Lum’en, de Laurent Genefort
Quatrième de couverture :
« La vie intelligente sur Garance apparut cent mille ans avant que la planète ne porte ce nom. Cette vie-là n’était pas humaine, ni même organique. Lum’en était unique en son genre… »
Imaginez une étoile avoisinant sept dixièmes de masse solaire… Si vous levez les yeux, il se peut que vous aperceviez son éclat blanc-jaune sur la face antérieure du bras spiral d’Orion, à sept mille parsecs du centre galactique. Le système de Grnc.mld1 compte six planètes : cinq telluriques et une gazeuse. De ces six planètes, Garance est la seule qui évolue dans la zone d’habitabilité.
« Lum’en » relate la colonisation de Garance, une planète comme tant d’autres, du moins en apparence… L’histoire de ces femmes, de ces hommes rudes lancés à la conquête d’un monde, le récit des luttes de ces pionniers qui, au fil des générations, vont écrire la plus exceptionnelle des aventures, la plus terrible, aussi, celle de l’ancrage, du développement puis, inéluctable, du déclin d’une colonie dans les confins. L’essence même de la nature humaine, en somme, la quête d’horizons nouveaux. Quitte à rater l’essentiel…
Cent ans de solitude sur Garance
« Lum’en » se présente comme un fix-up de six nouvelles décrivant la colonisation de la planète Garance par l’espèce humaine sur plusieurs générations, ces six nouvelles étant entrecoupées par de courts intermèdes ayant pour protagoniste une étrange forme de vie millénaire nommée Lum’en, exilée sur Garance par ses comparses il y a 100 000 ans et nichée sans moyen d’en sortir au coeur de cette planète. Les humains n’ont pas conscience de son existence, et c’est donc sans soupçonner ce qui vit sous leurs pieds qu’il vont entreprendre d’exploiter les richesses de cette planète. La colonisation de Garance se pose donc comme le fond du récit, et on y retrouve les éléments classiques d’une colonisation d’un monde étranger : l’arrivée des premiers colons, l’installation, la croissance, les premières contestations, les rebelles, la répression, le déclin…
Garance est une planète exotique : entièrement recouverte par les « caliciers », ces arbres rouges qui abritent tout un écosystème (formes de vie parasites ou intelligentes, avec tout ce qui est nécessaire à leur survie puisque leur forme particulière leur permet de retenir l’eau sous forme d’étang sur leur frondaison, d’où leur nom), peuplée par les « pilas », sorte de poulpes arboricoles, qui semblent être d’ailleurs la seule forme de vie intelligente de la planète, mais pas suffisamment intelligente (c’est ce que veulent en tout cas faire croire la grande majorité des colons) pour prétendre s’approprier la planète selon les lois des colonisateurs. Garance n’est pas inhospitalière en ce sens que rien n’est réellement dangereux pour les hommes, mais elle a le défaut de ne rien offrir d’assimilable par l’organisme humain. La vie est donc relativement difficile pour les colons, puisqu’elle dépend en grande partie de ce que leur envoie leur employeur qui « détient » cette planète et ses richesses.
Sous couvert d’un récit tout à fait abordable de SF type « planet-opera », Laurent Genefort explore à travers les récits qui composent « Lum’en » de nombreux thèmes propres à la colonisation et qui font écho à notre propre histoire. Destruction du biotope, déni de l’intelligence des autochtones, l’aspect destructeur de l’être humain ne manque pas d’illustrations. Mais l’homme est un loup pour l’homme, et il se conduira lui-même à sa propre perte : soif de pouvoir, violence, pouvoir politique corrompu, mainmise des corporations sur des planètes entières, volonté de rentabiliser les investissements quel qu’en soit l’impact sur la planète, le tableau est bien sombre.
Tous ces thèmes sont subtilement évoqués au travers de récits qui offrent des points de vue toujours différents, variant agréablement la lecture en offrant des personnages attachants. Certes, il ne s’agit pas d’un roman au sens strict, de par son concept on ne peut pas se lier à un personnage en particulier. Mais le fil rouge ici, c’est Garance : alors que les courtes vies humaines passent, Garance reste. C’est là que se situe la bonne idée de Laurent Genefort qui a sans doute trouvé la forme idéale pour son propos.
Pourtant, la gestation de ce roman n’a pas été simple comme le prouve l’avant-propos du romancier, avec au départ deux nouvelles indépendantes et déjà parues, et quatre autres textes qui faisaient partie d’un projet qui n’a jamais vu le jour. Mais force est de constater que cela ne se sent pas du tout, les textes ont été bien retravaillés pour former un tout cohérent. « Lum’en » forme donc un bon récit de 300 pages, intelligent, source de réflexions, dont la forme sert complètement le propos. C’est un peu le « Cent ans de solitude » de Laurent Genefort, ou pour rester dans le cadre de la SF, une sorte de « Desolation road » (roman de Ian McDonald que l’auteur apprécie tout particulièrement) en moins barré. Une bonne lecture qui me met le pied à l’étrier pour me plonger un peu plus dans son oeuvre. Oui, « Omale », c’est à toi que je pense.
Lire aussi les avis de Cyrille, François Schnebelen.
Critique rédigée dans le cadre des challenges « Summer Short Stories of SFFF » de Xapur et « Summer Star Wars, épisode III » de Lhisbei.
Un petit peu déçue pour ma part par cette lecture, pas réussi à accrocher aux personnages, à part Lum’en qu’on suit un peu plus. Mais j’ai lu aussi Mémoria de lui qui était très bien !
Le concept même du fix-up fait qu’on ne suit pas un personnage de bout en bout, donc l’attachement qu’on peut porter à un personnage de roman ne se retrouve pas ici. Ils sont forcément moins développés, d’autant que le personnage le plus important finalement, c’est la planète Garance elle-même.
Acheté ce jour, Genefort, c’est le bien ! (j’ai aussi le premier tome d’Omale dans ma PAL, il est prévu pour le SSW III !)
Si tous ses romans sont comme celui-ci, ça va me plaire (et je sais déjà qu’Omale ne peut que me plaire). 🙂
Faut lire Omale, c’est le bien 😀
D’ailleurs vu le style et les couleurs de la couv’, j’aurais pensé que ça s’y passait.
Il faut croire que Manchu lit les livres avant de les illustrer (ce que devrait faire tout illustrateur d’ailleurs). Pour le vaisseau et les bâtiments, on peut se poser la question, mais avec les deux lunes et les arbres rouges de bas en haut (y compris le tronc, ce sont les fameux caliciers), pas de doute : on est bien sur Garance. 😉
Il se trouve que j’ai croisé une ou deux fois Manchu: il lit les livres… si on les lui envoie 🙂 Quelque fois, les illustrateurs doivent se contenter de vagues indications de l’éditeur. Ce qui explique certaines choses.
Un bon exemple d’illustration ( les frères Hildebrandt je crois) où les artistes n’ont eu droit qu’à quelques rares photos du film: http://www.mauvais-genres.com/fr/archives/3930-star-wars-tres-rare-affiche-us-original-movie-poster-1sh-77-nss77-21.html
J’ose espérer que l’éditeur envoie le livre à l’illustrateur qu’il a choisi. Ça me semble être la moindre des choses.
Maintenant, je ne suis pas très au fait du processus de création d’un roman au niveau éditorial, et donc je ne sais pas quand l’illustrateur fait son boulot. L’auteur a-t-il terminé son roman avant que l’illustrateur ne se mette au travail ? Tu sais sans doute ça mieux que moi… 😉
Souvent l’illustrateur travaille très en amont pour que l’éditeur ait matière à commencer à communiquer sur le livre. Il doit donc lire très vite le « manuscrit » et, surtout, trouver des idées rapidement. Dans certains cas de figure, le livre est en cours de traduction et l’illustrateur n’a droit qu’à un résumé ! Il ne faut pas croire que l’édition est une grande machine genre fleuve tranquille…
Dans l’histoire des pulps, on connait bien des couvertures qui ont été réalisées librement, à charge à un écrivain de l’écurie d’écrire une histoire qui corresponde à l’image – en général une jeune fille peu vêtue sauvée par un valeureux spationaute.
Quand le romancier est francophone, comme c’est le cas ici, ça doit donc simplifier le processus. Sinon, sur la base de deux-trois idées, ce n’est pas simple de bien représenter le roman (et oui, côté pulps, les jeunes femmes dénudées, ça marchait pas mal, et c’était pour les écrivains l’occasion de vendre des histoires à peu de frais, Robert Howard en a profité par exemple, parmi tant d’autres)…
Ce qui me frappe avec Manchu, c’est qu’il arrive toujours à intégrer des détails dans ses illustrations qui sont directement issus de l’univers qu’il illustre, ça donne une vraie touche d’authenticité.
Merci pour ces infos en tout cas, c’est très intéressant. 😉
Et là je me dis, « Mince toujours pas lu de livre de Genefort non plus » :-s.
Bienvenue au club ! Ah mais je n’en fais plus partie maintenant… 😀
Tu donnes vaiment envie de découvrir ces univers originaux… Il va falloir que je me penche sérieusement sur les bouquins de Laurent Genefort 🙂
Pour qui aime le space-opera tendance « aventures » mais de grande envergure, voire même un peu plus ambitieux (comme c’est le cas ici), ça me semble être un passage quasi-obligé. 😉
Du coup, j’ai téléchargé l’extrait sur ma liseuse, je vais essayer 🙂
Bonne lecture. 😉
Merci ! 😀
Pareil, je n’ai encore rien lu de Genefort, mais j’ai acheté Lu’men hier, en même temps que 5 autres livres que je ne pourrai sans doute pas lire avant des siècles. ^^
Tu me donneras peut-être ton avis en 2050 ? 😀
D’ici là, bonne lecture ! 😉
Coucou Lorhkan, depuis ton article j’ai eu l’occasion de lire Omale (fascinating !), et de participer à un festival avec Laurent Genefort qui est vraiment quelqu’un de très sympa dans la vie. Je parle de lui dans mon dernier article, en attendant la vidéo de notre table ronde « Créateurs d’univers », je me suis régalé à l’écouter parler 🙂 J’ai hâte que Nice-Fiction(s) la rendre disponible !
Il va falloir que je lise Omale un jour, ça fait tellement longtemps que je dis ça… 😀
J’ai eu l’occasion d’échanger un peu avec lui aussi et c’est en effet de très intéressant à écouter, très accessible et extrêmement érudit sur la SF, c’est un puits de connaissance !
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