bien mieux à lire de la part de Silverberg. 😉
Je viens de le terminer, que dire, vraiment aucun intérêt. Et pourtant , Robert Silverberg est un de mes auteurs préférés en SF .
Il n’a pas fait que des chefs d’oeuvre, ce roman en est la preuve… 🙁
[…] Lorhkan, […]