Pavane, de Keith Roberts
Quatrième de couverture :
Si la reine Elisabeth 1ère avait péri en 1588 sous le couteau d’un assassin, si l’Invincible Armada avait triomphé de la tempête et vaincu, l’histoire aurait suivi un autre cours où la Papauté l’aurait emporté et où le progrès technique aurait été condamné comme démoniaque.
Au XXe siècle, des locomotives à vapeur tirant jusqu’à cinq wagons disputent les routes aux cavaliers ; les nouvelles sont transmises par des réseaux de sémaphores ; on chasse les sorcières…
Mais l’histoire, imperturbable, entraîne dans sa pavane peuples et rois, humbles et riches, filles et garçons et, bien que l’église veille, quelques seigneurs féodaux poursuivent, au cœur des souterrains de leurs châteaux forts, des recherches secrètes dans les sciences prohibées et démoniaques : chimie, physique, électricité…
Anthony Burgess, l’auteur de « Orange Mécanique », a salué « Pavane » comme l’un des meilleurs romans britanniques jamais parus.
Il s’agit incontestablement d’un des plus grands classiques de l’uchronie à côté du « Maître de Haut Château » de Philip K. Dick, mais également de la littérature de science-fiction, voire de la littérature tout court.
Quand l’uchronie se fait danse
Surprise : « Pavane » se rapproche plus d’un recueil de nouvelles que d’un roman. Composé en effet d’une introduction présentant les points de divergence avec notre Histoire (les principaux étant l’assassinat de la Reine Elisabeth 1ère en 1588, et la victoire de l’Invincible Armada sur la flotte anglaise, ces faits entraînant le non-développement de l’église anglicane et assurant la mainmise du Vatican sur l’essentiel de la société occidentale, y compris le Nouveau Monde et l’Australasie qui restent sous contrôle anglais), et amenant à la période à laquelle s’intéresse l’auteur, c’est à dire un vingtième siècle uchronique, qui semble être resté figé dans une époque féodale, sous la coupe d’une église catholique toujours prompte à chasser l’hérétique.
Dès lors, Keith Roberts, plutôt que de nous décrire dans le détail le fonctionnement de cette société, préfère nous la montrer par petites touches, à travers six récits en apparence indépendants les uns des autres, six récits qui vont illustrer sur plusieurs générations cette Angleterre uchronique. La cohérence du tout viendra petit à petit. C’est sans doute ce qui m’a un peu donné du fil à retordre pour m’accrocher au récit, assez délié finalement. En revanche, s’il y a une chose sur laquelle tout le monde peut se mettre d’accord, c’est la qualité d’écriture : c’est juste, c’est subtil, c’est très soigné. Mais les différentes histoires, aussi belles soient elles, n’ont pas marché dans leur globalité.
En tout cas au début. Parce qu’au fur et à mesure, on entre dans cet univers, à travers des personnages particulièrement soignés, qui parfois reviennent d’un récit à l’autre, à travers des organisations parfois fascinantes (la nouvelle nommé « Le signaleur » nous offre un beau panorama de cette caste de messagers utilisant des sémaphores munis de grand bras mobiles pour communiquer à travers le pays, avec l’apprentissage de l’un d’entre eux), à travers des scènes émouvantes, et à travers une atmosphère douce, brumeuse et mystérieuse dans laquelle la fantasy fait parfois de courtes apparitions, mais toujours marquantes et importantes, puisque les anciennes croyances n’ont pas encore complètement disparues…
Et le charme opère, quand on commence à entrevoir une trame globale qui apparaît en filigrane, sur des changements profonds sur le point de bouleverser cette Angleterre encore quasi-médiévale, dans laquelle les avancées technologiques se font bien rares et surtout strictement réglementées par le Vatican. Ainsi, la quatrième nouvelle, « Frère Jean », voit un artiste demandé par le Vatican pour illustrer les séances tenues par la Cour de Salut spirituel, qui autrefois s’appelait l’Inquisition… Une mission qui n’ira pas sans le bouleverser. Le cinquième récit voit apparaître Margaret, nièce de Jesse Strange, le personnage qui apparaît dans la nouvelle initiale, s’amouracher d’un noble, Robert de Wessex. Cette histoire aura un impact direct sur le passionnant dernier récit, « Corfe Gate », dans lequel le courage d’une jeune noble pourrait bien sceller le sort de tout un pays, voire plus.
Puis, après ces six « mouvements », c’est ainsi que les nouvelles sont nommées, ce qui les décrit très justement comme étant différentes parties d’un tout qui prend tout son sens mais aussi tout son mystère dans l’ultime chapitre qui porte bien son nom, « Coda », on finit par regretter de voir arriver la fin d’une vaste histoire, les chroniques d’une Angleterre qui aurait pu exister. Porté par une majestueuse écriture, « Pavane » peut déboussoler le lecteur au démarrage, mais avec un brin de persévérance il est bien difficile de ne pas être emporté lentement au rythme de la danse qui lui donne son nom.
Lire aussi les avis de Guillaume, JainaXF, Alvin, Sylvie Gagnère, Marc.
Chronique écrite dans le cadre du challenge « Morwenna’s list » de Cornwall.
Ca a l’air sympa, je vais me noter la référence dans un coin.
Tu fais bien ! 😉
Je le lirai surement au détour du challenge.
Je note d’être disponible intellectuellement pour pleinement l’apprécier ?
Ce n’est pas a proprement parlé une lecture « fun » qui permet de déposer son cerveau. Ça se lit très bien, mais ça se savoure aussi. 😉
Un excellent roman, j’en garde un souvenir fort.
Je confirme qu’avec un peu de recul (peu, certes, mais tout de même), c’est un souvenir très positif qui va rester.