Les faucheurs sont les anges, de Alden Bell
Quatrième de couverture :
Temple a quinze ans. Elle ne peut se souvenir du monde tel qu’il était avant, il y a vingt-cinq ans… Avant que les morts ne reviennent à la vie, avant de se retrouver seule ou presque, sans personne d’autre qu’elle-même pour assurer sa survie. Heureusement, elle semble faite pour ça, et son périple sur les routes des États-Unis lui permet de se nourrir chaque jour de la beauté du monde. Pourquoi, dès lors, éprouver le moindre ressentiment pour les autres : les limaces, les sacs à viande… les zombies.
Avec « Les faucheurs sont les anges » Alden Bell signe une œuvre forte et originale, un récit poignant et humain qui, entre « La route » de Cormac McCarthy et « Walking Dead », donne une nouvelle dimension au mythe du zombie.
Alden Bell vit à New York où il enseigne au lycée et est professeur adjoint à la New School. Il est marié à Megan Abbott, auteur de romans noirs et lauréate du prix Edgar Allan Poe.
Saint Matthieu cède sa place à Sainte Temple
Il y a 25 ans, la civilisation s’est écroulée quand les morts se sont relevés. Depuis, les vivants survivent tandis que les morts, cadavres animés par un seul besoin, se nourrir, sont légion. La résistance, qui s’était mise en place au début de la catastrophe, a volé en éclats. Fin de notre belle société. C’est dans ce monde perdu qu’évolue Temple, jeune fille de 15 ans (qui n’a donc pas connu le monde d’avant) qui porte le roman sur ses frêles épaules.
Quoique frêles, pas tant que ça. Difficile de ne pas être désarçonné par l’assurance de cette ado qui ne s’en laisse pas compter. Elle est forte, fière, lucide sur le monde qui l’entoure, et ses réactions sont dignes d’un être qui a déjà bien baroudé tout au long de sa longue vie. Sauf que Temple n’a que 15 ans. Alors oui bien sûr, le monde est dur, ne pardonne pas aux faibles, et comme Temple n’a connu que cette époque peuplée des sacs à viande, on peut estimer qu’elle a été obligée de grandir à vitesse grand V. Pour autant, j’ai eu un peu de mal à m’y faire.
Et puis, au fur et à mesure, on apprend à découvrir Temple. Ses failles, ses fractures qui la travaillent de l’intérieur. Temple s’avère être un personnage très intéressant, tout en nuances de gris, donnant tout pour la survie, tout en restant humaine avec les besoins bien naturels d’une jeune fille fille de 15 ans. En résultent des réactions qui peuvent surprendre mais qui m’ont tout de même paru crédibles venant d’une ado forcée d’être adulte avant l’âge, tout en gardant sans doute une certaine part de naïveté enfantine. Elle est surtout loin d’être le personnage féminin que l’on voit trop souvent : parfois faible, en pâmoison devant un beau mâle ou bien vivant à travers un homme, etc… Non, rien de tout ça, Temple est tout l’intérêt du roman. Sans Temple, point de roman.
Et l’histoire dans tout ça ? Pas si importante que ça au final, elle se dévoile au fur et à mesure des pérégrinations et des rencontres de la jeune fille, restant prétexte à s’intéresser aux personnages du roman, qu’ils soient droits et honnêtes quitte à aller jusqu’au bout, qu’ils vivent dans un monde clos comme si rien de ce qu’est devenu le monde n’existait (avec parfois de lourds secrets), ou bien qu’ils tentent de reconstruire un début de société.
On l’aura vite compris, les zombies restent au second plan, servant uniquement à installer un contexte post-apocalyptique propre à développer des personnages complexes soumis à des situations parfois difficiles. Zombies, virus mortel, guerre nucléaire, tout ça c’est bonnet blanc et blanc bonnet. De mon point de vue, ce n’est pas plus mal ! Surtout quand l’auteur en profite pour nous proposer des personnages consistants, comme c’est le cas ici.
Un bonne introduction à la littérature zombies finalement ! Ceux qui attendent un roman insistant sur le phénomène zombie avec une aventure pleine d’action en seront pour leur frais, mais c’était justement ce que je voulais éviter. Objectif atteint donc avec ce roman qu’on ne peut pas classer en inoubliable de la SF (la faute à un « worldbuilding » qui manque de logique : comment expliquer qu’après 25 ans d’invasion zombie, l’électricité soit toujours disponible même dans des coins paumés, avec des pompes à essence toujours fonctionnelles et prêtes à remplir le réservoir de la voiture de l’héroïne ? Il y a toujours des équipes de maintenance qui gèrent les centrales électriques et les réseaux de transport d’énergie dans ce monde déchu ? La suspension d’incrédulité en prend un coup…), mais qui m’a donné un récit bien plus profond que ce à quoi je m’attendais.
Lire aussi les avis de Lune, Johanne, Cachou, Hiro, Avenue de l’horreur, Gromovar, Nymeria, Torospatillo, L’ivre mot, BiblioManu, ImaginR, May, Finally, Des bulles et des mots, Squeletor, Sybille, Lorancbs, Le chat du cheshire, Le sentier des mots, Sylvain Johnson, Mandy, Blackwolf, A little matter whatever, Ptitetrolle, La tête dans les livres, et bien d’autres…
Chronique rédigée dans le cadre du challenge « Zombies challenge » de Cornwall.
Lu aussi, à sa sortie, mais en lisant ton billet je me souviens à peine de ma lecture… pas bon signe ça. Je te conseille « Berazachussetts », c’est zombie et c’est argentin : que du bonheur !
Pas forcément bon signe en effet. On verra avec le temps ce qu’il en restera de mon côté.
Je note « Berazachussetts », merci. 😉
J’ai adoré ce livre ! La personnalité de Temple est extraordinaire !
Marquante la gamine ! 😉
C’est bien comme livre, pas vrai ?
Je ne peux pas dire le contraire. 😉
Quand ça manque de logique, je cale la plupart du temps… Dans les cas des zombies, c’est tout dans l’illogique. Puisque les zombies sont des humains à problème, ils ont les même besoin physiologiques que les humains – à savoir se nourrir au moins une fois par jour au risque de s’effondrer au bout de trois jours. Or les zombies ne se nourrissent pas de Mc Do ou de légumes bio mais d’humains en bonne santé – ils ne se mangent pas entre eux. Une denrée qui est toujours très très rare dans les histoires de zombies. On peut donc imaginer qu’au bout de disons une semaine il n’y ait plus un seul zombie qui tienne debout. Après tout, ce sont des corps en très mauvais état et je préfère du coup des histoires de zombies qui durent une nuit ou juste quelques jours. Parce que si on m’amusait à faire des histoires avec des voitures toutes pétées qui rouleraient des années sans problème, ça ferait rigoler les gens.
Je crois que ce qui me gêne le plus dans les zombies, c’est que je n’arrive pas à « croire » au phénomène, aussi étrange que cela puisse paraître pour un lecteur de SFFF. Le fait qu’ils soient ici en retrait m’a donc bien arrangé. Par contre, les failles dans le world building m’ont plus gêné. Heureusement que le reste du roman relève bien le niveau.
Mais pour en revenir à ce que tu dis sur le « fonctionnement » des zombies, l’auteur du roman ci-dessus a donné sa version des faits : si les zombies ne se nourrissent pas, ils s’ affaiblissent jusqu’à ne plus pouvoir bouger. Et s’ ils ne trouvent vraiment pas de chair humaine, ils peuvent même en arriver à manger l’un d’entre eux. Pas d’explications sur le pourquoi du comment, mais ça semble être l’ultime recours, en cas de situation désespérée. Pas sûr que tu sois convaincu, mais l’auteur semble s’être penché sur le problème que tu soulèves.
Un peu obligé. Au début, le zombie est un personnage qui surgit soudainement et survit sur une courte période – le héros va-t-il passer la nuit ? En les projetant sur le long terme, on se retrouve avec des paradoxes un peu idiots. Ils sont l’incarnation d’une nature sauvage et dangereuse (une vieille angoisse profondément ancrée dans l’âme humaine) – mais absolument pas intégrés au décor qu’ils hantent (contrairement aux animaux sauvages, Indiens, communistes, etc… qui les ont précédés).
C’est intéressant de voir au passage que dans cette mode, on voit bien que ça correspond à une angoisse assez récente qui dit qu’il n’y a pas pire ennemi pour l’Humanité que l’Homme lui-même par son comportement qui ravage la planète sans se soucier des conséquences: résultats, une catastrophe et l’Ennemi a une forme humaine (mais comme il n’a pas été écolo, il est devenu moche et méchant). En fait, je crois que je suis frustré parce que le zombie sert à mettre en valeur les survivants alors qu’il faudrait surtout réfléchir à ce qu’il dit sur nos peurs – et non pas comment les tuer.
La problématique du zombie ici n’est pas de savoir comment les tuer, d’ailleurs Temple, née après le début de la catastrophe, n’essaie pas de les éradiquer. Elle les tue lorsqu’ils sont une menace, mais le reste du temps, il font partie du paysage. C’est une donnée qu’elle a toujours intégrée.
Donc il n’est pas du tout question de lutte contre les zombies. Il s’agit plutôt d’une quête personnelle, les zombies ne restant qu’au stade du décor.
Les zombies de manière générale sont à la mode et permettre d’installer une intrigue dans un monde post-apocalyptique (lui aussi à la mode), chose que ne permet pas vraiment une attaque zombie sur un temps très court. Mais je suis d’accord que la cohérence globale peut en prendre un coup si les zombies restent présents sur une très longue période.
Pour ce qui est de les tuer, je parlais en général 🙂
J’avais récupéré et lu le premier chapitre, c’est vrai que ça avait l’air intéressant à lire. Un jour peut-être…
Un challenge, ça ne te motive pas ? 😉
J’ai ce livre sur ma liste de lecture depuis un moment, mais j’hésitais à faire l’achat, craignant quelque chose de trop adolescent. Mais s’il est axé sur la psychologie, ça peut peut-être valoir le coup.
Pas spécialement ado non, tout se joue sur Temple qui, toute ado qu’elle soit, fait preuve d’une belle maturité et se révèle un personnage très intéressant. A lire sans crainte ! 😉
Bienvenu à Zombieland 😀
C’est vrai que le fait qu’il y ai toujours de l’électricité, ou que les humains trouvent toujours des conserves à manger n’est pas logique.Seul point négatif pour moi.
Oui, petit souci de cohérence sur le contexte. Le reste est bien meilleur, heureusement.