Zapping cinéma et séries TV, épisode 16
« Whiplash » ou l’histoire d’un jeune batteur de jazz qui voulait devenir le meilleur. Il intègre une prestigieuse école, et se retrouve confronté à un professeur pour le moins tyrannique. Commençons par l’aspect le plus gênant : l’histoire du film n’amène guère de surprise. Non pas qu’on sente venir les choses, mais l’intrigue reste assez classique. Là où ça s’améliore vraiment, c’est du côté de l’interprétation, avec un Miles Teller en batteur plus vrai que nature (et il a vraiment bossé le côté musicien, lui qui fut batteur de rock a dû tout réapprendre pour devenir batteur de jazz) dans le rôle du jeune et ambitieux (et ses compétences sont à la hauteur de ses ambitions) Andrew Neyman et surtout un incroyable J.K. Simmons qui n’aura pas volé son Oscar 2015 du meilleur second rôle en incarnant Terence Fletcher, ce professeur persuadé que ses méthodes tyranniques et humiliantes aident à tirer le meilleur de ses élèves.
Si on aime la musique (sans forcément connaître le jazz, cette musique exigeante que j’aimerais vraiment apprivoiser mais pour laquelle je ne sais pas vraiment par où commencer…), le film regorge de fulgurances musicales enlevées et jouissives. Un pur plaisir pour les oreilles ! La mise en scène est à la hauteur, et la photographie particulièrement soignée magnifie les musiciens et leurs instruments (les cuivres sont à l’honneur !).
« Whiplash », grâce à son rythme enlevé, se regarde sans que le spectateur voit le temps passer, emporté par le swing de la musique qu’il incarne. Un film qui n’est pas sans défaut, mais que j’ai regardé avec un énorme plaisir, du genre de ceux que je sais ne pas être des chefs d’oeuvre mais qui occupent une place tout particulière dans mon coeur. Une vraie réussite.
Birdman, de Alejandro G. Iñárritu
Au delà du nom du réalisateur qui est de ceux qui sont les plus difficiles à écrire avec un clavier (merci le copier-coller !^^), « Birdman » est un film complexe. Complexe mais passionnant. « Birdman », à travers la trajectoire d’une ancienne star du cinéma qui a incarné un super-héros dans une trilogie une vingtaine d’années auparavant (faisant évidemment écho à la carrière de Michael Keaton, magistral dans ce film, et qui fut Batman dans deux longs métrages de Tim Burton en 1989 et 1992), aborde de multiples thèmes, de la soi-disant plus grande valeur culturelle du théâtre sur le cinéma, au rôle des critiques dans la vie d’une pièce de théâtre, eux qui sont à même de détruire des carrières avec de petites phrases toutes faites, en passant par l’égo de certains acteurs, la schizophrénie de certains autres, hantés par d’anciens rôles desquels ils ne peuvent plus se détacher, la différence entre « vrai » acteur et célébrité, ce qui fait une carrière avec les moyens d’aujourd’hui (réseaux sociaux…), etc… Une richesse thématique parfois un peu trop appuyée, mais bel et bien présente, et illustrée de belle manière (de la voie off très forte et grave du personnage de Birdman qui hante l’acteur Riggan Thomson, incarné à la perfection par un Michael Keaton qui signe là un retour au sommet, jusqu’à certains super-pouvoirs qu’il croit détenir, le voile entre réalité et illusion semblant régulièrement se fissurer, etc…).
Difficile de ne pas parler de la mise en scène, impressionnante et transformant le film en un long plan séquence sans coupure ou presque. On suit tous ces personnages dans les méandres d’un théâtre de Broadway, la caméra virevolte pour passer de l’un à l’autre, apportant une vraie fluidité à ce qui pourrait ressembler à du temps réel (ce qui n’est pas le cas, grâce à quelques artifices très réussis). La bande originale porte bien son nom puisqu’elle est essentiellement constituée de morceaux de batterie signées Antonio Sanchez, batteur de jazz (décidément !), représentant l’état d’esprit de Riggan. Du côté des acteurs, c’est un sans faute également avec un grand Michael Keaton, je l’ai déjà dit, mais également les très belles prestations de Edward Norton qui bouffe l’écran quand il apparaît, ainsi que Zach Galifianakis qui sort enfin de ses rôles comiques et prouve qu’il a bien d’autres choses à offrir, ou Emma Stone en ex-junkie, bien loin de la gentille Gwen Stacy de « Spider-Man ».
Faisant parfois penser au « Black Swan » de Darren Aronofsky dans ses thématiques (certains allant même, de façon un peu provocante, dire que « Birdman » est un « Black Swan » pour les garçons), « Birdman » est un film étonnant, virtuose par certains côtés, obscur et lourdaud sur d’autres, mais qui ne laisse pas indifférent. Un film riche en tout cas, et un très bon moment pour moi.
American sniper, de Clint Eastwood
Le voilà donc ce film qui a tant fait polémique ! Certains y voient en effet une apologie de la guerre, de l’interventionisme américain en Irak. Avec Clint Eastwood aux commandes, réalisateur ouvertement républicain et un brin réactionnaire sur les bords, on pouvait avoir peur de ce genre de discours. Et ce n’est pas le début du film qui contredira cette assertion : un chant de prière, « Allah akbar », puis le bruit de chenilles et l’image d’un char roulant dans des rues dévastées… Premières cibles de Chris Kyle, le fameux sniper, puis flashback sur son histoire personnelle avant son engagement. On a alors droit au jeune texan cowboy un peu benêt (et un Bradley Cooper à côté de ses pompes), éduqué par un père qui prône la loi du talion, puis la Bible, puis… N’en jetez plus, la coupe est pleine !
Mais le film opte pour un revirement, petit à petit. En s’intéressant de près à Chris Kyle (par l’intermédiaire d’un Bradley Cooper retrouvé après ce début de film laborieux), ce soldat qui pousse le patriotisme jusqu’à mettre sa famille en danger. Le film ne s’attarde pas sur la facette politique du conflit. Il suit les hommes du terrain à la semelle, sans éluder le côté traumatisant de la guerre, côté civil (les terroristes ne font pas de distinction entre civils et militaires) comme militaire (syndrôme post-traumatique notamment, duquel Chris Kyle ne s’exonérera pas).
Le film mériterait sans aucun doute plus de quelques lignes pour être analyser, il y a beaucoup à en dire, et Clint Eastwood, en réalisateur rusé comme il est, ne se prive pas de brouiller les lignes en proposant ce film volontairement ambigu et récupéré par tous les bords. A chacun de se faire son idée, mais avant de crier au loup, il faut sans doute avoir vu ce long-métrage pour lequel, au-delà du propos qui peut être discuté, on ne peut pas nier l’efficacité de la mise en scène, nerveuse comme rarement. Venant d’un réalisateur de 85 ans, ça force le respect.
Ah pour Whiplash, je suis encore plus enthousiaste que toi 🙂 Avant de commencer le film, je ne savais pas où irait l’intrigue, donc pour moi, elle n’est pas si classique que ça. Grosse claque concernant l’interprétation de J. K. Simmons et encore plus de Miles Teller… surtout quand on sait qu’il a réalisé 70% des scènes à la batterie (bon, il est batteur à l’origine, il n’a pas « appris » à imiter un batteur pour le film) et le reste par ledit professeur de Miles qui l’avait aidé à s’améliorer pour le film. (et what a surprise, Chazelle est aussi batteur). J’ai aussi eu la boule au ventre durant le film, sans doute car des souvenirs sont revenus 😉
Pour birdman, j’ai été trompée par un trailer américain, car je croyais vraiment à un personnage super héros à la retraite. Du coup, quand j’ai lu les premiers retours, je me suis dit qu’il fallait que je le laisse reposer sous peine d’être forcément déçue.
En fait pour « Whiplash », je sens que le temps lui donnera vraiment une belle place dans mon panthéon des films. Parce que j’ai vraiment pris mon pied en fait. 🙂
L’interprète de Miles Teller a en effet fait de la batterie quand il était plus jeune, mais dans un groupe de rock. Il a donc dû réapprendre une toute nouvelle gestuelle pour le jazz. Ça c’est de l’investissement personnel !
Ça ne m’a pas fait remonter de souvenir (je n’ai jamais joué d’instruments), mais la batterie sur lequel je me penche souvent quand j’écoute de la musique, donc forcément… 😉
Pour « Birdman », effectivement, ce n’est pas du tout ça. Ça n’empêche pas le film d’être très bon.
J’ai beaucoup aimé Birdman !
Yep, très bon en effet. 😉
Haha! Bien d’accord pour Whiplash, très bon. Je me demandais vraiment jusqu’où ils iraient.
Pas encore vu Birdman, mais ça va venir…
Vu American Sniper dimanche. Je l’ai trouvé très bon. Et pas vraiment patriotique. Enfin je ne sais pas, je l’ai trouvé assez lucide ce film (mon Homme était moins emballé que moi et y voyait un peu plus une sorte d’hymne à la nation). J’y ai cru et j’ai stressé tout du long et Bradley Cooper m’a pour la première fois convaincue.
Je crois que « American sniper » est vraiment ambigu (et c’est voulu), c’est pour ça que chacun peut y trouver son compte, ou à l’inverse le détester parce qu’il y trouve des choses qu’il n’aime pas. Fonction des sensibilités.
Bradley Cooper est bon après le premier tiers, j’ai trouvé qu’au début, en idiot texan, il était vraiment à côté de la plaque…
Oh yeah ! American Sniper me tente comme il m’effraie, j’avais peur que ce soit un peu longuet mais j’ai très envie de me laisser tenter. Surtout si la mise en scène assure. (Et puis bon, OK, j’ai un faible pour Bradley Cooper. Mais ceci n’interfère en rien dans mon jugement. Si, si.)
Quant à Birdman, au début, je me disais « Mais c’est quoi ce truc bizarroïde ? », mais force est de constater qu’il est couvert d’éloges et qu’il a l’air certes barré mais virtuose. J’ai été traumatisée par Michael Keaton en Batman, perso (ahhh mais que je l’ai trouvé mauvais !), mais je vais mettre mon trauma de côté. Au pire, Edward Norton est là pour contrebalancer. Bref, tout plein de films à aller voir, merci ! 😀
Oui, côté mise en scène, « American sniper » assure vraiment. Et puis si tu fonds pour Bradley Cooper, pourquoi se priver ?
Michael Keaton, mauvais en Batman ? 0_0 Moi je l’adore. Les mauvais Batman, ce sont Val Kilmer et George Clooney (et pourtant j’aime beaucoup ce dernier acteur).
Dans « Birdman », Michael Keaton défonce tout. 😉
J’avais un peu peur pour Wiplash n’étant pas un grand fan de jazz et ce fût une grosse claque. J. K. Simmons qui était déja énorme dans la série OZ, là il frôle la perfection. Et puis la fin un grand moment de cinéma.
Il y a plein de grands moments dans ce film,et c’est vrai que même si on n’est pas adepte de jazz, on peut quand même prendre son pied.
Cela dit, j’aimerais bien avoir l’avis d’un vrai adepte de jazz justement, peut-être que le son de cloche serait différent (en évitant quand même l’élitisme ou le snobisme, ce serait mieux…).
Whiplash et Birdman ne sont pas diffusés près de chez moi, je suis inconsolable ! Mais je me rattrapperai en vidéo 😉
Pour le dernier long-métrage du vieux Clint, à mon humble avis c’est un très bon film de guerre… si on oublie qu’il s’agit d’une oeuvre de propagande. J’ai été consterné par le manque de recul de ce film sur le vieux refrain bien connu de « c’est la guerre, mec, pas le choix faut y aller ». Le personnage féminin ne sert qu’à la reproduction de ce tireur d’élite politiquement correct, bien différent du vrai Chris Kyle… Le pire, c’est que j’ai vraiment apprécié les scènes de combat, c’était intéressant de donner ce point de vue sur l’enfer de la guerre en Irak, mais c’est dommage que ça reste complètement premier degré, surtout après les films d’Oliver Stone…
J’ai aussi du mal à voir Whiplash et Birdman, pas diffusés dans mon cinéma habituel (CGR, assez mauvais sur ce coup là…).
Il y a du pour et du contre dans « American sniper », et j’ai vraiment l’impression qu’en fonction des sensibilités, on peut y trouver une dénonciation de la guerre, ou bien tout l’opposé, du genre, il faut y aller pour la grandeur de l’Amérique. Je n’ai pas lu la biographie de Chris Kyle, mais d’après ce que j’ai lu de lui, il avait l’air assez « texan pur jus », donc pas forcément très fin sur l’analyse de la guerre. Si on se place de ce point de vue (le film est son histoire, basé sur sa biographie), on peut peut-être comprendre certains partis pris.