Les profondeurs de la terre, de Robert Silverberg
Quatrième de couverture :
Par cette communion, il espère laver ses fautes, ainsi que toutes celles commises par les colonisateurs terriens,
Ce qui l’attend dans l’expiation bouleversera à jamais les règles de l’humanité et celles de la Vie…
Colonialisme et rédemption
Tout le roman est centré sur Edmund Gundersen, l’ancien administrateur de la planète dorénavant appelée Belzagor, nom qu’elle porte depuis la décolonisation et le départ de l’espèce humaine. Huit ans après, Gundersen revient, mû par la curiosité d’en apprendre enfin plus sur un monde et ses habitants qu’il ne connait pour ainsi dire que très peu, alors qu’il était à l’époque chargé du bon déroulement des opérations prévues par son employeur. Mais peut-être qu’au fond, la simple curiosité n’est pas le seul ressort de son retour.
« Les profondeurs de la terre » , publié pour la première fois en 1970 (1973 en France), est souvent présenté comme un hommage au récit « Au coeur des ténèbres » de Joseph Conrad. Je n’ai pas lu ce roman, mais il m’est en revanche plus facile de faire le lien avec le film « Apocalypse Now », l’une de ses « adaptations » (et non pas transposition directe) les plus connues. Gundersen s’enfonce en effet dans une nature de plus en plus sauvage, en rencontrant certaines de ses anciennes connaissances, toutes profondément transformées par le temps passé sur Belzagor. Le voyage du personnage principal est tout autant physique que psychologique tant la quête de Gundersen se révèle être une véritable quête intérieure à mesure qu’il prend conscience que l’humanité n’a jamais pris la peine de comprendre les autochtones, les nildoror et les sulidoror, les forçant à travailler sans les considérer autrement que comme de vulgaires animaux.
Bien évidemment, et le lecteur le découvre en même temps que Gundersen, ils sont bien plus que ça, et l’on comprend que l’avancée d’une civilisation ne se mesure pas nécessairement à son évolution technologique, les traces culturelles qu’elle peut laisser derrière elle ou tout simplement à son apparence (les sulidoror sont de grands bipèdes à fourrures avec un groin de tapir et une queue tandis que les nildoror ressemble à des éléphants avec trois paires de défense). « Les profondeurs de la terre » se présente ainsi comme un vibrant plaidoyer anti-colonialiste et anti-raciste. Le parallèle avec la colonisation africaine est évidemment très fort, renvoyant là aussi à l’oeuvre de Joseph Conrad. Au fur et à mesure du voyage de Gundersen vers « l’ultime vérité » que certains ont déjà tenté d’approcher (à l’image du fascinant personnage de Kurtz, autre référence au récit de Conrad), l’ancien administrateur, porté par une volonté nouvelle, ira donc chercher la rédemption là où elle se cache : au cœur du plus grand secret des habitants de la planète.
« Les profondeurs de la terre » n’est clairement pas un récit d’action. Plutôt introspectif, psychologique, il porte une part de mysticisme sauvage à mesure que l’on s’enfonce dans la jungle. La science du récit de Silverberg fait à nouveau merveille et il est bien difficile de ne pas se laisser emporter au bout du mystère. Un mystère qui ne surprendra toutefois pas les lecteurs de SF, mais les thématiques du récit et la plume simple mais subtile de l’auteur emportent l’adhésion. Ce n’est peut-être pas le meilleur récit de l’auteur que j’ai lu, mais dans la veine humaniste de Silverberg, il reste extrêmement agréable.
Lire aussi les avis de Oman, Alvin, Matoo, Jean-Claude Péchoutou, Eklektik.
La recherche d’un mystère caché revient assez souvent dans les récits de Silverberg il me semble. J’étais complètement passé à côté de celui-ci qui a une très jolie couverture – jamais croisé en occase. Ça me tente bien.
La couverture représente une scène du roman. Ce n’est personnellement pas ce que je retiendrai du roman ceci dit ! 😆
En tout cas, j’ai déjà hâte de découvrir d’autres écrits de Silverberg.
Après avoir lu « L’oreille interne », si je croise ce roman, je le prendrai je pense. Merci pour la découverte.
Mais de rien !
Il y a tellement de belles choses à découvrir dans l’oeuvre de Silverberg que tu as l’embarras du choix, en plus de celui-là.