L’oreille interne, de Robert Silverberg
Quatrième de couverture :
David Selig : longue silhouette, quarantaine mélancolique, petits métiers, juste de quoi survivre aux marges d’un New York qui n’aime que la réussite et la violence. Un homme comme beaucoup d’autres ?
Non ! Depuis l’enfance, à l’insu de tous, David est télépathe. Au delà des apparences et des paroles, il est capable de percer à jour les pensées les plus secrètes des autres.
Ce don peut être une malédiction, mais c’est aussi une force. David puise un bonheur exaltant dans la supériorité qu’il lui donne.
Aussi, lorsque ce pouvoir décline, David est-il prêt à tout pour le préserver…
La malédiction du don
« L’oreille interne » nous met dans la peau de David Selig, un homme qui a le « don » de télépathie. Les guillemets ne sont pas là pour rien puisqu’alors que la plupart d’entre nous considéreraient ce pouvoir comme un don du ciel, David Selig, lui, a plutôt tendance à le voir comme une malédiction. C’est en effet ce pouvoir de télépathie qui est la cause de tous ses problèmes : problèmes affectifs (sa vie amoureuse est un désastre), problèmes sociaux, etc…
Mais son pouvoir semble le quitter petit à petit. Tant mieux ? Pas si sûr. Des sentiments ambivalents naissent en David Selig. Ce don/malédiction est tout de même une partie importante de lui-même, une partie fondamentale même, quand bien même sa vie ressemble à un échec. Ce don, c’est ce qui le définit. Ce don, c’est lui.
Le roman est donc une suite de morceaux de la vie du personnage, sur un schéma narratif que Robert Silverberg a voulu déconstruit. La chronologie n’est pas respectée : on va de flashbacks en retours à l’époque du récit, le tout sans règle claire. Mais le roman, lui, reste d’une remarquable limpidité ! Le style de Silverberg n’y est pas pour rien : sa maîtrise narrative est exemplaire. Passage de la première à la troisième personne, flashbacks, destruction du « quatrième mur », tout y passe, et toujours a bon escient, avec une volonté de servir le récit. C’est remarquable.
« L’oreille interne » est aussi empli de références en tout genre, qu’elles soient littéraires ou purement culturelles (de nombreux mots hébreux, rappelant l’origine juive de Silverberg, et montrant que finalement David Selig est Robert Silverberg : même âge, même lieu d’habitation, même religion, même penchant vers la littérature, etc…). C’est un roman profondément introspectif qui s’ouvre au lecteur, mais sans jamais être ennuyeux. Un roman humaniste qui interroge sur le temps, l’identité, la communication.
Je n’en rajouterai pas sur un roman qui a déjà été maintes et maintes fois critiqué, étudié, disséqué, d’autant que je n’aurai rien de pertinent à rajouter. « L’oreille interne » mérite donc pleinement son statut de chef d’oeuvre de SF, voire de littérature tout court, car cette histoire de télépathie n’est finalement qu’un prétexte pour ostraciser quelque peu le personnage de Selig par ce pouvoir qu’il aime et exècre à la fois. C’est incontestablement une porte d’entrée « simple » vers la SF, au même titre qu’un « Des fleurs pour Algernon » de Daniel Keyes, ou bien le roman idéal pour faire lire de la SF à ceux qui prétendent ne pas aimer ça. Et je compte bien tenter le coup dans mon entourage…
Lire aussi les avis de Cornwall, Vert, Colimasson, Looper, Val, Efelle, Stéphane Pons, Catherine, Matoo, Philémont, Nefertari808, le Dino bleu, Patrick, Hydromielle.
Critique rédigée dans le cadre des challenges « Morwenna’s list » de Cornwall et ”Les chefs d’oeuvre de la SFFF” de Snow.
Tu m’as doublé :p Je rigole, ma chronique parait ce jour, et on se rejoins pleinement sur ce titre.
Bref à lire, très beau et bon titre !
Absolument, ce roman est un petit bijou !
Je t’ai linké. 😉
C’est vraiment dommage que le titre français d’un tel chef-d’oeuvre de la SF soit aussi mauvais. Le titre anglais, Dying inside, est bien plus juste et poignant. C’est en effet à une sorte de lente mort intérieure qu’est confronté David Selig avec la perte de son pouvoir.
En tout cas c’est un superbe roman qu’il faut faire découvrir aux gens qui n’aiment pas la SF.
Le titre original est en effet plus parlant, en insistant plus sur la mort intérieure, telle qu’elle est ressenti par l’auteur.
Le titre français insiste plus sur le côté télépathie, peut-être pour asseoir un peu plus sur le côté SF ? Il a du sens aussi, mais je préfère en effet le titre original.
Emprunté à la médiathèque mais toujours pas lu… Ton avis dithyrambique me pousse à y regarder de plus près, d’autant que j’ai adoré « Les monades urbaines ».
Ah oui oui, il faut le lire, c’est du grand Silverberg. Et comme déjà, à la base, Silvberberg est grand, ça fait un grand grand Silverberg ! 😀
Il est vrai que je crois n’avoir rien lu d’autre de cet auteur, en revanche, depuis que j’ai lu, il y a une vingtaine d’années, ce livre, je ne cesse de le relire toujours avec autant de plaisir!
Pour d’autres grandes oeuvres de l’auteur, « Les monades urbaines, « L’homme dans le labyrinthe », « Le livre des crânes », « Les ailes de la nuit »… Je ne les ai pas tous lues, mais j’ai bien l’intention de multiplier mes lectures de ses oeuvres.
Encore une critique dithyrambique ! Hâte de le lire 😉
Un roman à lire, par tout le monde. 😉
Oh, tu as osé l’argument suprême (« Des Fleurs pour Algernon »). =O
Il va falloir que je me lance dans Silverberg, toutes tes lectures ont l’air bonnes. ^^
Silverberg est un excellent auteur, ce roman le prouve de belle manière.
Mais il y en a plein d’autres, tu as le choix… 😉
Chouette roman en effet, et je le range moi aussi dans mon tas de livres pas trop SF qu’on peut faire lire à des non-SF-aficionados ^^.
Tout pareil quoi ! 🙂