Mordred, de Justine Niogret
Quatrième de couverture :
La légende veut que Mordred, fruit des amours incestueuses d’Arthur et de sa sœur Morgause, soit un traître, un fou, un assassin. Mais ce que l’on appelle trahison ne serait-il pas un sacrifice ?
Alité après une terrible blessure reçue lors d’une joute, Mordred rêve nuit après nuit pour échapper à la douleur. Il rêve de la douceur de son enfance enfuie, du fracas de ses premiers combats, de sa solitude au sein des chevaliers. Et de ses nombreuses heures passées auprès d’Arthur, du difficile apprentissage de son métier des armes et de l’amour filial. Jusqu’à ce que le guérisseur parvienne à le soigner de ses maux, et qu’il puisse enfin accomplir son destin.
Mordred l’injustement méconnu
Si la légende arthurienne, récit fondateur s’il en est, est connue de beaucoup, avec ses nombreux personnages célèbres, et reprise de nombreuses fois dans des récits plus ou moins anciens, romançant le mythe ou bien en tentant d’y percer l’aspect historique, le personnage de Mordred n’a quant à lui pas eu le droit à une vraie caractérisation.
C’est donc ce à quoi s’attelle Justine Niogret, en s’approchant au plus près de ce personnage finalement uniquement connu sous son aspect de traître et de meurtrier. Et l’auteure de dépeindre un personnage extrêmement complexe à travers ce récit ou l’introspection est reine (la marque de fabrique de la romancière).
Mordred est blessé au dos, gravement. Au point d’à peine pouvoir se lever, de faire quelques pas, au prix d’une extrême et invalidante douleur. Il passe donc ses journées à penser, à rêver. Rêver de ce qu’il a été notamment, et ce sera donc l’occasion pour le lecteur d’en apprendre plus sur sa vie, son passé. Son enfance heureuse avec sa mère, éloigné de la civilisation et au plus proche de la nature. Sa rencontre avec Arthur. Ses premiers défis, ses premiers combats. Jusqu’à cette blessure.
Quand je parle d’introspection, ce n’est pas à la légère. Dans ce récit, Justine Niogret a décidé de se centrer uniquement sur Mordred. Le lecteur vit Mordred, le lecteur pense Mordred. Un personnage mystérieux qui se dévoile au fil du temps, prenant un aspect complexe, torturé, nostalgique, intrigant, fascinant en somme.
Tout en puisant l’essence même de la légende arthurienne, l’auteure prend ce personnage pour le rendre consistant, ce qui passe aussi par le retrait de tout l’aspect mythique du récit arthurien. Pourtant, certains « passages obligés » sont présents (Avalon, Camelot, Camlann), mais sans forcément être nommés, ce qui rend le tout plus réel, moins légendaire. Il ne faut d’ailleurs pas s’attendre à un récit ultra fidèle à la légende bien connue (encore que cette même légende varie selon les sources), Justine Niogret n’a de toutes façons pas pour but de réécrire cette légende. Mordred, toujours Mordred, uniquement Mordred. Mais aussi Arthur, un peu, qui là encore diffère de ce que l’on pourrait attendre de ce fier roi bien connu.
Et on atteint là sans doute la limite du procédé : à trop vouloir s’intéresser à son personnage principal, la romancière finit par diluer le cadre, jusqu’à en oublier de faire baigner son roman dans une atmosphère qui, pour le coup, n’existe pas. Les personnages sont là, mais entourés de vide et c’est bien dommage. C’est le seul regret que j’ai avec ce roman, mais un regret de taille puisque qu’au delà des personnages fouillés, l’auteure n’a pas su me captiver à tel point que j’ai eu l’impression d’avancer dans un brouillard. Dommage, alors que l’écriture est toujours aussi raffinée, élégante. Ce dernier point n’étonnera d’ailleurs pas les connaisseurs de l’auteure.
Pas le meilleur roman de Justine Niogret donc. Il réussit, en évitant le symbolisme trop pesant, là où « Gueule de truie » se cassait les dents, mais ne parvient pas à mon sens à retrouver le délicat équilibre que l’auteure avait trouvé dans « Chien du heaume » entre la profonde introspection de son personnage principal et la superbe atmosphère dans lequel le roman baignait. C’est ce dernier point qui m’a manqué dans « Mordred ». Il n’en reste pas moins que Justine Niogret a trouvé dans ce personnage le réceptacle parfait pour son étude approfondie des douleurs de l’âme humaine. Un roman concis mais bien mené jusqu’à cette inéluctable conclusion qui reste pour le coup ce que l’auteur à fait de mieux dans le genre jusqu’ici.
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Chronique écrite dans le cadre du challenge « SFFF au féminin » de Tigger Lilly.
Pas évident ce genre de bouquin… Perso j’avais bien aimé, en le lisant tout d’une traite, mais c’est tellement un récit d’ambiance qu’il est facile de ne pas y être sensible.
C’est un peu jusqu’au boutiste dans le genre c’est sûr. Donc forcément, si à un moment on n’est plus dans le trip, difficile de rentrer à nouveau dedans, d’autant que la faible longueur du roman ne permet pas vraiment de prendre son temps…
J’ai bien aimé ce Mordred et contrairement à toi je n’ai pas ressenti ce vide, par contre j’ai trouvé l’ensemble peut-être un peu trop court. Ça reste du bon Justine Niogret.
Tant mieux si tu as aimé, comme une grande majorité des critiques que j’ai pu lire.
Je n’ai pas encore connu de vrai mauvais Niogret, même si tout n’est pas parfait dans sa biographie…
Mouais. Toujours pas tentée par celui-ci même si le fait de ne pas bien connaître la légende arthurienne y est pour beaucoup… J’ai par contre plus envie de lire Gueule de Truie 😉
« Gueule de truie » n’est pas son meilleur non plus. C’est peut-être même son moins bon… Mais même le moins bon Niogret reste un bon roman, que j’avais apprécié malgré ses défauts.
Ses meilleurs restent définitivement pour moi « Chien du heaume » et « Mordre le bouclier », si tu ne les a pas lus… 😉
Je crois que la disparition du background dans le flou (qu’on apprécie ou pas) est l’une des marques de fabrique de Niogret.
Tout à fait, on ne lit pas du Justine Niogret pour le world-building, pour autant il y avait une vraie atmosphère médiévale qui ressortait de « Chien du heaume » et « Mordre le bouclier », j’ai encore en tête des scènes qui m’ont marqué plus par leur contexte que par ce qui passait par la tête des personnages (cette ambiance glaciale au Castel de Broc dans « Chien du heaume », ou dans cette tour abandonnée dans « Mordre le bouclier », des éléments vraiment tangibles que j’ai visualisés, dans lesquels j’ai vécu le temps de ces scènes).
Mais je n’ai pas retrouvé ça ici, et ça m’a manqué…
A lire en écoutant Mordred’s Song de Blind Guardian 🙂
Voilà un bon conseil ! 😉
Effectivement, il faut pouvoir adhérer au concept mais aussi à Mordred tout simplement. Je comprends tout à fait que ce soit difficile de s’y sentir happé s’il manque une sensibilité pour le background.
Ce n’est pas tant le personnage qui m’a dérangé, lui est vraiment fouillé et intéressant, c’est tout ce qu’il y a autour, qui n’est pas assez présent, trop vaporeux…
Il est dans ma PàL celui-là mais vu que je suis en train de revoir tous les Kaamelott c’est pas vraiment le moment de le lire, j’ose pas imaginer le mélange des genres xD.
Kaamelott et Mordred, joli contre-point ! 😀
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